Les primes d'assurance vie universelle ont poursuivi leur chute au deuxième trimestre de 2009. Plusieurs assureurs croient que le pire est passé. Leur optimisme est fondé sur la hausse du nombre de propositions soumises. De plus, certains produits connaissent un regain des ventes.Le marasme économique colle toujours à la vie universelle. Les dépôts excédentaires au sein des polices vie universelle ont continué de décroitre au deuxième trimestre 2009 par rapport au même trimestre en 2008. Ils ont connu une chute marquée de 40 %, selon les données de LIMRA, révélées par les assureurs interviewés (voir tableau en page 34).

La vie universelle à coût d'assurance renouvelable annuellement (ou TRA), le produit idéal qui permet les dépôts excédentaires, écope. Ses ventes ont ainsi plongé durant la même période de comparaison. Celles du produit à primes nivelées ont subi le même sort, mais dans une moins grande mesure. Ce produit est plus souvent utilisé pour de la protection pure que pour investir, disent les assureurs.

Seul le produit à paiement limité a connu une croissance de ses primes. Ce ne fut pas assez pour compenser les déboires des autres produits. Dans l'ensemble, les ventes de nouvelles primes de vie universelle ont reculé de 15 % au Canada entre le deuxième trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2009.

« Selon les chiffres de LIMRA, il s'est vendu 260 millions$ (M$) de primes aux deux premiers trimestres de 2009. Il y a longtemps qu'aussi peu de primes avaient été vendues en vie universelle lors de la première moitié d'une année », fait observer Paul Smith, vice-président marketing et élaboration des produits, assurance individuelle chez Financière Manuvie. Il ajoute qu'on doit reculer au 2e trimestre de 2004 pour trouver un résultat aussi bas, soit 270 M$. Les primes vendues en assurance vie universelle au premier semestre de 2008 avaient atteint 330 M$, avant que la récession ne frappe.

Les clients continuent de remettre leurs décisions d'achat à plus tard, remarque M. Smith. C'est surtout le cas en planification successorale, un marché propice aux polices avec dépôts excédentaires où l'assureur est très présent. « Ils ne veulent plus parier sur les marchés ni même avoir à s'en inquiéter », lance M. Smith.

Chez Empire Vie, Peter Wouters n'est pas non plus surpris des résultats de LIMRA. Directeur fiscalité et planification successorale et directeur du marketing des produits d'assurance individuels, M. Wouters estime que la récession aura toutefois appris une saine leçon au marché : la vie universelle n'est pas l'unique réponse à tous les besoins d'assurance.

« La chute des marchés et la venue du compte d'épargne libre d'impôt (CELI) ont affecté les ventes d'assurance vie universelle. Et l'impact du CELI sur la vie universelle se poursuivra. Les gens savent que le CELI est plus efficace et plus flexible pour eux qu'une police à l'abri de l'impôt, surtout pour les économies modestes. Ils peuvent déposer et retirer des sommes sans impôt dans la plupart des institutions financières. » M. Wouters estime que ce type de clients optera plutôt pour des produits de protection purs, tels l'assurance temporaire et la vie universelle à coût nivelé et à prime minimum.

Hausse des propositions

Malgré la décroissance, le moral est là. Des joueurs commencent à voir la lumière au bout du tunnel. Une hausse généralisée des propositions d'assurance vie universelle laisse entrevoir des lendemains meilleurs.

Peter Wouters note en effet une hausse marquée des propositions d'assurance vie pour tous les produits depuis le début de l'année chez Empire Vie, au moment de l'entrevue en août. « Les montants d'assurance couverts sont toutefois plus petits que lors des dernières années. Nous n'y voyons pas non plus d'engagement ferme pour des dépôts excédentaires. Nous sentons que les gens regagnent confiance mais sont plus prudents », remarque M. Wouters.

Tous produits confondus, les propositions sont aussi à la hausse chez Sun Life, « de 35% depuis le début de l'année comparé à la même période l'an passé », confie David Gray, vice-président, réseaux de distribution. Les ventes ne sont pas à la hausse encore, mais tout pourrait changer quand les propositions seront acceptées, ajoute M. Gray. Il note aussi un retour de croissance en vie universelle dans le réseau des comptes nationaux (le secteur des valeurs mobilières), réputé pour générer de gros dossiers d'assurance. « Mais nous ne voyons plus les dossiers jumbos de quelques millions de dollars de primes du passé. »

Canada-Vie et Great-West vivent aussi un revirement, même pour les primes excédentaires. « Depuis juin, nous observons une augmentation des propositions d'assurance vie universelle et des dépôts excédentaires », révèle Saundra Edwards, vice-présidente adjointe marketing assurance vie individuelle chez Great-West. La tendance se maintenait depuis six semaines, a précisé Mme Edwards en entrevue à la mi-août. Rien ne semblait indiquer un essoufflement, selon elle.

La croissance des ventes d'assurance vie universelle est toutefois nulle chez Great-West pour le deuxième trimestre de 2009 par rapport au même trimestre l'an passé. Or, c'est mieux que la décroissance enregistrée au premier trimestre par rapport à la même période l'an passé, dont fait part Mme Edwards.

Chez Transamerica, Joe Kordovi témoigne d'une hausse de 3 % des propositions soumises en assurance vie universelle au deuxième trimestre cette année par rapport au deuxième trimestre de l'an passé. Malgré tout, le vice-président et actuaire en tarification pour les produits d'assurance vie a assisté à une baisse des ventes de ce produit pour la même période de comparaison. M. Kordovi voit toutefois la croissance des ventes en assurance temporaire comme un signe encourageant puisque ces polices seront éventuellement transformées en vie universelle. Les propositions sont aussi à la hausse pour ces produits, « de 14% au deuxième trimestre 2009 par rapport au même trimestre l'an passé ».

Plusieurs joueurs ont par ailleurs souligné la bonne performance des ventes dans les produits de protection de base, surtout les produits à durée de paiement des primes limitée.

Par exemple, Manuvie a obtenu de bonnes ventes avec son produit à durée de paiement des primes limitée Vie universelle Sécurité. Données de LIMRA en main, Paul Smith affirme que le marché a fait plus que jamais une place à ce produit. « Au premier trimestre de l'année 2009, LIMRA rapporte que 21 % des ventes de vie universelle, en termes de primes liées au coût d'assurance seulement, l'ont été en produit à paiement limité. Pour le nombre de polices, c'est 27 %. Il y a cinq ans, il n'y avait presque aucune croissance dans cette catégorie de produits », ajoute M. Smith.

Il souligne d'ailleurs la popularité des options d'investissement à taux garantis. « Vous verrez plus d'argent aller dans les comptes à intérêt garanti parce que les conseillers ne veulent pas replacer leurs clients dans quelque chose qui va baisser, surtout après ce que nous avons vécu », pense Paul Smith.

Empire Vie n'a pas voulu manquer le bateau. Il a augmenté cet été son taux sur les options de placement garantis 20 ans de 2,625 % à 2,875 % sur ses produits Trilogie et Trilogie Plus. De plus, l'assureur a étendu cet ajustement rétroactivement à son bloc d'affaires sur deux ans, précise M. Wouters.

D'autres joueurs sont aussi à l'heure des changements. RBC Assurances a annoncé son intention de lancer à la fin d'octobre un produit d'assurance vie universelle qu'il qualifie de concurrentiel, et qui remplacera l'actuel produit Destinée. Ce sont les seuls détails disponibles pour l'instant, a indiqué la porte-parole de l'assureur, Margie McNeil. Par la même occasion, RBC Assurances lancera un nouveau produit d'assurance temporaire 100 ans.

Pour sa part, Standard Life défie la tendance et obtient de bons résultats avec sa police TRA, selon Gerry Anthony, consultant principal, développement de produits d'assurance, marchés individuels. La situation de l'assureur est toutefois unique. Il a effectué une transition du marché de l'assurance vie universelle à primes nivelées vers celui de la prime renouvelable annuellement, pour des motifs de rentabilité.

« Nos primes augmentent. Nous avons une prime moyenne plus élevée par cas de 20 % à la fin du mois de juillet comparativement à la même date l'an dernier. Les dépôts excédentaires effectuent un retour. Nous détectons le sentiment dans le marché et chez les clients que le pire de la récession est passé. »

Normal puisque pour Standard Life, l'investissement est le pain et le beurre, comme le rappelait son premier vice-président aux finances, Christian Martineau, lors d'une entrevue sur les résultats du deuxième trimestre des activités de l'assureur. « Notre stratégie de croissance à l'individuel est de vendre des produits d'investissement et de présenter l'assurance comme un outil fiscal pour protéger les portefeuilles de placements », explique-t-il. Il signale d'ailleurs que l'assurance vie individuelle constitue environ 15 % de l'ensemble des primes et des dépôts individuels de Standard Life au Canada.

Malgré les ratés de la police vie universelle de type investissement, le réseau de distribution indépendant confirme les signes de reprises. Pour sa part, le consolidateur pancanadien Groupe financier Horizons prend la vie universelle très aux sérieux. Assez pour que son président John Hamilton y ait consacré une étude interne portant du début de l'année jusqu'au 31 juillet. Depuis le début de l'année, les ventes d'assurance vie universelle ont stagné... sauf les trois derniers mois.

Vigueur à venir

Le nombre de polices a augmenté depuis le début de l'année, peut-être de 1 %. Mais les primes ont augmenté de 5 % durant cette période. Pour la période étudiée, peu de primes excédentaires. C'est que leur croissance s'est produite dans les trois derniers mois, révèle M. Hamilton. Même le produit TRA donne de meilleurs résultats qu'au début de la période d'analyse. « Nous nous attendons à de la vigueur dans le marché de la vie universelle pour le reste de l'année. Les gens deviennent plus confiants. »

Groupe financier Horizons avait vendu 4,8 M$ de primes d'assurance vie universelle au 31 juin 2009. « Nous prévoyons atteindre les 10 M$ en 2009 si la tendance se maintient », ajoute M. Hamilton. Le volume total de primes d'assurance vie du Groupe financier Horizons a atteint 18 M$ en 2008, incluant la vie universelle.

Le président de Force financière Excel, James McMahon, dit être en avance de 14 % sur ses résultats au 14 août 2009 par rapport à la même date l'an passé. M. McMahon le doit à trois produits phares : la vie entière, l'assurance temporaire et la vie universelle à prime minimum. « Les gens ne prennent plus de risques. Ils veulent une police à primes garanties qui investit dans des certificats de placement garantis de un à cinq ans », soutient-il.

Selon lui, la vie universelle reprendra surtout autour de la police à prime nivelée plutôt que de la police avec investissement. « Les courtiers ont fait une réflexion : la vie universelle, c'est avant tout un produit d'assurance. »

Au Groupe Cloutier, Patrick Cloutier , vice-président ventes et développement des affaires, observe une reprise au deuxième trimestre, qui provient essentiellement de la police universelle à prime nivelée. « Nos ventes d'assurance vie universelle vont très bien au deuxième trimestre parce que ce sont les ventes d'assurance vie avec un besoin à long terme », remarque-t-il.

M. Cloutier note aussi une hausse des propositions d'assurance vie à son cabinet. Mais la prudence demeure du côté de la vie universelle. Les gens se disent que s'ils ne sont pas disposés à investir, il est préférable pour eux de ne pas toucher à la vie universelle. D'où le succès des vies universelles où tout est garanti, de la prime, jusqu'aux bonis et aux rendements sur les options de placement garantis.