Que les contrats d’assurance ne couvrent pas l’interruption des affaires du fait de la pandémie de la COVID-19 fera débat, prévoit des analystes de firmes de notation. Ce débat pourrait mener entreprises et assureurs devant les tribunaux, disent-ils.

Même si les assureurs clament que la pandémie de la COVID-19 ne fait pas partie des risques couverts par leur couverture d’interruption des affaires, un ressac est à prévoir des entreprises, voir même des gouvernements, estiment les firmes de notation DBRS et AM Best.

Dans un rapport intitulé P&C Insurance: The Conundrum of Business Interruption Coverage during the Coronavirus Pandemic, des analystes de DBRS révèlent que des législateurs au New Jersey, au Massachussetts et en Ohio considèrent imposer des changements rétroactifs aux contrats d’assurance pour forcer les assureurs à couvrir l’interruption des affaires causée par la pandémie. Des figures publiques au Royaume-Uni ont aussi fait part de positions similaires.

Une telle mesure couterait cher aux assureurs, estiment les analystes de DBRS, sans même savoir si les réassureurs pourraient couvrir les pertes des assureurs à cet égard. « Des assureurs se retrouveraient dans une situation précaire en un rien de temps, surtout ceux ayant une forte concentration en assurance des entreprises, souligne-t-il.

On dit aussi suivre la situation de près chez AM Best. Certains états américains ont esquissé des lois qui obligeraient les assureurs à couvrir les pertes d’interruption des affaires vu les règles de distanciation physique ou celles visant à fermer les commerces non-essentiels, indiquent ces analystes.

Les tribunaux s’en mêleraient alors par la suite, disent ceux-ci, à savoir si ces changements peuvent être exécutoires ou constitutionnels. « Cette impulsion de vouloir étayer le cout de la pandémie vers l’industrie de l’assurance est compréhensible, font valoir les analystes d’AM Best. Toutefois, cette impulsion risque d’être amoindrie quand les décideurs publics réaliseront quels seront les impacts d’une telle mesure sur le cout et la disponibilité de l’assurance. »

Poursuites à venir… des entreprises

Chez DBRS, même sans intervention gouvernementale, on conseille aux assureurs de se tenir prêt à faire face à une hausse de leurs couts de défense devant les tribunaux. Des entreprises tenteront leurs chances pour faire couvrir leurs pertes, estiment les analystes de la firme de notation.

« Les clauses d’interruption des affaires tendent à être rédigées en fonction des besoins spécifiques et de la nature des activités des clients assurés. Cela laisse donc la place à de l’interprétation. Bien souvent, ce sont les tribunaux qui doivent trancher quelle en est cette interprétation », disent-ils.

Les analystes de DBRS disent néanmoins s’attendre à ce que même si des assureurs se voient obligés de couvrir des pertes liées à l’exploitation des affaires, ils seront capables de gérer la situation. « Les assureurs doivent toutefois s’attendre à ce que leurs couts juridiques impactent négativement leur rentabilité en 2020 et en 2021 », précisent-ils.

Pourquoi le risque n’est pas couvert

Dans leur rapport, les analystes de DBRS ont aussi amené un éclairage sur les raisons pour lesquelles les assureurs ne couvrent pas l’interruption des affaires dans un contexte de pandémie. Il faut remonter à 2003, avec l’épisode du SRAS, qui avait touché 8 000 personnes dans 26 pays, mais qui avait aussi couté des millions de dollars aux assureurs en réclamations d’interruption des affaires, pour en comprendre les raisons.

L’épisode du SRAS a mené de nombreux assureurs à exclure de leur contrat de base les pertes causées par des virus ou des bactéries. « Depuis, les assureurs et les réassureurs ont implanté des mots-à-mots plus détaillés pour exclure les pertes causées par des pandémies, sauf pour un nombre restreint de clients prêts à payer des primes additionnelles pour ce type de couverture. »

Aussi, en 2005, à la suite de passage de l’ouragan Katrina, des assureurs ont été obligés de couvrir des pertes en interruption des affaires en Nouvelle-Orléans, à la suite des mesures de couvre-feu imposées par le maire de la Ville de New Orleans. Et ce, même si ces commerces n’avaient pas été touchés directement par l’ouragan.

Autre raison : les assureurs aiment couvrir des risques diversifiables dans le portfolio, estiment les analystes de DBRS. Or, les pertes liées à une pandémie sont difficilement diversifiables dans un portefeuille d’assureur vu leurs larges conséquences. Les analystes de DBRS ajoutent que l’épisode de la COVID-19 incitera les assureurs à raffiner davantage leurs contrats.

À LIRE SUR LE SUJET DE LA COVID-19 :