Les institutions financières posent-elles le bon geste en offrant un accès systématique aux robots-conseillers ? Non, affirme un spécialiste de la finance en France. L’industrie se tire dans le pied en agissant ainsi. Leur performance reste à prouver, dit-il.

Louis-Alexandre de Froissard est fondateur et gérant de Montaigne Patrimoine, une firme de gestion patrimoine, à Bordeaux. Il était de passage à Québec dans le cadre d’InsurTech Québec, un évènement tenu dans le cadre de la Semaine Numérique de Québec, au début avril. Le Journal de l’assurance y était aussi.

Poser les bonnes questions

Lors de sa présentation, M. de Froissard a rappelé que l’automate peut contribuer à assister le professionnel du conseil ou le client. Il faut toutefois lui poser les bonnes questions et l’alimenter en données pertinentes. « Le professionnel sait ce qu’il veut. Le client le sait-il ? Pas nécessairement. »

Aux États-Unis, la croissance du marché des robots-conseillers est de 100 % par année. Les premiers joueurs sur le marché, comme Betterment et Westmount, ont été rapidement dépassés par Vanguard, et bientôt Schwabb. Les nouveaux joueurs dominants ont conçu des algorithmes axés sur la gestion passive, en calquant les indices par l’entremise de fonds négociés en bourse (FNB).

« Ces modèles sont en mal de rentabilité », estime M. de Froissard. Avec des frais de gestion à 25 à 35 points de base, parfois moins, les marges sont très réduites. Pour réussir à faire des profits suffisants, ces systèmes doivent gérer des capitaux considérables, ce qui prend beaucoup de temps à accumuler. « C’est encore plus difficile quand on n’est pas un joueur connu ».

Selon lui, les joueurs établis « se tirent dans le pied » en délaissant la gestion active au profit des algorithmes basés sur des FNB. Ils diminuent la valeur du conseil en agissant ainsi, estime-t-il. Dans une étude faite en 2016, KPMG révélait que pour 36 % des clients, le prix est la première motivation citée lorsque vient le temps de choisir un gestionnaire de fonds.

« Cela veut dire que pour 64 % des clients, les gens cherchent autre chose que le prix. Ce ne sont pas tous les clients qui veulent des conseils pour pas cher. »

En Europe, malgré la méfiance des consommateurs envers les grandes institutions bancaires, l’intérêt pour les robots-conseils a mis du temps à se manifester. M. de Froissard cite l’exemple de Visual Vest Life, une firme allemande qui offre à la fois des produits en gestion active et des FNB. « C’est le modèle de l’avenir », dit-il.

L’environnement des robots-conseillers semble plus attrayant pour les utilisateurs. La plateforme est très conviviale et plus facilement accessible que le banquier moyen.

Le carburant qui alimente la croissance de ces plateformes est leur fidélité aux indices. Ces algorithmes sont efficaces pour offrir de bons rendements à moindre cout, quand les marchés sont à la hausse. « On ne sait rien de leur efficacité lors d’une forte correction boursière, puisque ça n’est pas arrivé depuis qu’ils sont dans le marché », rappelle-t-il.

Modèles fiables à 90 %

Les modèles sont fiables à 90 % du temps. Les occurrences de sursauts importants sont toutefois plus fréquentes. D’autant plus que le marché est de plus en plus volatil, souligne-t-il. Dans les faits, il s’interroge sur les exigences de capitalisation réclamées de ces fonds gérés par des robots.

M. de Froissard n’est pas opposé au robot-conseiller. Sa firme lancera d’ailleurs le sien en octobre 2017.

« En Europe, les trois quarts du temps consacré en rendez-vous par les conseillers découlent directement des exigences règlementaires », souligne-t-il.

Les gestionnaires de patrimoine n’ont donc pas le choix de se lancer dans ce marché. « Mais nous, au moins, nous avons déjà des actifs sous gestion », dit-il.

Selon lui, avec 5 000 $ et deux à trois mois devant lui, un bon développeur peut créer une plateforme qui permet d’établir le profil de risque de l’investisseur.