La tendance à règlementer davantage le secteur de la réassurance devrait s’accentuer au cours des prochains mois et des prochaines années. Quel degré ce niveau de règlementation devrait-il atteindre? La question provoque un débat et même les réassureurs ne s’entendent pas entre eux.Stéphane Pallez, présidente et chef de la direction de la Caisse Centrale de Réassurance, à Paris, voit la nouvelle règlementation apportée par Solvabilité II d’un bon œil. C’est ce qu’elle a dit lors de la Conférence nationale sur l’assurance au Canada (mieux connue sous son acronyme anglais NICC).

« Solvabilité II apportera de bonnes mesures règlementaires pour le secteur, car nous devons couvrir de nouveaux risques. Comme l’industrie connait de nouvelles pressions, de nouveaux besoins doivent être pris en compte », dit-elle.

Selon elle, cette nouvelle règlementation est importante, car les règles qui existaient jusque-là n’étaient « pas assez consistantes ». Ces dernières ont été « conçues pour une autre époque. »

Mme Pallez considère que la règlementation a déjà été bénéfique pour l’industrie, dans la mesure où elle lui a permis d’être « résiliente ». C’est ainsi que l’industrie, qui avait souffert en 2011, se porte beaucoup mieux en 2012.

Brian Young, chef de la direction d’Odyssey Re, se montre plus méfiant à l’égard de la règlementation. Il estime, pour sa part, que celle-ci peut entrainer des conséquences néfastes pour l’industrie.

« La règlementation peut mener à une réduction de l’accès au marché comme c’est le cas en Australie, au Brésil, en Argentine ou même au Canada ». Selon lui, ce cas de figure n’est pas souhaitable, car « il existe déjà des exigences en matière de suffisance de capital ».

M. Young indique que la règlementation peut aussi obliger l’industrie à se focaliser sur la gouvernance de ses entreprises. Or, M. Young cherche à savoir « jusqu’où il faut aller en la matière. »

Autre conséquence de la règlementation : selon lui, elle conduit souvent à la création de nombreux modèles au sein des compagnies et à la multiplication d’actuaires et de personnes chargées de la conformité. Or, le secteur de la réassurance n’est pas « un secteur qui se spécialise dans la conformité », a-t-il fait valoir.

De son côté, James Vickers, président du conseil de Willis Re International, indique que la règlementation est perçue de manière trop négative. « Le processus oblige les gens à repenser leur activité en général et leur risque différemment. C’est un défi, mais les acteurs de l’industrie doivent trouver des solutions ensemble. Ils doivent trouver une façon plus appropriée de gérer les risques. Cela touche aussi la souscription », dit-il.

La règlementation est d’autant plus importante qu’elle intervient alors que le secteur de la réassurance pourrait se consolider. « De plus en plus de joueurs majeurs l’envisagent », a affirmé M. Vickers. Mme Pallez partage ce point de vue. Toutefois, elle croit que la consolidation pourrait se produire plus lentement que certains le prévoient. « Ce ne sera pas un choc brutal », dit-elle.

Aujourd’hui, pas moins de 80 % du marché total se trouve en Amérique du Nord et en Europe, dit Michael Morrissey, président et chef de la direction de l’International Insurance Society. « Les 10 plus gros joueurs mondiaux concentrent quelque 70 % du volume de primes total. Le marché de la réassurance compte 200 milliards de dollars en volume de primes », a-t-il indiqué.

« Pour le moment, le marché est stable. Nous constatons des pressions au niveau de la tarification, mais l’appétit des compagnies n’a pas diminué », dit M. Young.

Interrogés sur les opportunités d’affaires dans les marchés émergents, les trois conférenciers ont dit y voir un potentiel. « Ce sont des opportunités que nous devons tous considérer », dit M. Vickers.

Toutefois, tous trois ont invité les professionnels du secteur à la prudence en raison des risques que ces marchés comportent. « Pour se lancer, il faut connaitre ces marchés. Il faut savoir comment réévaluer ses activités sur place. Il faut savoir comment y générer un profit. Dans le cas contraire, faire des affaires dans ces marchés est un jeu est risqué », dit M. Vickers.

Quant à Mme Pallez, elle insiste sur l’importance de réévaluer régulièrement ses activités dans ces zones. « La Thaïlande change très rapidement, car son taux de croissance peut être de 7 % ou de 10 % par an, un taux que nous ne connaissons pas dans nos marchés matures. Si vous ne suivez pas l’évolution du pays et que vous fixez les mêmes prix année après année, vous vous retrouvez dans une mauvaise posture. Il est important de revoir la tarification chaque année », dit-elle.

Si les taux de croissance peuvent être « énormes » dans les marchés émergents, les professionnels du secteur doivent adopter « une approche plus technique dans leurs affaires », a dit M. Young. Selon lui, cela peut être très utile dans les pays comme le Brésil, qui sont « extrêmement concurrentiels ». En Chine, le marché de l’assurance croît, selon lui, de 15 % à 20 %. Toutefois, les compagnies qui y font affaire doivent maitriser l’exposition au risque de ces régions, dit-il.