Pour satisfaire une clientèle toujours plus exigeante, des assureurs du Québec aimeraient que les restaurateurs après sinistre adoptent de nouvelles pratiques d'affaires. Parmi elles, les indicateurs de performance qui évaluent leur prestation. La Fédération de l'industrie de la restauration après sinistre (FIRAS) ne ferme pas la porte à une telle idée, même si des restaurateurs n'y sont pas favorables.

 

François Reneault, vice-président indemnisation corporatif et responsable d'indemnisation pancanadienne chez AXA Assurances souhaite voir la mise en place d'indicateurs de performance. Lors du Congrès de la FIRAS en mai dernier, il a débattu de cette problématique avec Mario Caetano, président de la FIRAS, et Robert Rochon, directeur technique pertes majeures et unité d'enquête spéciale chez Co-operators. Le Journal de l'assurance a par la suite joint les trois hommes pour rediscuter de la question avec eux.

« Aujourd'hui les assurés veulent des services de qualité. C'est un mouvement général de société. Et nous, nous nous engageons à accomplir ce service à leur égard, par le biais de garanties de satisfaction. Si les assurés ne sont pas contents, on leur rembourse la franchise, souligne M. Reneault. Pour les contenter, nous devons mieux structurer notre relation avec les restaurateurs après sinistres. Et cela passe par la mise en place d'indicateurs de performance. C'est la seule façon de savoir si le travail de l'entrepreneur va dans le même sens que celui de l'assureur. »

Pas une réduction des couts

À ceux qui pensent que cette évaluation a pour objectif une réduction des couts, M. Reneault répond par la négative. « Le contrôle de qualité vise une meilleure qualité du service. » Robert Rochon, lui, y voit une occasion de « satisfaire la clientèle tout en contrôlant les couts. »

Un point de vue que partage M. Caetano, qui est aussi président de Refexio et administrateur de Disaster Kleenup Canada. « Les assureurs de l'Ontario et des provinces atlantiques utilisent des indices de performance depuis quatre ans environ. Au Québec, ceux-ci sont apparus surtout chez les gros joueurs, il y a près de deux ans », dit-il.

Le travail des entrepreneurs est évalué par l'entremise de sondages soumis aux assurés. Les indices de performance portant sur la qualité et à la rapidité d'exécution des travaux permettent de mesurer les compétences des entrepreneurs et restaurateurs.

« Le restaurateur doit se montrer rapide dès la première intervention urgente. Il doit informer l'assureur de ce à quoi il faut s'attendre dans les 24 heures. Il doit faire un rapport sur l'ampleur des dommages, sur la durée des travaux et est évalué sur le délai entre l'assignation du dossier et la première visite des lieux », explique M. Reneault. La gestion du temps est importante, car si les travaux sont trop longs, le taux d'insatisfaction risque de monter en flèche, ajoute-t-il.

Si la gestion du temps est importante, la gestion de l'argent l'est tout autant. Il faut donc savoir évaluer les couts des travaux, disent les experts. Plusieurs logiciels permettent d'estimer les couts de réparation et donc de les contrôler. Certains assureurs travaillent avec des logiciels maison. « Ces données doivent être saisies et compilées systématiquement chaque jour, sinon il sera difficile d'interpréter les données », précise M. Caetano.

Autre critère important selon M. Reneault : un bon entrepreneur en restauration après sinistres doit être un bon gestionnaire d'opérations capable de diriger une équipe. Il doit aussi bien représenter l'assureur. « Il faut que les professionnels qualifiés que nous embauchons aient la même mentalité que nous », a-t-il insisté. Ce dernier critère est très important puisqu'il engage la réputation des assureurs, dit-il.

Toutefois, du côté des restaurateurs après sinistres, ces indicateurs soulèvent réticences et scepticisme. « Certains sont réticents au changement », dit M. Caetano. « D'autres ne sont pas à l'aise avec cela, parce que leur mode de travail n'est pas structuré», ajoute M. Reneault.

La mise en place d'indicateurs de performance semble aller de pair avec la professionnalisation du métier de restaurateur après sinistre. « L'évaluation rehausse le niveau de compétences de l'industrie», fait remarquer M. Caetano.

Une tendance qui rappelle les changements amorcés il y a 25 ans au sein du secteur automobile. Ses professionnels avaient alors cherché à mieux satisfaire la clientèle en étant plus performants et en s'assurant que leurs collaborateurs l'étaient aussi. Les indices permettraient de distinguer les restaurateurs les plus efficaces. Un atout d'autant plus intéressant que le nombre de restaurateurs a augmenté, dit M. Reneault.

« Il y a de plus en plus de personnes qui s'improvisent restaurateurs après sinistre. Sans compter que les assureurs ont de plus en plus besoin de faire affaire avec les réparateurs, et ce, notamment à cause de Dame Nature .»

Si les assureurs sont souvent favorables à l'évaluation des restaurateurs, leur démarche ne relève pas du dirigisme, selon M. Reneault. La compagnie d'assurance n'imposerait donc pas ses entrepreneurs aux assurés. « On leur laisse le choix. Si nous choisissons parfois le restaurateur, c'est pour mieux les aider. Comme de nombreuses personnes sont désemparées face à un sinistre, notre engagement à leur égard nous pousse à les orienter vers un professionnel», a soutenu M. Reneault.

Pour preuve, les assureurs ne travaillent pas uniquement avec leurs propres entrepreneurs. Bon nombre d'entre eux font aussi appel à des sous-traitants, explique François Reneault. Selon lui, de véritables bassins de sous-traitants se développent. Certains assureurs laissent carte blanche aux restaurateurs pour les travaux, jusqu'à un certain montant. D'autres font appel à un restaurateur particulier uniquement pour des travaux d'urgence. Ce dernier va alors produire un estimé. Il n'y a pas d'uniformisation des pratiques, relève M. Reneault. Chaque assureur travaille à sa manière avec les restaurateurs. De la même manière, chaque entrepreneur a son tarif horaire.

Sophie Boltz