En assurance de dommages, les clients ne font pas la différence entre le produit offert par les courtiers et celui offert par les assureurs directs. Tous s’entendent sur la nécessité de mieux faire connaitre la valeur du travail réalisé par le courtier. Jean Bilodeau, PDG de BC Assur, déplore que le public en général ne fasse pas la différence entre l’agent d’un assureur direct et le courtier. Selon lui, les campagnes de publicité où le courtier est mis à l’avant-plan sont utiles, mais l’industrie doit collectivement en faire plus.

Marie-Josée Fiset, directrice générale du Groupe Soly, Chabot, Ranger, pense que chaque courtier peut collaborer à cette campagne de valorisation en rappelant aussi souvent que possible à sa clientèle la nature des tâches qu’il réalise. L’efficacité du courtier, à la suite d’un sinistre ou d’une réclamation, est évidente, dit-elle. « Mais si tu fais bien ton travail et qu’il n’y a pas de problème, le client ne verra pas non plus la différence. »

Le plus de renseignements possible

Dans son cabinet, le courtier communique le plus de renseignements possible au client. « On lui dit : «J’ai fait le tour de toutes les compagnies, j’ai comparé les protections, et c’est la meilleure offre que je vous transmets». Il ne faut pas avoir peur de le dire », insiste Mme Fiset.

Denis Allard, vice-président, ventes, Québec, chez RSA Assurance, ajoute qu’il ne faut pas se gêner de mentionner que ce travail de protections et des primes ne sera jamais fait par l’agent d’un assureur direct. « C’est ce qui pourrait permettre d’inverser la tendance. », dit-il.

M. Bilodeau précise que ce message est déjà transmis aux clients de son cabinet. « J’ai des gens passionnés qui veulent vraiment comprendre les besoins des clients et trouver le produit qui leur convient le mieux. Nous avons de beaux exemples où les clients nous disent merci. »

Robert Beauchamp, président du Groupe Invessa, affirme de son côté que, tant que l’écart de prime ne dépasse pas 10 %, le client ne porte pas vraiment attention aux offres des concurrents. « Si tu donnes un excellent service, tu as cet avantage comparatif. » Mais les écarts de plus en plus importants dans les primes offertes par les assureurs directs lui font croire que cet avantage est désormais insuffisant.

 

 Il nous faut saisir toutes les occasions de rappeler aux clients quelle est la nature de notre service. – Robert Beauchamp

Selon Yves Brassard, président du Groupe Viau, l’importante présence des institutions financières dans le financement hypothécaire explique les écarts de primes offertes en assurance habitation aux propriétaires d’immeubles à logements multiples. « C’est elles qu’on a dans les jambes, et pas seulement dans les lignes personnelles. Le client oublie vite, même s’il te dit : «Je ne veux pas aller avec eux autres, mais je vais les écouter» », dit-il. Quand la prime offerte par les concurrents est plus basse de 50 %, le courtier se trouve vite à court d’arguments. À force de baisser le prix, on présume que de mauvaises surprises guettent ces concurrents. « Mais non, ils n’arrêtent pas de nous soutirer des clients, et leurs ratios ne sont pas mauvais », dit-il.

Yannick Jetté, PDG du Groupe Jetté, constate de son côté que son cabinet demeure encore assez efficace pour recruter de nouveaux clients et obtenir des primes comparables à celles des directs. C’est à l’étape du renouvèlement que le client décide de « magasiner » — s’il n’a pas déjà été approché par un concurrent. C’est à ce moment-là que l’assureur à courtage doit répondre rapidement, dit-il.

Barrière à la sortie

M. Beauchamp croit que les cabinets sont trop occupés à réagir aux appels et aux demandes plutôt que de mieux gérer l’ensemble des relations avec la clientèle. « Il nous faut saisir toutes les occasions de rappeler aux clients quelle est la nature de notre service. » Il lance un défi aux courtiers à l’aider à trouver dix réponses aux clients qui demandent : « Quelle est la différence si on ne fait plus affaire avec un courtier? »

M. Allard a réagi vivement à ses propos. « Si le client qui part pense qu'il ne perd rien, c’est que nous n’avons pas fait tout ce qu’il y avait à faire. »

M. Beauchamp dit avoir en tête de nombreux exemples où ses clients ont été approchés par des assureurs détenus par des institutions financières. Il estime que la clientèle est naturellement plus portée à aller vers ceux-ci que de revenir chez les assureurs à courtage.

Mme Fiset et M. Bilodeau ont aussi vécu des situations où les entrepreneurs se faisaient offrir de meilleures conditions de financement s’ils acceptaient de transférer leur assurance. « On ne peut pas concurrencer ça, ajoute M. Bilodeau. Je comprends mon client de vouloir obtenir un rabais de taux sur sa marge de crédit. Ça fait une différence importante pour lui. »

Des produits uniques

Pour contrer cette perception, les assureurs à courtage doivent mettre sur pied des programmes qui les distinguent, pense M. Allard. Il cite en exemple le cas d’un assureur qui couvre la machinerie spécialisée. Il assurait bon nombre de clients utilisant cette machinerie. L’assureur a ainsi créé un programme commun dans lequel la majorité des clients ont inventorié leurs pièces. Si une pièce défectueuse était disponible chez un autre client, celui-ci l’expédiait chez le concurrent et en commandait une nouvelle auprès du fournisseur. Au lieu de plusieurssemaines d’attente pour la livraison, la pièce était ainsi livrée entre 24 et 48 heures plus tard. Ce service a été entièrement conçu et pensé par cet assureur.

M. Bilodeau rappelle qu’au moment de renouveler la police commerciale ou manufacturière, son cabinet utilise l’outil permanent d’évaluation de la valeur d’une entreprise. « On a la photo, la description de l’équipement, les modifications faites, etc. Si le client s’en va, le nouvel assureur doit refaire toute cette évaluation. C’est la même chose en évaluation des bâtiments, où l’on note un sérieux problème de sous-assurance. Quand il explique cela au client, le courtier peut difficilement être délogé par l’assureur direct », pense-t-il.

Comme client d’une banque, Glen Bates, vice-président, Québec, chez RSA, note qu’il est très difficile d’en sortir quand on lui confie ses épargnes, ses prêts, ses placements, etc. « Changer de banque, c’est très difficile. Changer d’assureur, c’est trop facile. Il n’y a pas de barrière à la sortie. Il faut en créer. Ces liens que vous arrivez à créer, c’est ce qu’on cherche. »

Les assureurs à courtage sont efficaces pour développer des produits et bien tarifer leurs risques, ajoute-t-il. « Mais il faut affiner nos stratégies. Nous devons vivre ensemble une révolution commerciale. Les assureurs ont des forces, des ressources et des moyens financiers que les courtiers n'ont pas. Si on peut arrimer cela avec le réseau de distribution, on aura un bon succès. L’idée est d’en entrer plus dans le moulin, afin qu’il en sorte plus de clients pour le courtage. »