Les conseillers financiers font de plus en plus l’objet de poursuites en raison d’erreurs et d’omissions. Il existe néanmoins plusieurs moyens de les prévenir et de les éviter. Joanna Reid, vice-présidente, relations avec les consommateurs chez Marsh Canada, en a fait la revue lors de la neuvième conférence annuelle du Canadian Institute of Financial Planners (CIFP) tenue à Ottawa en juin dernier.
Pourquoi compte-t-on maintenant plus de poursuites? « Les opérations sont plus complexes et les gens s’appuient sur les conseils de leur conseiller. Ainsi, ils sont plus enclins à poursuivre », dit Mme Reid.

La conformité technique n’est donc plus suffisante, dit Mme Reid. Des problèmes de communication peuvent se produire et se traduire en plaintes. Les clients allèguent alors ne pas avoir compris un produit ou un conseil de placement donné. Elle souligne qu’une documentation adéquate est d’une importance cruciale dans de telles situations.

Beaucoup de clients comprennent aussi que les conseillers disposent d’une assurance erreurs et omissions, alors ils ne voient pas nécessairement la poursuite comme une attaque personnelle. Selon elle, les clients se disent : « je sais bien que mon conseiller a une assurance. La compagnie d’assurance va payer. »

Elle note aussi qu’il y a moins de coopération de la part des fournisseurs. « Nous avons vu des cas où les compagnies d’assurance et les concepteurs de produits ont transmis le blâme aux conseillers. L’assureur refuse ainsi de prendre la responsabilité d’un produit défectueux ou d’instructions nébuleuses sur la façon qu’il fonctionne ou sur les motifs pour lesquels il a été conçu. »


La crise financière a fait augmenter le nombre de poursuites

Dans l’année suivant la crise financière, Westport, une filiale de Swiss Re, a vu monter en flèche le nombre de poursuites déposées contre des conseillers financiers.

C’est ce qu’a affirmé Stephen Ritter, vice-président exécutif, assurance et spécialités du réassureur lors du neuvième congrès annuel du Canadian Institute of Financial Planning (CIFP), tenu en juin à Ottawa. « Nous avons observé une hausse de 100 % du nombre de poursuites déposées. La bonne nouvelle est qu’elles ont diminué depuis », a-t-il dit.

Il affirme qu’au cours des cinq dernières années, 50 % des poursuites recensées par Swiss Re et sa filiale Westport Insurance avaient trait à un aspect financier, dont un produit.

En matière de ventes et services, la réclamation qui est revenue le plus souvent avait trait aux conseils en matière d’investissement, avec 24 % des poursuites déposées. Les réclamations relatives à la connaissance du client (know your client) ont représenté 7 % des poursuites déposées. Les erreurs lors d’une transaction ont, quant à elle, représenté 14 % des réclamations.

Par ailleurs, la plupart des poursuites déposées contre des conseillers financiers concernaient à des produits de fonds communs, de rentes et autres. En termes de sévérité, ce fut l’opposé. Ce sont les réclamations liées à des produits d’assurance vie spécialisés qui ont couté cher à l’assureur.

« S’il y a une erreur dans une transaction de fonds communs, les montants en cause peuvent être élevés, mais les enjeux en assurance de personnes peuvent être plus importants. Si une erreur survient dans le dossier d’une personne ayant un revenu élevé, la réclamation peut atteindre les sept chiffres », dit M. Ritter. Il a ajouté que les prêts leviers sont aussi un segment où la sévérité des poursuites était en hausse.

Malgré la forte hausse de réclamations, M. Ritter affirme que la sévérité des dommages accordés n’a pas été aussi élevée. Pour prévenir ce type de désagrément, il recommande aux conseillers de bien tenir leurs dossiers et de bien conserver ceux-ci.

« Les conseillers seront toujours aux prises avec de telles réclamations. Quand les gens perdent de l’argent, ils veulent le recouvrir d’une façon ou d’une autre », dit-il.

Du côté des clients, elle a aussi noté une diminution du sens de la responsabilité personnelle. Et cela peut être imputé autant au conseiller qu’au client.

« Nous avons vu des cas où le conseiller avait tout fait correctement. Les clients avaient eu une divulgation totale. Ils avaient signé les formulaires d’analyses de besoins financiers. Ils avaient aussi signé pour attester qu’ils comprenaient le risque associé à certaines stratégies. Or, ils revenaient en disant “Non, je n’avais pas compris. Je ne suis pas un investisseur averti. Je me suis fié à mon conseiller” », dit-elle.

Allégations courantes

et pièges fréquents

Quelles sont les allégations les plus courantes qu’elle a entendues? L’omission de déterminer et de comprendre les circonstances personnelles et les objectifs des plaignants est courante. Tout comme l’omission d’établir la véritable tolérance au risque du plaignant et d’expliquer adéquatement les risques ou les projections n’ayant pas été réalisées. Une autre allégation courante est de dire que le conseiller a fait placer son intérêt avant celui de son client en recommandant des investissements qui font augmenter ses commissions.

La fausse déclaration représente un autre motif courant de réclamation. La fausse déclaration intentionnelle et la fraude ne sont pas couvertes par l’assurance erreurs et omissions, prévient Mme Reid.

Les produits de revenu en cas d’invalidité et leur façon de s’intégrer aux garanties et aux autres polices représentent un secteur problématique générant des réclamations. L’annulation d’autres polices est un autre piège à surveiller, comme l’est la définition de l’invalidité. Les définitions varient d’un fournisseur et d’un produit à l’autre, dit Mme Reid.

Les produits de rentes et leurs incidences fiscales potentielles représentent une autre zone de danger. « Au sujet des incidences fiscales, il vaut mieux faire appel à un spécialiste pour vous aider en cette matière si vous ne connaissez pas vraiment la fiscalité », ajoute-t-elle. La convenance d’un produit ou d’un investissement s’avère aussi un sujet d’allégations. En matière de produits financiers, les conseillers peuvent se retrouver dans une position très difficile si ces produits génèrent un mauvais rendement.

« Leur premier point de contact, c’est vous. Alors, même si vous avez expliqué que vous n’avez aucun contrôle sur ce qui se passe sur le marché, le client peut quand même vous dire : “vous ne m’aviez pas dit que je courais ce risque et que je pourrais essuyer des pertes sur ce placement en particulier”. »

Posséder plusieurs titres professionnels s’avère certainement une bonne chose. Cela prouve qu’un conseiller s’est perfectionné et qu’il est davantage spécialisé. Or, les titres peuvent nuire à la perception du niveau d’expertise du conseiller. Ils pourraient se traduire par une responsabilité plus accrue parce que le conseiller se présente à titre de professionnel doté d’une expertise. « Si quelque chose dérape, le client vous tiendra responsable », dit-elle.

En matière de meilleures pratiques d’affaires, Mme Reid souligne que les conseillers ont des devoirs envers l’assureur. Ils doivent connaitre leurs lignes directrices en matière d’évaluation des demandes. Ils doivent aussi divulguer tous les faits, particulièrement sur des demandes relatives à l’assurance vie ou maladie. ».

Ils ont aussi des obligations envers leurs clients pour choisir les fournisseurs qui jouissent d’une solidité financière, en plus de connaitre leurs produits. « Ceci est vraiment la clé : connaitre et comprendre les produits que vous conseillez et recommandez à vos clients, ainsi que comprendre leurs besoins. »

Remplacement de la police

Le remplacement des polices est un sujet de préoccupation. Un conseiller doit se demander s’il est nécessaire de le faire.

« Placez-vous toujours de façon à éviter les remplacements de police dans l’unique but de gagner une commission supplémentaire. Cela pourrait ressembler à de la manipulation et entrainer ainsi le risque de perdre votre client. »

Y a-t-il des incidences fiscales au fait de remplacer la police? « Assurez-vous de les comprendre et de bien les expliquer à vos clients, le cas échéant », dit Mme Reid.

La police de remplacement procure-t-elle une couverture identique? « Nous avons vu des cas où une police avait été remplacée par une nouvelle police qui ne fournissait pas nécessairement une couverture identique ou meilleure », dit-elle.

Les erreurs d’annulation de police peuvent s’avérer un autre piège. Mme Reid explique que le scénario le plus courant met en cause l’annulation d’une police avant que la nouvelle soit en vigueur. Ceci peut se produire, par exemple, si un délai imprévu de l’approbation survient au moment de l’adhésion à une nouvelle police d’assurance maladie collective.

La modification des polices exige aussi de prendre des précautions. « Vous devez vous assurer que vous documentez la raison du changement, sa pertinence et son occurrence dans le temps », dit Mme Reid.

Une des plus grandes préoccupations dans ce domaine est le changement du bénéficiaire de la police. « Nous avons eu certaines réclamations pour lesquelles le client avait demandé un changement de bénéficiaire qui n’avait pas été effectué en temps opportun, et une réclamation a effectivement été faite parce que le bénéficiaire indiqué sur la police était erroné », relate-t-elle.

Se fier à sa mémoire est un obstacle majeur pour se défendre contre une réclamation, indique Mme Reid. « La mémoire faiblit avec le temps. Gardez des dossiers écrits complets sur les transactions et les discussions. Vous pouvez exercer toutes vos activités correctement et votre client peut quand même vous poursuivre », dit-elle. Mme Reid ajoute que « l’outil dont vous disposez pour vous défendre est une documentation adéquate de votre dossier. C’est la pièce maitresse. »

Un dernier avis afin d’éviter les réclamations ou d’avoir à vous défendre est de vous souvenir de ceci : « un conseiller recommande, mais ne choisit jamais », dit Mme Reid. Ceci signifie que vous pouvez recommander un produit ou une stratégie, mais que le client doit prendre la décision. Ne dites jamais : “Voici ce que vous obtiendrez et voici ce que vous devriez faire”. »