Devant les conseillers indépendants réunis au congrès annuel de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), Frédéric Pérodeau a répété que l’Autorité des marchés financiers continuera d’être un régulateur de proximité. Le surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution a ajouté que le régulateur sera encore meilleur à expliquer ses décisions, tout particulièrement dans la foulée du futur règlement sur la vente par Internet. Le Journal de l’assurance a assisté à cet évènement qui s’est déroulé à Montréal le 3 mai.

M. Pérodeau n’a pas annoncé de date de publication du règlement, mais a manifesté une volonté de le publier le plus tôt possible. « Nous avons une date officieuse que je ne peux pas partager avec vous. Ce sera certainement au mois de mai », a-t-il révélé.

Encadrement robuste

Le surintendant parle d’un règlement qui contribuera à un encadrement robuste de la vente par Internet : il protège bien le consommateur et reste assez flexible pour ne pas freiner l’innovation. « On y parle de l’importance du conseil. Certains voient le règlement comme une perturbation, voire une menace. Nous croyons qu’il vient réaffirmer l’importance du représentant », insiste M. Pérodeau.

Le surintendant cite des exemples du règlement qui viennent selon lui renforcer le rôle du conseiller. Le règlement exige qu’un cabinet s’assure de la disponibilité en tout temps d’un représentant certifié sur un site transactionnel, lorsque requis par le client. Le règlement exige que le moyen de communiquer avec un représentant soit visible en tout temps. « C’est le standard le plus exigeant. Encore là, nous reconnaissons l’importance du conseil. »

Incertitudes et précisions

Lors de la Journée de l’assurance de dommages, évènement lié au Journal de l’assurance, Frédéric Pérodeau avait tenu à éclaircir certains points sur la vente par Internet, en rappelant les principes énoncés dans la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (LDPSF) et la Loi sur les assurances.

Conscient de l’incertitude qui plane à l’égard du règlement qui doit entrer en vigueur le 13 juin 2019, et dont personne n’a encore vu une ligne, M. Pérodeau a ajouté au congrès de l’APCSF que l’encadrement renforcera le rôle du conseiller, en plus d’inspirer de la certitude, de la prévisibilité et de la confiance. « Nous voulons expliquer ce que l’on fait et pourquoi on le fait », a-t-il renchéri.

« Les modifications à l’article 27 de la LDPSF ont fait couler beaucoup d’encre, et créé de l’incertitude. Or, le rôle du représentant n’a pas changé pour nous : il demeure la seule personne qui peut offrir une assurance. Mais il n’a plus l’obligation de recueillir personnellement les renseignements nécessaires afin d’identifier les besoins de son client. Il peut déléguer la collecte des renseignements à une personne non certifiée. Or, il demeure responsable de cette cueillette. Il doit s’enquérir de la situation du client, et lui proposer un produit qui convient à ses besoins », a rappelé le surintendant.

M. Pérodeau a aussi précisé que le représentant doit veiller à ce que la personne à qui il délègue la collecte la fasse de façon objective, et ne donne pas de conseils. Le cabinet doit pour sa part veiller à ce que seuls des représentants certifiés donnent des conseils à ses clients.

Pas de double standard

Questionné par un conseiller sur les obligations d’analyse de besoins financiers entre conseiller en personne et site transactionnel, M. Pérodeau a souligné qu’il ne tolèrerait pas de divergence. « Un client ne doit pas être moins bien protégé dans un cas que dans l’autre. Il n’y a pas de compromis. Si l’on tape sur les doigts d’un conseiller lorsqu’il n’a pas d’analyse de besoins dans ses dossiers, ce sera la même chose dans l’espace numérique. Nous mettrons un effort important pour que ce soit respecté. »

Un autre conseiller a demandé dans quelle mesure le client aura les conseils de vive voix sur un site transactionnel. « Il n’y aura pas de robot-conseiller certifié », a lancé M. Pérodeau. Pas question de clavarder avec un robot : il devra y avoir quelqu’un à l’autre bout. Le surintendant n’a toutefois pu dire si le conseil devra être donné obligatoirement de vive voix par le conseiller ou qu’il pourra l’être par clavardage. La réponse arrivera probablement par règlement.

Internet incontournable

Bien qu’Internet soit incontournable, le conseiller aura toujours sa place, a-t-il dit. Il cite en ce sens l’étude du CEFRIO, Assurance de dommages à l’ère du numérique, publiée en mars 2018, et celle du CIRANO sur la valeur du conseil publié en 2016 par l’économiste Claude Montmarquette (The Gamma Factor and The Value of Financial Advice).

« Je n’apprendrai à personne d’entre vous aujourd’hui qu’Internet est là pour rester et qu’une portion des consommateurs désirent se procurer certains produits en utilisant des moyens numériques. Ils ne forment pas une grande portion, mais celle-ci est en progression constante. Or, les technologies de l’information sont une opportunité plutôt qu’une menace. Les conseillers qui adopteront le virage numérique se distingueront », a conclu Frédéric Pérodeau.

Changements à venir

Durant son allocution au congrès de l’APCSF, Frédéric Pérodeau a fait écho à la participation des parties prenantes aux consultations autour du règlement sur les modes de distribution alternatifs (vente par Internet et vente sans représentant). Elles ont cheminé et se sont impliquées, ajoute-t-il en mentionnant les recommandations recueillies de ces participants et des 25 mémoires issus d’organismes de l’industrie. « Elles peuvent entrainer des modifications si elles ne sont pas incompatibles avec la protection du public », révèle-t-il.