Les deux tremblements de terre de magnitude 7,8 et 7,5 qui sont survenus en Turquie et en Syrie, le 6 février dernier, ont détruit des villes entières et causé la mort d’au moins 44 000 personnes, selon les plus récentes données. 

Ces séismes ont remis en lumière l’ampleur et la dévastation causée par ces catastrophes naturelles. Si bon nombre de Québécois se sentent peu menacés par ces cataclysmes, l’industrie de l’assurance locale s’en préoccupe beaucoup et les choses commencent à bouger sur le terrain. 

En 2025, il y aura 100 ans que le Québec a connu l’un des plus forts séismes à survenir au Canada. En 1925, la secousse est survenue dans le secteur du fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Charlevoix-Kamouraska et avait été ressentie à plus de 1 000 km de son épicentre. Elle fut évaluée par la suite à 6,2 puisque l’échelle de Richter n’existait pas encore à cette époque. 

Ce tremblement de terre fut enregistré par 29 stations sismologiques dans le monde. Il causa des dommages à Québec et à Shawinigan. Dans les semaines qui avaient suivi, des dizaines de secousses avaient continué à secouer la région, ce qui avait causé beaucoup d’inquiétude auprès de la population. Des travaux scientifiques à propos de cet important séisme furent menés jusqu’en 1999.

« Bien que le Québec ne soit pas situé près de plaques tectoniques majeures, des centaines de séismes s’y produisent chaque année et menacent ainsi potentiellement plus de 3,36 millions d’habitants vivant dans l’une ou l’autre des trois zones plus à risques, soit Charlevoix-Kamouraska, le Bas-Saint-Laurent et l’ouest du Québec », rappelle Jean Melançon, de l’Association des gestionnaires en sécurité incendie et sécurité civile du Québec (AGISCQ). La ville de Montréal se trouve donc dans l’une de ces zones de turbulences.

L’est du Canada est situé dans une région continentale stable, note Ressources naturelles Canada (RNC). Le risque d’activité sismique devrait donc être relativement faible. « Néanmoins, dit-elle, des séismes dévastateurs de forte magnitude s’y sont produits dans le passé et se produiront inévitablement dans l’avenir ». 

Séismes Canada relève les secousses sismiques qui surviennent chaque jour au pays. Au Québec, le 15 février 2023, il en était survenu deux la même journée, le premier près de La Malbaie et un autre à 14 km de Tadoussac. « Un petit séisme n’est pas le signe annonciateur d’un plus grand, mais il devrait idéalement nous amener à réfléchir aux mesures de sécurité à prendre avant, pendant et après un tremblement de terre », indique l’organisme. 

Plus de risques dans l’estuaire 

En 2020, une équipe dirigée par Guillaume St-Onge, directeur de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski et le professeur Patrick Lajeunesse, de l’Université Laval, a mené des recherches poussées afin de mieux connaître l’activité sismique dans l’estuaire du Saint-Laurent depuis 2 000 ans. Ils ont cartographié une douzaine de zones d’instabilité sous-marines. Ils ont conclu que le séisme de Charlevoix du 5 février 1663, d’une magnitude estimée entre 7 et 7,5 (le chiffre varie selon les chercheurs), est le plus important à avoir frappé le Québec et qu’il présentait un risque sismique presque aussi élevé que celui de la zone active du Pacifique.

Une étude de 2015 menée par une équipe de RNC dirigée par Nicolas Pinet indiquait que plus d’une centaine de mouvements de masse sous-marins ont eu lieu depuis 1663 dans l’estuaire du Saint-Laurent.

« La fréquence des séismes régionaux forts et les risques qu’ils posent lorsqu’ils sont associés à des ruptures de pente sous-marine peuvent avoir des impacts majeurs sur les environnements côtiers (dommages aux infrastructures côtières et menaces pour les communautés côtières, risque de tsunamis, rupture de câbles, érosion côtière), en particulier avec l’augmentation des populations humaines le long de la côte », écrivent les chercheurs St-Onge et Lajeunesse dans leur rapport publié en 2022.

Ceux-ci ont confirmé le lien qui avait été fait par d’autres chercheurs entre le séisme de 1663 et le glissement de terrain survenu à Saint-Jean-Vianney, au Saguenay, en 1971, qui avait causé la destruction de 42 maisons et la mort de 31 personnes. Une preuve que ces tremblements de terre peuvent encore avoir des répercussions des centaines d’années plus tard.

Un risque que le BAC prend très au sérieux 

Peu de gens connaissent ce risque de tremblement de terre majeur au Québec et une grande majorité des propriétaires disent ne pas croire qu’un séisme pourrait endommager leur propriété, déplore toutefois Pierre Babinsky, du Bureau d’assurance du Canada (BAC).

« Le BAC prend ce risque très au sérieux et se préoccupe du faible taux de connaissance de ce risque par les Québécoises et Québécois », souligne-t-il au Portail de l’assurance. Il rappelle que le BAC travaille depuis des années avec le gouvernement fédéral dans le but d’établir un mécanisme financier qui permettrait d’assurer la solvabilité de l’industrie advenant un séisme majeur ou une succession d’événements d’importance. 

Comité à l’Autorité 

Des démarches de sensibilisation de la population sont toutefois en marche. Le comité consultatif sur les risques associés aux tremblements de terre de l’Autorité des marchés financiers a été créé en mars 2022 pour favoriser les échanges et canaliser les efforts de différentes parties face aux conséquences financières d’un important séisme.

Le comité réunit une douzaine de personnes, presque en totalité des représentants de l’industrie de l’assurance. Il s’est réuni à trois reprises au cours de la dernière année, a indiqué Nathalie Sirois, directrice principale de la surveillance prudentielle à l’Autorité.

Ses membres sont invités à partager leurs expériences, leurs préoccupations et à fournir des informations et solutions constructives en cas de séisme d’importance au Québec.

Le comité a priorisé deux points d’intérêt : la sensibilisation des consommateurs et les mécanismes de mitigation des risques financiers en cas de séisme important.

La Grande Secousse 

Sur le terrain aussi, les choses bougent avec La Grande Secousse. Depuis 2022, c’est l’AGISCQ qui organise avec l’Association de la sécurité publique du Québec cette activité de sensibilisation et de préparation en vue de tremblements de terre.

Initiée en 2008, par l’Université de San Francisco, la Grande Secousse forme le plus important exercice de simulation de séisme au monde. À l’échelle mondiale, plus de 40 millions de personnes y ont pris part l’an dernier.

L’exercice conscientise la population, les municipalités, les écoles et les organisations aux trois gestes à pratiquer en cas de séisme : se baisser, s’abriter et s’agripper. Au Québec en 2022, on estime que 13 097 personnes y ont participé. La prochaine édition se tiendra le 19 octobre prochain à 10 h 19.