Au cours des 18 derniers mois, Jean-François Chalifoux a réorganisé la structure de SSQ Groupe financier. À son arrivée, l’assureur comptait sept entités en son sein. Il n’en reste plus qu’une seule.

« C’est une période de grands changements pour SSQ », a convenu son PDG, en entrevue au Journal de l’assurance. La rencontre s’est déroulée le 30 mars dernier, dans les nouveaux locaux de l’assureur à Longueuil.

Plusieurs affirment qu’être un joueur de taille moyenne n’est pas la position la plus avantageuse pour faire face aux défis du futur. Considérant SSQ comme une entreprise de ce type, M. Chalifoux ne cache pas que les défis seront grands pour la mutuelle, dans un monde en changements, où il y a de plus en plus de géants.

« Notre taille présente des opportunités. Elle nous donne une agilité meilleure qu’à d’autres. Nous avons un esprit entrepreneurial très fort. Je suis très optimiste pour l’avenir, malgré les défis qui nous attendent. »

Réorganisation en 4 temps

La réorganisation entreprise par M. Chalifoux s’est faite en quatre temps. La première phase a été de simplifier les opérations du groupe, suivi d’une phase d’intégration des activités.

« Nous sommes passés d’une structure par segment d’affaires à une plus intégrée. Nous avons donc regroupé nos fondations du côté manufacturier, opérationnel et au niveau de la distribution. Nos dirigeants touchent maintenant à tout. Ils ont des responsabilités transversales qui font en sorte qu’ils touchent à la fois à l’assurance vie et à l’assurance de dommages. On croit que nous sommes les premiers au Canada à nous doter d’une telle plateforme intégrée multirisques. »

Par la suite, SSQ s’est dotée d’un nouveau plan stratégique, qui a cours jusqu’en 2019, et dont l’un des principaux objectifs est de dégager une rentabilité de l’ordre de 10 % à 12 % à son terme. SSQ est dans la quatrième phase de sa réorganisation, soit celle de communiquer sa culture d’entreprise.

« Cette culture doit venir appuyer notre vision pour voir à l’évolution de SSQ. Le but est d’en faire un groupe plus performant et plus innovant dans un monde en changement. » Et tout cela avec l’objectif de maintenir le taux de satisfaction de la clientèle dans le premier quartile chez les assureurs, objectif qui est aussi inscrit dans le plan stratégique de la mutuelle.

Mousser les ventes croisées

Cette vaste réorganisation vise un grand but : multiplier les ventes croisées. SSQ souhaite en réaliser pour 100 M$ au cours des trois prochaines années. M. Chalifoux souligne que l’assureur présentait des lacunes à ce niveau, même si l’entreprise est présente en assurance collective, en assurance vie, en assurance de dommages et en investissement.

« Nos clients ne voyaient souvent qu’une seule pièce de la maison. C’était aussi difficile de s’y retrouver. Malgré notre taille modeste, il y avait une complexité à traiter chez nous. C’est l’une des raisons qui fait en sorte que nous n’avons plus qu’un seul site Web maintenant, et non un pour chaque segment d’affaires. »

M. Chalifoux prend le pari qu’il sera plus facile pour le client de s’y retrouver. « On pourra mieux identifier ses besoins et de répondre à ses attentes. On livrera une expérience plus fluide. Il faut maintenant faire les bons choix, choisir la bonne technologie et se positionner dans les bons secteurs d’activité. »

Faire preuve de rigueur

Et comment SSQ fera-t-elle les bons choix ? « Il nous faudra beaucoup de rigueur, répond son PDG. Il faudra réaliser des analyses de couts et de bénéfices détaillées, mais aussi faire un suivi rigoureux de nos stratégies et de nos investissements. »

Il voit encore de l’avenir pour la distribution directe au Québec, notamment en assurance de personnes. « Il va se développer des produits simples de ce côté, qui seront distribués directement. Il y aura toujours de la place pour du conseil. La mobilité va aussi se développer davantage », dit M. Chalifoux.

Le PDG de SSQ s’attend à ce que le client navigue entre ces différents canaux de distribution. Dans le futur, il croit probable que SSQ réfère un client à un agent général ou à un conseiller indépendant qui aura un besoin que l’assureur ne pourra combler de lui-même.

En assurance de dommages, la priorité sera mise sur le développement et l’outillage de sa force de distribution actuelle. Il ne voit pas SSQ se lancer dans le courtage d’ici les trois prochaines années. « Nous sommes de plus petite taille en assurance de dommages. Si jamais des opportunités se présentent, nous les analyserons. Juste en renforçant notre réseau actuel, nous avons pas mal de travail à faire. »

3 millions de clients

L’assurance collective compte pour les deux tiers du chiffre d’affaires de SSQ. Tous segments confondus, M. Chalifoux estime à environ trois millions de personnes le bassin de gens qu’il rejoint à travers le pays. Outre ses activités d’assurance et d’investissement, SSQ est aussi active auprès des concessionnaires automobiles et dans le marché de l’assurance voyage.

« On ne fera plus que vendre de l’assurance. On sera bien placé pour offrir des conseils, notamment du côté de la santé, étant donné notre fort positionnement en collectif. Il s’agira d’offrir la bonne solution et de suivre le client dans les différentes phases de sa vie », dit M. Chalifoux.

Diversifier les activités permettra aussi de combler les marges bénéficiaires qui sont plus minces en ce moment du côté du collectif. « Ça amènera une stabilité des revenus, en plus d’en amoindrir la volatilité. Pour réussir, il faut en venir à réduire les couts dans les segments où nous sommes de moins grande taille. Les succès résideront dans l’exécution. »

Créer un écosystème SSQ

Par sa transformation, M. Chalifoux croit qu’il sera plus aisé pour SSQ de développer ses employés. « Avant, nous avions sept entités. Nos employés étaient pris dans ce carcan. Leurs possibilités d’avancement étaient plus restreintes. On aura maintenant une mobilité plus accrue de notre main-d’œuvre. Ça favorisera aussi le développement de nos gestionnaires. On pourra alors créer un écosystème où chaque gestionnaire porte un chapeau SSQ »

M. Chalifoux convient que le passage pour ses 35 plus hauts dirigeants à ce nouveau modèle a été plus difficile. « Ça a été un défi de tous les jours pour eux. Il y avait une tradition, qu’on retrouve aussi dans l’industrie, de s’appuyer sur les produits pour bâtir nos structures. On s’est demandé quelle était la priorité : développer des produits ou bien gérer les opérations ? En fait, on veut les deux. On s’est aussi rendu compte que ceux qui étaient dans le développement de produits n’avaient pas accès à la gestion des opérations. Il y avait une compréhension du travail de l’autre qui ne se faisait pas. La nouvelle structure vient modifier cela. »

Plusieurs employés de première ligne demeurent liés à un segment dédié, notamment pour des questions règlementaires. M. Chalifoux souligne que les employés ont eux aussi été déstabilisés par cette transformation au départ. « Ils la vivent et la subissent. Il a fallu se donner du temps, tout en maintenant le cap à court terme. On a dû cohabiter entre les deux modes pendant un certain temps. »

M. Chalifoux s’est aussi inspiré de ce qui se fait ailleurs dans le monde. « En Europe, on retrouve beaucoup de modèles comme celui qu’on développe. Aux États-Unis, toute la partie workers compensation est à cheval sur l’assurance de dommages et l’assurance vie. Il n’y a que le Canada qui est segmenté de cette façon. On croit d’ailleurs que le modèle qu’on met en place sera plus difficile à répliquer chez nos concurrents. Notre modèle pouvait plus facilement le générer. »

Par cette transformation, M. Chalifoux croit que SSQ pourra réaliser des synergies récurrentes de l’ordre de 30 M$. C’est du moins l’objectif qui est inscrit dans son plan stratégique, a-t-il révélé.

Multiplier les partenariats

Dans le futur, pour mousser sa croissance, SSQ compte notamment miser sur ses partenariats avec des administrateurs de tierce partie (TPA) dans ses portefeuilles en collectif. « On veut diversifier notre approche de distribution. On travaillera de plus près avec des actuaires-conseils. On veut aussi étaler cela hors Québec, comme on l’a fait avec Mercer tout récemment », dit M. Chalifoux.

Le PDG de SSQ souligne d’ailleurs que 50 % des ventes d’assurance individuelle de l’assureur se font hors Québec. « Notre croissance y est plus rapide. Toutefois, on a encore beaucoup de potentiel au Québec. »

SSQ ne tentera toutefois pas d’incursion en assurance de dommages hors du Québec dans un proche avenir. « On se concentrera à maximiser les ventes croisées. On veut capitaliser là-dessus avant tout au cours des prochaines années, avec les produits que nous avons et dans les régions où nous sommes présents. »