Le projet de règlement que veut mettre de l’avant l’Autorité des marchés financiers pour mieux régir le transfert en bloc de volumes IARD est loin de faire l’unanimité dans l’industrie. Plusieurs intervenants juge que le projet de l’Autorité sème la confusion.

L'Autorité a conclu sa consultation sur le Règlement modifiant le Règlement sur les renseignements à fournir au consommateur en octobre dernier. Le régulateur a reçu six lettres de commentaires, qu'il n'a pas rendues publiques. Parmi elles, on trouve la position du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec (RCCAQ). L'organisme a toutefois rendu publique sa position. Dans son mémoire, le RCCAQ soulève qu'un point du règlement soulève une confusion.

L'article 4.29 indique qu'« un client peut résilier ce nouveau contrat en avisant l'assureur dans les dix jours de la date de l'entrée en vigueur de ce contrat. L'assureur est tenu de lui restituer la portion de la prime perçue pour la période postérieure à la résiliation ». Selon le RCCAQ, « cet article donne l'impression qu'il accorde à l'assuré un droit de résiliation, alors que ce droit existe déjà en vertu du Code civil et également en vertu des dispositions générales en assurance automobile, en assurance habitation et également en assurance des entreprises ».

Mention trompeuse

André Bois, avocat chez Tremblay Bois Mignault Lemay, a fourni une opinion légale au RCCAQ, qui s'en est servi pour écrire son mémoire. Il est d'avis que la mention « peut résilier » peut être trompeuse pour le consommateur.

« En assurance IARD, un assuré peut toujours résilier. Ce n'est pas ce règlement qui donnera le droit de résilier. L'article 2477 du Code civil régit la résiliation. Le premier alinéa de cet article indique que l'assureur peut résilier le contrat. Le deuxième alinéa indique que le contrat d'assurance peut aussi être résilié par simple avis donné à l'assureur par chacun des assurés nommés dans la police. La résiliation a ainsi lieu dès la réception de l'avis. C'est un droit que tout assuré possède en tout temps. La police ne peut pas y déroger. C'est une disposition impérative. Le droit de résilier existe déjà et a toujours existé », dit-il.

M. Bois soutient que l'Autorité souhaite éliminer la pénalité que l'assuré paie lors de la résiliation.

« En ce moment, la prime non acquise est calculée avec une pénalité, soit le taux à brève échéance. L'Autorité propose maintenant que l'assuré ne soit pas pénalisé s'il résilie dans les dix jours dans un contexte de transfert en bloc. C'est un avantage qui est conféré à l'assuré. Toutefois, s'il résilie le onzième jour, il y aura une pénalité parce que le trop-perçu de prime sera calculé d'après le taux à court terme et non au jour le jour », dit-il.

Confusion supplémentaire

Le règlement amène une confusion supplémentaire et plus grave selon M. Bois. Il souligne que les contrats d'assurance ont souvent des assurés désignés multiples. Dans ce cas, le Code civil indique que chacun des assurés doit donner l'avis de résiliation. Toutefois, le règlement semble modifier cette règle du Code civil, dit M. Bois.

« Le règlement indique que c'est le client qui résilie. Il y a un problème de confusion conceptuelle, car le concept de client est propre à la Loi sur la distribution des services et produits financiers. Aux fins du droit des assurances, le mot client n'existe pas. On parle plutôt d'un preneur, d'un assuré, d'un assuré multiple ou d'un titulaire de police. Nulle part dans le Code civil au chapitre du contrat d'assurance, on ne parle d'un client », précise-t-il.

M. Bois ajoute que le règlement est mal ficelé, puisqu'il vient modifier le texte du Code civil, ce qui est inconcevable selon lui. « Dans la hiérarchie des lois au Québec, on trouve la Charte des droits et libertés, suivie du Code civil, des lois statutaires et des règlements. Je trouve désolant que le ministère de la Justice du Québec permette à une autorité réglementaire de jouer dans le Code civil en y modifiant des normes importantes, ainsi que des termes. On ne retrouve pas dans le projet de règlement de l'Autorité la cohérence lexicale et normative que le ministère de la Justice impose habituellement », dit-il.

Clause grand-père

Pour sa part, le RCCAQ juge que les changements proposés par l'Autorité auront un impact négatif sur les pratiques des courtiers. L'organisme juge que les transferts ne viennent pas mettre en péril les avoirs du client. Selon le Regroupement, les transferts en bloc ne devraient pas être considérés avec autant de rigueur que ce que propose le projet de règlement.

Pour ces raisons, le RCCAQ demande à l'Autorité d'appliquer une règle uniforme à toute l'industrie. « Cette règle consiste à ajouter une clause grand-père, qui conserve tous les avantages du contrat précédent, dans les contrats en assurance des particuliers faisant l'objet d'un tel transfert. Cette clause serait applicable durant toute la durée de la police. Le consommateur aurait ainsi une garantie que les avantages auprès de l'assureur A ne seraient pas perdus en cas de transfert vers un assureur B. Nous estimons que leurs intérêts seraient ainsi beaucoup mieux protégés », indique le RCCAQ dans son mémoire, qui est signé par sa directrice générale Johanne Lamanque.

La Fédération des cabinets d'assurance indépendants du Québec (FCAIQ) a aussi déposé un mémoire sur le transfert en bloc et l'a rendu public. Pour la FCAIQ, il est essentiel que ce projet « soit discuté à nouveau ». La Fédération demande à l'Autorité de préciser si le transfert en bloc provient d'une décision du courtier ou de l'assureur et d'analyser les répercussions des deux scénarios distincts. « Dans certains cas, le règlement dans sa globalité pourrait laisser place à de multiples pratiques commerciales douteuses qui ne sont guère souhaitables », dit Robert Beauchamp, président de la FCAIQ.