Quel impact aura l’adoption de l’amendement à l’article 2503 du Code civil du Québec, qui modulera l’obligation des assureurs de défendre et d’assumer les frais de défense en sus des limites de garantie en matière de responsabilité civile ?

Tel qu’anticipé, l’article amendé ne devrait rien changer aux obligations des assureurs à l’égard des particuliers et des PME. Selon nos sources, l’ajout du dernier alinéa à l’article 2503 C.c.Q. et le règlement à intervenir viseraient avant tout les grandes entreprises, qui, depuis plusieurs mois, étaient obligées de débourser de fortes sommes pour maintenir leur couverture d’assurance de responsabilité civile, faisant même en sorte que certaines envisageaient de déménager leur siège social hors du Québec.

L’ajout à l’article 2503 C.c.Q se lit d’ailleurs ainsi :

Le gouvernement peut toutefois, par règlement, déterminer des catégories de contrats d’assurance qui peuvent déroger à ces règles et à celle prévue à l’article 2500, de même que des catégories d’assurés qui peuvent être visés par de tels contrats. Il peut également prévoir toute norme applicable à ces contrats.

Me Nathalie Durocher, avocate-entrepreneure chez Delegatus, spécialisée en droit des assurances, se questionne sur ce que prévoira le règlement que le gouvernement du Québec adoptera dans les cas spécifiques de dérogations à l’article 2503 C.c.Q., a-t-elle confié en entrevue au Portail de l’assurance.

Elle rappelle que, par cette dérogation, le gouvernement permettra d’exclure les frais de défense de la couverture ou de les inclure à l’intérieur du montant d’assurance, seulement pour les contrats d’assurance et les catégories d’assurés visés par le règlement à intervenir.

Selon Me Durocher, dans les cas spécifiques de dérogations, le règlement pourrait prévoir :

  1. Que le contrat d’assurance visé n’aura pas à couvrir les frais de justice ;
  2. Que la couverture d’assurance pourrait inclure, dans le montant d’assurance, les frais de défense et non en sus des montants d’assurance (comme le prévoit actuellement le deuxième alinéa de l’article 2503 C.c.Q.) ;
  3. Le libre choix de l’avocat et le contrôle de sa défense par l’assuré.

Ce dernier élément pourrait amener quelques conséquences dans le marché de l’assurance au Québec, dit Me Durocher. Jusqu’à maintenant, l’assureur avait le contrôle de la défense de l’assuré. Or, dans sa nouvelle mouture, l’article 2503 C.c.Q.  et le règlement à intervenir pourraient venir changer cet état de fait pour les grandes entreprises et les compagnies publiques, dit-elle.

Est-ce que cela pourrait même mener à la création de nouveaux produits d’assurance ou des changements importants à certains produits actuellement sur le marché ? Il est trop tôt pour le dire, dit Me Durocher, mais la question se pose, fait-elle valoir. Tout dépendra de la manière dont le règlement qui en découlera sera libellé, ajoute-t-elle.

« Ce n’est pas quelque chose qui entrera en vigueur demain matin. Les assureurs devront modifier leurs polices et leurs grilles tarifaires pour les produits visés. Puis les courtiers devront informer leurs clients de la chose. À ce jour, le projet de règlement en lien avec la modification législative n’a pas encore été publié. Nous surveillons attentivement les développements concernant le projet de règlement qui précisera les dérogations permises. Compte tenu de l’importance de ce changement législatif, le projet de règlement fera probablement l’objet d’une consultation publique », anticipe Me Durocher.

Accueil positif du BAC

Au Bureau d’assurance du Canada (BAC), on dit accueillir positivement l’adoption du nouvel article 2503 du Code civil du Québec. « Il permettra à certains types d’entreprises une plus grande liberté contractuelle en ce qui concerne leur police d’assurance », a commenté son directeur des communications et des affaires publiques Pierre Babinsky.

Ce dernier confirme toutefois que son organisation aura à l’œil le règlement que le ministère des Finances du Québec présentera pour bonifier son cadre. « Le BAC poursuit son travail dans ce dossier afin d’assurer que le règlement à venir, qui précisera les catégories d’entreprises visées, corresponde aux attentes des assureurs et des assurés », dit M. Babinsky.

Note de la rédaction : la version originale de cet article a été modifiée pour en préciser certains éléments.