Deux récents jugements et analysés par la firme d’avocats Langlois font dire à deux des avocats qu’un assuré se doit d’être proactif dans la gestion de son risque s’il veut que son assureur s’acquitte de sa promesse de les indemniser en cas de sinistre.

À la lumière de cette analyse, les avocats Renée-Maude Vachon-Therrien et Samuel Gagnon disent que l’assuré doit, de façon générale, dévoiler de son plein gré les informations pertinentes relatives au risque ou au sinistre. Il doit aussi agir de façon à éviter que le risque ne perde son caractère aléatoire.

Le premier jugement qu’ils ont analysé en est un de la Cour supérieure du Québec, intervenu dans l’affaire 9145-4025 Québec inc. c. Royal & Sun Alliance du Canada. L’assureur refusait d’indemniser au motif que l’assurée (la demanderesse) ne lui avait pas divulgué les circonstances aggravant les risques que celle-ci connaissait ou aurait dû connaitre. La demanderesse réclamait à l’assureur une indemnité des suites d’un incendie ayant complètement ravagé son immeuble commercial. Selon toute vraisemblance, la cause de l’incendie était en lien avec la culture de cannabis à laquelle s’adonnait un des locataires de l’immeuble.

Renée-Maude Vachon-TherrienBien que la demanderesse ait reconnu avoir eu des raisons d’interroger le locataire quant à ses activités, elle a plutôt choisi de ne rien faire : elle n’a posé aucune question et n’a pas cherché à entrer dans le local. Le tribunal a conclu que la demanderesse a fait preuve d’aveuglement volontaire, ce qui témoigne de son manque de bonne foi. Pour avoir droit à une indemnité, la demanderesse ne devait pas rester passive, mais plutôt faire preuve d’un minimum d’initiative, ce qu’elle n’a pas fait. Par conséquent, l’assureur était justifié de refuser de l’indemniser, a tranché tribunal.

« Un assuré ne peut ignorer intentionnellement un problème, sans que celui-ci lui soit opposable par la suite. En présence de circonstances nébuleuses, voire suspectes, entourant les activités d’un locataire, l’attitude passive adoptée par un assuré et son aveuglement volontaire le priveront d’invoquer son ignorance ou sa bonne foi », affirment Renée-Maude Vachon-Therrien et Samuel Gagnon.

Ils ont aussi analysé la décision Gilbert c. Assurances Groupe Axa, rendue par la Cour d’appel du Québec. Le demandeur a intenté un recours contre son assureur lui reprochant d’avoir tardé à l’indemniser des pertes découlant d’un bris électrique survenu à la ferme qu’il exploitait. La réclamation visait tous les dommages liés à la cessation des activités de l’entreprise.

Bien que concluant à l’absence de faute de l’assureur dans la gestion de son dossier, la Cour d’appel s’est prononcée sur le lien de causalité entre la faute alléguée et les dommages réclamés. À cet effet, Gilbert devait notamment prouver qu’il avait pris les mesures nécessaires pour minimiser ses dommages. 

Samuel GagnonOr, le demandeur, qui craignait pour la santé de ses vaches, avait décidé, environ trois mois après le sinistre, de cesser l’exploitation de sa ferme laitière. Il avait vendu tout son troupeau à l’encan à un prix dérisoire, sans en aviser son assureur au préalable. 

La preuve a révélé que Gilbert avait négligé de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé de ses animaux, face à des problèmes qui avaient pourtant été identifiés plusieurs mois auparavant. Ce faisant, il a largement contribué à sa perte en ne prodiguant pas à son troupeau les soins requis. N’eût été son inaction, l’assureur aurait procédé à l’indemnisation de ce dernier et ses activités auraient pu être reprises avec comme résultat des dommages beaucoup plus limités.

« Il ressort de la jurisprudence que l’assuré doit voir au soin de ses affaires, sans attendre que l’assureur se positionne quant à son obligation d’indemniser. De fait, en laissant une situation se dégrader, l’assuré aggrave son préjudice et l’assureur ne peut être tenu que des dommages existant au jour du sinistre ou découlant du sinistre lui-même », indiquent Renée-Maude Vachon-Therrien et Samuel Gagnon.

Ils ajoutent que ces cas d’application montrent que dans sa relation avec l’assureur, l’assuré ne doit pas simplement se contenter de « dire la vérité ». « En vertu de son devoir général de bonne foi, il doit faire preuve d’une grande transparence à l’égard de l’assureur et se montrer proactif dans les situations qui nécessitent son intervention. Une conduite irréprochable et proactive de l’assuré lui permettra d’éviter les lourdes conséquences découlant d’une déchéance du droit à l’indemnisation. »