Inquiétude, incompréhension, frustration et colère sont les mots qui décrivent bien les différents états de l’humeur qui règne présentement dans les segments de la distribution d’assurance au Québec.

La raison ? Le manque de consultation au niveau politique, et même la noirceur, disent certains, quant à l’avenir de la distribution d’assurance au Québec dans le cadre de la révision de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF).

Démarrée en juin 2015, avec le dépôt du Rapport sur l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, la consultation qui a suivi a engendré des réactions positives de nombre d’acteurs. La « vieille » Loi allait enfin être évaluée après 17 ans. Plus de 330 mémoires ont ainsi été déposés. Ils ont été rendus publics le 2 octobre 2015. Après avoir écarté les mémoires qui se sont avéré des copies d’une opinion originale, on comptait quelque 40 positions distinctes.

Six mois plus tard, en mars dernier, le Gouvernement du Québec annonce ses couleurs dans la réforme de cette Loi par le biais de son budget annuel. Québec annonce aussi que quelque huit autres lois qui régissent l’ensemble du secteur financier au Québec seront modifiées en même temps par une seule et unique loi omnibus.

Dans ses documents budgétaires explicatifs, le Ministre des Finances révèle avoir décidé que la vente d’assurance sur Internet passera dans le giron de la Loi sur les assurances, qui deviendra d’ailleurs la Loi sur les assureurs. Autre décision : l’Autorité des marchés financiers gagnera en indépendance opérationnelle et en autonomie administrative. Aussi, la Loi sur l’Autorité des marchés financiers sera renommée pour devenir la Loi sur l’encadrement du secteur financier.

La couverture du Fonds d’indemnisation des services financiers sera revue. Le Gouvernement indique dans son Rapport d’application qu’un consommateur pourra être indemnisé lorsqu’il est victime d’une fraude commise par un représentant certifié, même si la réclamation concerne la vente de produits que le représentant n’était pas autorisé à offrir.

Par ailleurs, le gouvernement a indiqué que la distribution sans représentant sera aussi retouchée. Québec veut donner plus de pouvoir aux assureurs pour qu’ils puissent mieux exercer leurs responsabilités.

Qu’advient-il de la vente d’assurance par les réseaux ?

Joint par le Journal de l’assurance pour connaitre les pistes du ministre, son attachée de presse Audrey Cloutier a répondu que « nous sommes à évaluer les différents scénarios et possibilités suite au dépôt du rapport d’application de la LDPSF. Aucune décision n’a été arrêtée pour l’instant. Nous sommes encore en discussion avec les parties prenantes concernées ».

Parmi les parties prenantes, les dirigeants du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) sont inquiets. « Nous aimerions vous faire part des changements, mais nous ne les connaissons pas, a lancé le RCCAQ, à ses membres au moment de fermer la présente édition du Journal de l’assurance. Par contre, nous savons que les fonctionnaires du ministère des Finances sont à peaufiner le projet de loi. De plus, nous savons que les principes directeurs de la vente d’assurance par Internet se retrouveront dans la Loi des assureurs. Alors, qu’en est-il pour les courtiers ? Nous devons nous assurer que les règles soient équitables pour tous les intervenants. »

« Un flou artistique »

D’autres parties s’interrogent. Plusieurs se sont inquiété et ont exprimé leur position sous le couvert de l’anonymat.

« On observe un flou artistique : le Gouvernement s’en va dans une direction dont le personnel de l’Autorité ne semble pas avoir encore eu connaissance. Pourtant, on nous affirme que le Gouvernement n’a pas encore fait son lit. »

Certains expriment même une certaine frustration.

« Le Gouvernement est plus libéral que l’Autorité. »

« L’administratif a pris le dessus sur le politique, c’est tellement clair. »

La décision du premier ministre Philippe Couillard de nommer Pierre Moreau, qui amorce un combat contre une tumeur, comme ministre délégué aux Finances pour assister son collègue Carlos Leitão a laissé perplexe.

« Le ministre Leitão avait saisi les nuances de la distribution à son début de mandat. Depuis, les finances ont accaparé son agenda. En plus, il vient d’hériter du Conseil du Trésor… Pour combien de temps, nul ne le sait. Quand le ministre Leitão se sentira-t-il interpellé par la distribution ? », s’interroge cet autre acteur.

Les réseaux sont inquiets.