Réviser la loi 188. Améliorer la performance des courtiers. Dénoncer les pratiques commerciales illégales. Tous les travaux qu’entreprendra le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) en 2014 ne viseront qu’un but : permettre aux courtiers de regagner des parts de marché.Dans le cadre du 40e congrès annuel de l’organisme à Québec, à la fin octobre, le Journal de l’assurance a rencontré Jean Bilodeau et Guy Parent, respectivement président et directeur général du RCCAQ. Ils ont présenté les priorités du Regroupement pour la prochaine année.

« Ce qui nous motive, c’est la reprise des parts de marché, dit M. Bilodeau. Mon prédécesseur, Michel Duciaume, a débuté les travaux qui vont nous permettre de reprendre des parts de marché. On travaillera donc sur trois axes : la règlementation, la performance des cabinets et la dénonciation des pratiques commerciales illégales, notamment chez les concessionnaires automobiles », a révélé M. Bilodeau.

L’axe de la règlementation passera notamment par la révision de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (loi 188). « Les travaux ont déjà débuté et on va les poursuivre. On voudra traiter de la propriété des cabinets de courtage, de la distribution sans représentant, de la vente par Internet et de la définition d’agent par rapport à celle de courtier. On veut une distinction sur ce dernier point », a précisé M. Bilodeau.

Le RCCAQ souhaite aussi faire reconnaitre par la loi que les données amassées par des outils de télématique sont la propriété des consommateurs. « Le courtier risque de se faire contourner dans la relation entre l’assureur et l’assuré. Aussi, dans le modèle actuel, l’assureur a la propriété des données », dit M. Parent. Pour le RCCAQ, les données doivent appartenir au consommateur. « Le consommateur doit pouvoir transférer ses données d’un assureur à l’autre. Sinon, il va être pris au jeu de l’assureur, qui aura ses données », dit M. Bilodeau.

Les deux hommes soulignent que l’organisme s’interroge toujours sur cette technologie. « On ne peut toutefois pas attendre avant de prendre position. On sent l’importance de partager le tout avec nos membres », dit M. Parent.

M. Bilodeau ajoute que la télématique est actuellement motivée par les priorités des assureurs. « Notre priorité, c’est de faire accepter des principes directeurs par l’Autorité des marchés financiers. On ne peut penser avoir une multitude de systèmes différents », dit-il. « On veut rappeler que c’est le courtier qui devra donner le conseil, en fin de compte », ajoute M. Parent.

Le RCCAQ rencontrera d’ailleurs les dirigeants de l’Autorité, le 20 novembre, pour discuter de la révision de la loi 188. « Améliorer nos relations avec diverses instances, notamment dans le dossier de l’harmonisation des taxes, nous a permis d’assoir notre crédibilité. Notre discours est fortement considéré auprès de l’Autorité. »

Distinction entre agent et courtier

Le RCCAQ souhaite aussi que la distinction soit maintenue entre agents et courtiers. « Il n’y a plus de distinction en assurance vie, ni en collectif. Le seul endroit où il y en a encore une, c’est en assurance de dommages », rappelle M. Bilodeau.

M. Parent affirme toutefois que des institutions financières veulent voir cette barrière être abaissée pour pouvoir vendre plus de produits. Il donne en exemple le cas récent d’un assureur direct qui a vendu des produits spécialisés par l’entremise d’une entente avec un assureur à courtage, qui y a finalement mis fin.

« Si cette tendance se poursuit, celle où on voit l’agent faire du courtage, ce sera là une menace. On doit être vigilant. C’est pourquoi on veut protéger cette distinction dans la loi », dit le directeur général du RCCAQ.

Le Regroupement veut aussi que l’Autorité revoie les règles entourant la limite de 20 % d’actionnariat que les assureurs peuvent posséder dans des cabinets de courtage. M. Bilodeau précise toutefois que son organisme n’a pas encore conclu sur ce sujet et a préféré ne pas s’avancer.

M. Bilodeau compte aussi faire de la distribution sans représentant un cheval de bataille. « Les pratiques illégales viennent de là. Les règles ne sont pas suivies par les concessionnaires », dit-il.

M. Parent dit même qu’un assureur lui a confié que sa fille avait acheté une voiture chez un concessionnaire qui lui a dit que sa voiture ne serait peut-être pas prête pour 17 h si jamais elle ne prenait pas l’assurance qu’il lui vendait. Pire encore : son taux d’intérêt sur son financement aurait été augmenté de 2 %.

« Nous avons recensé 75 cas de pratiques illégales à l’Autorité, qui fait enquête à ce sujet », a révélé M. Bilodeau.

Quant à l’amélioration de la performance des courtiers, des travaux ont été réalisés avec les assureurs membres de la Table de concertation du courtage. « Nous avons eu beaucoup de discussions pour améliorer les procédés. Nous avons aussi mis en place un comité d’indicateurs de performance pour les cabinets de courtage. Nous nous sommes associés avec le CSIO à cet effet, qui se servira d’ailleurs des résultats à l’échelle canadienne », dit M. Bilodeau.

Le président du RCCAQ voit aussi dans la mise en place de Perform, son programme de formation, un processus qui aide les courtiers. « On leur offre des solutions pour corriger leurs lacunes. C’est un outil extraordinaire que nous avons », dit-il.

M. Bilodeau croit aussi que Perform permettra de faciliter l’accès au courtage à la relève, notamment pour le démarrage d’entreprise. « On y donne des cours pour avoir le permis, tant du côté des particuliers que de l’entreprise. Il faut faciliter l’implantation de la relève et le courtier doit penser que c’est facile de le faire. Il ne doit pas uniquement penser à un assureur pour aller chercher son financement », dit-il.

M. Parent ajoute que l’Association des courtiers d’assurance du Canada (ACAC-IBAC) a mis en place un programme universitaire à cet effet. « On a le défi d’aller chercher cette expertise. Nous allons tenter de calquer cela », dit-il.

Le RCCAQ souhaite aussi se doter d’un plan de communication global pour promouvoir l’image du courtage au Québec. « On ne peut rester sur les lignes de côté. Les membres nous l’ont fait comprendre. On doit leur arriver avec un plan », dit M. Parent. « Ça ne passe pas uniquement par la publicité. Il faut aussi penser aux réseaux sociaux, ajoute M. Bilodeau. On a une grande réflexion à faire sur la façon de distinguer le courtage aux yeux du consommateur. »

La consolidation dans l’industrie demeure aussi une préoccupation pour les courtiers. M. Bilodeau estime toutefois que le plus gros de la tempête est passé. « C’est quelque chose d’intrinsèque sur laquelle on n’a aucun contrôle. Le message que le régulateur nous fait, c’est qu’il y en a eu assez. Il faut s’attendre à d’autres transactions. Il faudra s’adapter. On voit néanmoins qu’il y a d’autres solutions qui existent et on voit bien qu’il n’y a pas de vente de feu en cours chez les cabinets », dit-il. « Les courtiers doivent commencer à penser qu’ils sont maitres de leur destinée », ajoute M. Parent.