La publication des recommandations en matière de divulgation applicables aux fonds distincts permettra aux conseillers en assurance vie de vivre une expérience similaire à celle que leurs homologues du côté des fonds communs de placement ont connue lors de l’entrée en vigueur de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC2) touchant la divulgation du rendement des placements et du cout des conseils.

Les agents généraux, particulièrement ceux qui agissent comme courtiers en fonds communs de placement, se préparent à faire face à ce changement et à glaner dans l’expérience acquise lors de l’entrée en vigueur du MRCC2 en organisant des tournées, en présentant des recommandations et en expliquant aux conseillers ce qu’ils peuvent faire pour ajouter de la valeur à leur proposition.

En décembre, le Conseil canadien des responsables de la règlementation d’assurance (CCRRA) a publié un énoncé de position fort attendu sur l’arrivée des obligations d’information concernant le cout total des fonds distincts. Les responsables de la règlementation d’assurance ont souligné les lacunes de l’information actuellement fournie à ceux qui investissent dans des fonds distincts, comparativement à l’information fournie à l’achat de fonds communs de placement. Ils ont aussi demandé davantage de transparence face aux exigences de plus en plus élevées des investisseurs ainsi qu’à la mise en œuvre du MRCC2 sur les obligations d’information applicables aux fonds communs de placement.

« Les consommateurs veulent comprendre les produits qui leur sont offerts et pouvoir les comparer », fait remarquer Patrick Déry, président du CCRRA.

L’énoncé de position ramène plus ou moins les deux secteurs au même niveau. Selon certains, il irait cependant plus loin que les règlements prévus par le secteur des fonds communs de placement pour ses conseillers.

Une règlementation supplémentaire

« Le CCRRA a presque fait pencher la balance en faveur des fonds communs de placement en imposant aux fonds distincts une règlementation supplémentaire absente du secteur des fonds communs de placement », avance Aly Damji qui, à titre de vice-président, gestion de patrimoine, à la Financière HUB et HUB Capital, supervise les ventes de fonds communs de placement et de fonds distincts.

Les courtiers en fonds communs de placement avaient jusqu’à la mi-juillet de l’an dernier pour transmettre aux investisseurs leurs rapports sur le rendement des placements et le cout des conseils. Les clients peuvent maintenant connaitre le rendement de leurs placements en dollars et en pourcentage, le tout en fonction de plusieurs périodes. De plus, ils peuvent savoir combien leur coutent leurs comptes en dollars et le cout qui y est associé en vertu du ratio des frais de gestion. Ils peuvent ainsi savoir combien la société de courtage a reçu.

Selon l’énoncé de position du CCRRA, M. Damji dit que les responsables de la règlementation d’assurance n’ont pas seulement ventilé les ratios des frais de gestion pour y préciser la rémunération du courtier ; ils sont allés plus loin en précisant les frais d’exploitation et les frais de gestion du signataire du produit. « On ne trouve rien du genre du côté des fonds communs de placement », dit-il.

La chose pourrait cependant fort bien ne pas durer. L’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) annonçait en effet il y a près d’un an que ses membres souhaitaient discuter d’un « plan d’élargissement des exigences de divulgation » (communément appelé « phase 3 du MRCC » ou « MRCC3 ») afin de tenir pleinement compte du ratio de frais de gestion. La vice-présidente aux affaires publiques de l’IFIC, Jan Dymond, a expliqué que l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (MFDA) a maintenant pris la direction de ce projet, selon lequel on divulguerait les frais liés à la gestion du fonds ainsi que ceux du courtier. La rémunération du conseiller ne serait toujours pas précisée, car le modèle de rémunération diffère d’un cabinet à l’autre, précise-t-elle.

Un rapport de couts complet

Le MRCC3 n’est encore associé à aucun échéancier, relève Karen McGuinness, vice-présidente principale, règlementation des membres et conformité, à la MFDA. « Cette année, toutefois, nous avons l’intention d’aller de l’avant et de collaborer avec les autres organismes de règlementation pour poursuivre la discussion sur la mise en place d’une divulgation complète des couts », signale-t-elle.

Aly Damji se dit pour sa part préoccupé par la ventilation de couts prévue dans la proposition du CCRRA concernant le ratio des frais de gestion ; il croit que cela pourrait inciter les signataires de produits à favoriser ceux qui sont associés à un ratio de frais de gestion moindre, question de mieux attirer la clientèle. Or, ceux-ci présentent de moins bonnes garanties. Il mentionne à cet égard les fonds distincts garantis 75/75, assortis d’une garantie de 75 % sur la prestation à l’échéance et de 75 % au décès. Il s’agit de contrats parmi les plus récents, soit de produits mis en marché il y a cinq ou six ans et particulièrement recherchés de nos jours, justement parce que leur ratio de frais de gestion est faible, explique M. Damji. L’inconvénient, c’est que les investisseurs obtiennent également une garantie de capital-décès beaucoup moins élevée.

Évaluation des besoins

Les conseillers en fonds distincts devront aussi commencer à effectuer une évaluation des besoins, une démarche que bon nombre d’entre eux ont déjà amorcée, ajoute-t-il. De plus, l’industrie en tant que telle devra emboiter le pas et dorénavant respecter les nouvelles exigences dans ses aperçus des fonds. Elle devra en outre mettre en place une classification des risques uniforme en matière de fonds distincts, faire la promotion d’une norme de diligence équivalente pour les courtiers en fonds distincts comme en fonds communs de placement et envisager l’harmonisation ou l’adoption des règles du programme de connaissance des produits actuellement en vigueur dans le secteur des fonds communs de placement.

M. Damji estime que même si les organismes de règlementation ont de bonnes intentions en divulguant davantage d’information à la clientèle, une trop grande abondance d’information pourrait être source d’incertitude.

Un risque de créer la confusion

« Quand on en dit trop, on peut susciter la confusion chez le client. À vrai dire, je trouve que l’on commence à diluer ce que les organismes de règlementation tentent de faire en transmettant au client une information dans laquelle il peut puiser pour ensuite agir. On se trouve en fait à noyer des renseignements essentiels dans un trop grand flot d’information. »

Eric Wachtel, chef national de la conformité au Réseau d’assurance IDC Worldsource, a pour sa part pu participer à certaines des discussions de la CCRRA à titre de président, conformité et contentieux, de l’Association canadienne des agences indépendantes de courtage d’assurance-vie (CAILBA).

Alors que, en fait, tout le monde savait que l’industrie de l’assurance aurait à faire comme les fonds communs de placement en matière de divulgation de l’information, certaines organisations, dont la CAILBA, tenaient à ce que l’ensemble des couts soient ventilés, explique-t-il.

Un bon rappel

« Nous avions la conviction que, s’il y a divulgation de frais, il faut les divulguer en totalité. C’est probablement un bon rappel pour le client qui se procure un fonds distinct et qui, avec le temps, ne se souvient peut-être pas des garanties et des protections qui y sont intégrées. »

Bon nombre d’intervenants du secteur des assurances n’ont aucune objection à voir ces nouvelles règles en matière de divulgation, en chantier depuis quelques années.

M. Wachtel pense qu’elles n’entreront pas en vigueur cette année. « Je constate que l’on avance à pas prudents et mesurés. Il est clair pour moi qu’ils veulent y aller prudemment et bien faire les choses en partant. »

Une approche pondérée

« J’accepte entièrement ! affirme Christopher Dewdney, de chez Dewdney & Co. J’applaudis ce changement. Je pense qu’il fallait le faire pour créer des règles du jeu équitables entre les fonds communs de placement et les fonds distincts. Je me réjouis de voir qu’il faudra divulguer davantage d’information. »

M. Dewdney mentionne qu’il effectue déjà une analyse des besoins lorsqu’il recommande un type de fonds plutôt qu’un autre. Habituellement, les clients comprennent que le capital-décès et les garanties à l’échéance coutent plus cher en raison de la couverture d’assurance. De plus, comme les fonds distincts sont un produit d’assurance, ils contournent l’homologation et les règles de succession et peuvent être admissibles à la protection contre les créanciers.

Il ajoute que, selon le type de fonds et le courtier, il y a une différence d’environ 50 points de base entre un fonds commun de placement et un fonds distinct. Dans le cas d’un compte d’un million de dollars, une différence de 50 points de base équivaut à quelque 5000 $ par année, ce qui peut donner un bon coup de pouce à ceux qui ne peuvent pas obtenir de couverture d’assurance traditionnelle. « Je dirais qu’il incombe aux conseillers d’avoir les conversations qui s’imposent avec leurs clients. Ils doivent leur présenter les avantages et les inconvénients afin qu’ils comprennent ce qu’on leur recommande et, en fin de compte, le produit qu’ils se procurent. »

Il calcule que les nouvelles recommandations du CCRRA sont nécessaires pour assurer des règles du jeu plus équitables entre les fonds communs de placement et les fonds distincts et qu’elles favoriseront une meilleure expérience client.

« Si nous faisons notre travail et que nous offrons une valeur ajoutée aux clients, je ne pense pas qu’il y a lieu de craindre l’élargissement des exigences de divulgation. Je crois que les conseillers devraient l’accueillir à bras ouverts. »