S’ils ne veulent plus être considérés comme une anomalie dans le contexte règlementaire actuel, les agents généraux doivent se concerter et parler d’une seule voix pour faire entendre leurs préoccupations. C’est la conclusion à laquelle en est venu un panel d’agents généraux réunis lors du Congrès de l’assurance et de l’investissement.
Yves Gosselin, directeur régional chez MedAxio, a souligné l’importance pour les agents généraux d’avoir un statut légal. « Si nous laissons les législateurs dans l’ignorance, nous pourrions nous retrouver avec des aberrations comme la Loi sur la distribution des produits et services financiers (Loi 188), qui ne mentionne rien au sujet des agents généraux, même s’ils représentent un noyau important du réseau de distribution », a-t-il dit aux congressistes. Il a aussi souligné l’importance pour les divers acteurs de l’industrie d’être présents lors de ces discussions et d’expliquer clairement le rôle de chacun.

Cet appel à la mobilisation se fait d’ailleurs au moment où le Comité de règlementation des agences (CRA) s’apprête à publier une synthèse de la consultation sur le modèle de distribution des produits d’assurance vie fondé sur les agences générales, qui s’est déroulée l’an dernier.

M. Gosselin est aussi le porte-parole du Groupe de travail des agents généraux du Québec, qui réunit 20 agences et qui a tenu sa première rencontre officielle en mars 2011, à la suite de la publication du document de discussion initial par le CRA. Le but d’une telle initiative est de s’assurer que les préoccupations et les besoins des agents généraux québécois sont pris en compte alors qu’une refonte de la règlementation pointe à l’horizon.

« On était une bibitte inconnue », lorsque le CRA a lancé la consultation, a pour sa part dit Martin Luc Derome, associé principal au Groupe financier Horizons, un agent général qui fait partie du groupe de travail. Maintenant, M. Derome croit que ce n’est qu’une question de temps avant que le statut d’agent général soit reconnu dans la Loi 188.

La Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies (CAILBA) voit aussi les mérites d’une catégorie de permis spécifique pour les agents généraux, selon son mémoire remis au CRA. L’association croit que le programme existant concernant l’octroi de permis n’est pas adéquat pour les fonctions que performent les agents généraux. De plus, elle rappelle que les règles d’attribution de permis varient grandement selon la juridiction et qu’aucune ne reconnait le caractère particulier des agents généraux.

Lors du panel, Bob Ferguson, chef de la direction de la CAILBA, a plaidé pour une uniformisation des règles à l’échelle nationale. « Ce qu’on essaie de faire avec le Conseil canadien des responsables de la règlementation d’assurance (CCRRA), c’est une harmonisation des règles entre les provinces, car le fait qu’elles soient différentes est franchement ridicule », a-t-il dit, en mentionnant au passage que le Québec est un leader au chapitre des progrès et des changements. « C’est souvent de là que des initiatives prennent forme ».

M. Ferguson dit que CAILBA travaille de concert avec le CCRRA, les Organismes de règlementation des services d’assurance canadiens (CISRO) et les régulateurs provinciaux afin de développer et éventuellement mettre en place un ensemble de règles pour le réseau de distribution indépendant. « Le but est d’évoluer dans un système mieux régi et d’enfin reconnaitre les agents généraux dans la législation ».

De son côté, le président du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière (RICIFQ), René Auger, a souligné l’importance de l’engagement des conseillers dans le processus. « Ils peuvent donner une vision claire aux législateurs de comment ça se passe “en bas” avant que des décisions ne se prennent “en haut”. Il est donc impératif qu’une organisation parle en leurs noms. C’est pour ça que le RICIFQ existe ». M. Auger rappelle qu’ultimement, ce sont les conseillers qui sont le plus au fait des besoins des consommateurs puisqu’ils sont en contact direct avec eux.

Le processus pour mieux encadrer le réseau de distribution indépendant est long, selon M. Ferguson. « Nous évoluons dans une grosse industrie. Nous avons environ 76 000 conseillers en sécurité financière qui font des affaires avec des grandes compagnies d’assurance. Les progrès quant à la règlementation sont lents et il y a de bonnes raisons pour cela. C’est une bonne chose, car nous voulons nous assurer de mettre en place un système qui fonctionne ».

La question des quotas
Les participants du panel ont vivement réagi lorsqu’il a été question des quotas imposés aux agents généraux par les assureurs. D’abord, M. Auger a fait valoir que « si on veut offrir le produit qui comble entièrement les besoins d’un client, ce n’est pas logique d’avoir des quotas et de forcer les distributeurs à atteindre un certain volume d’affaires ». M. Derome a renchéri : « c’est clair que les quotas qui sont toujours en hausse, ça devient une problématique. On ne demande pas mieux que de les faire baisser, mais le poids qu’on a est minime par rapport aux grandes compagnies d’assurance ».

Dans la salle, Guy Duhaime, président au Groupe Financier Multi Courtage, a pour sa part dit : « je pense qu’il faut que le gouvernement fasse sauter ces fameux quotas qui sont une honte pour notre industrie ». Bob Ferguson a mentionné que CAILBA se penchait sur l’uniformisation des contrats entre assureurs et agents généraux.

La règlementation qui devrait s’accroitre au cours des prochaines années coutera plus cher aux agents généraux. Afin de demeurer rentables dans un marché hautement concurrentiel, certains agents généraux pourraient devoir fusionner avec un concurrent. Selon M. Gosselin, la prochaine vague de consolidation chez les agents généraux coïncidera avec la mise en place de mécanismes formels de conformité. « Ceci créera beaucoup de pression financière sur les agences qui n’auront d’autres choix que de se joindre au mouvement.»

M. Derome a de son côté affirmé que « la conformité, il faut la mettre en place, puis la faire respecter. Aujourd’hui, on en fait de plus en plus, mais ce n’est rien en comparaison de ce qui s’en vient. C’est donc une menace à savoir comment vont faire les plus petits agents généraux pour mettre ça en place et surtout la maintenir et la faire respecter ».

La consolidation qui devrait s’accentuer aura-t-elle des effets sur le travail des conseillers en sécurité financière ? Pour avoir lui-même vécu l’expérience, M. Derome ne pense pas qu’il y aura une incidence sur les conseillers. « Je ne crois pas que ça va changer quelque chose au même titre que la consolidation des assureurs par exemple. Car dans ce cas, cette consolidation entraine une baisse dans le nombre de produits offerts et une concurrence plus faible ». Selon lui, d’ici 5 à 7 ans, 85 % de la distribution au Canada se fera par le biais de 5 à 7 agents généraux.

Pour sa part, M. Ferguson fait un parallèle avec l’industrie des fonds communs de placement. « Il y a 10 ans, le Canada comptait environ 460 courtiers en fonds communs. Ils sont maintenant moins de 200. Cela a-t-il eu un effet sur quelqu’un ? Probablement pas. Peut-être un peu, mais le changement est normal. Pour ce qui est des agents généraux, il y en a probablement environ entre 300 et 350 au Canada. Avec une consolidation, peut-être que ça va descendre parce que les assureurs veulent limiter le nombre de contrats qu’ils émettent, car ils ne sont pas en mesure de bien les gérer. Est-ce ça va affecter un conseiller en sécurité financière ? Je ne crois pas. »

Sachant que cette consolidation d’agents généraux se poursuivra, y a-t-il un risque que les agents généraux associés disparaissent éventuellement ? Non, selon M. Gosselin. « Un agent général associé, c’est un agent général potentiel. Ça fait partie de la relève des agents généraux. C’est un outil qui va garder l’industrie en santé. Il doit être maintenu en vie, ça, c’est clair. »

M. Derome, lui, est pour la survie des agents généraux associés. « Je me suis déjà battu avec une compagnie pour avoir un agent général associé, mais ils n’ont jamais voulu me le donner. Il y a des compagnies qui sont contre ça et qui disent que ça ne fonctionne pas, mais je pense que c’est une question de libre entreprise et que si un courtier veut réunir une équipe de 15 ou 20 courtiers, c’est correct. »