Le Québec a été le théâtre de 26 tornades en 2022, 9 de plus qu’en 2021, mais la plupart se sont développées et limitées à des zones boisées inhabitées. Contrairement à l’été précédent, où elles avaient fait un mort à Mascouche, elles n’ont pas entraîné de décès et semblent avoir provoqué assez peu de dommages matériels à l’échelle provinciale.
Ce bilan ne tient pas compte du derecho qui a frappé l’Ontario et le Québec le 21 mai dernier, alimenté par des vents allant jusqu’à 190 km/h. Ce phénomène climatique peu fréquent, et encore plus dévastateur que les tornades, a causé pour plus d’un milliard de dollars de dommages selon le Bureau d’assurance du Canada (BAC). Il a aussi été très meurtrier, causant la mort de onze personnes. Deux tornades de niveau EF2 ont été observées durant cette ligne d’orages violents qui ont déferlé entre Windsor et Québec.
Des chiffres inférieurs à la réalité
De 2018 à 2022, le nombre de tornades répertoriées au Canada n’a pas cessé d’augmenter année après année. Au Québec, l’année 2022 est presque revenue au niveau de 2017 comme le montrent ces chiffres produits par le Projet des tornades du Nord (Northen Tornadoes Project ou NTP), un projet de recherches ontarien fondé à l’Université Western, de London, qui détecte les tornades à travers le Canada et les provinces depuis cinq ans.
Ces chiffres de 26 au Québec et de 117 au Canada seraient toutefois inférieurs à la réalité. Le NTP estime le nombre de tornades au pays à 150 par an. Si ce tableau montre une hausse, ce n’est pas qu’il y en a plus, disent ses chercheurs, mais parce que la technologie est meilleure pour les repérer ou en trouver les traces. Le groupe, qui compte MétéoMédia parmi ses partenaires, doit publier sous peu un relevé de toutes les tornades recensées au pays entre 1980 et 2020.
Le NTP produit ses listes et ses cartes à partir de vidéos qu’elle reçoit du public et grâce à l’utilisation d’images satellites ou de radars, mais ces instruments ne détectent pas toutes les tornades. Beaucoup passent toujours inaperçues, dit Francis Lavigne-Thériault, assistant de recherches au NTP et lui-même chasseur de tornades au Canada et aux États-Unis. Elles échappent aux observations parce qu’elles surviennent dans des secteurs éloignés et qu’elles touchent rarement des zones urbaines en raison de leur dispersion à travers le Canada. Les chances qu’elles frappent des villes sont donc minces.
Surtout des régions forestières touchées
C’est d’ailleurs ce qui s’est produit au Québec l’an dernier comme on peut le voir dans le tableau préparé par le Portail de l’assurance à partir d’informations fournies par le NTP sur sa carte interactive : on constate que la plupart des tornades qui ont frappé la province se sont abattues sur des régions forestières. Très peu ont touché des secteurs urbains comme ce fut le cas à Cap-Rouge, près de Québec, le 12 juillet, où elle a endommagé des maisons, mais sans faire de blessés. À Sainte-Anne-des-Plaines le 21 mai, elle a abîmé des granges et des maisons, mais toujours sans faire de blessés. Mais à l’été 2022, la plupart des tornades au Québec se sont produites dans des secteurs naturels inhabités.
Plusieurs sont survenues dans le Témiscamingue, dans les Laurentides et dans la région de La Tuque en juillet. La carte du NTP n’en montre aucune dans en Gaspésie et sur la Côte-Nord, mais ce n’est pas que ces régions sont à l’abri des tornades. Il s’en produit sûrement, croit Francis Lavigne-Thériault, mais elles ne sont pas observées ou localisées en raison des secteurs isolés où elles se développent ou parce qu’elles sont moins fortes et laissent peu de traces.
Pas un phénomène nouveau au Québec
Les tornades avec leur immense entonnoir caractéristique ne forment pas un phénomène nouveau ni au Québec ni au Canada. L’échelle de Fujita améliorée utilisée par Environnement Canada depuis 2013 comporte six niveaux, allant de EFO à EF5. Selon Francis Lavigne-Thériault, les plus fréquentes qui se développent au Québec sont de Force O (vents de 90 à 130 km/h), mais celles de Force 1 (135 à 175 km/h) sont assez répandues et on enregistre parfois des Force 2 (180 à 220 km/h). Des 26 tornades de l’année 2022 dans la province, 7 étaient de niveau 2 avec des vents maximaux de 190 km/h. Une seule tornade de niveau 5 a touché le Canada dans son histoire, le 22 juin 2007 au Manitoba.
« Pour en avoir vu des dizaines, a raconté Francis Lavigne-Thériault en entrevue au Portail de l’assurance, une tornade, c’est beau, mais c’est épeurant. Tu ne sais pas dans quelle direction et avec quelle force elle va frapper ».
Des experts et des citoyens croient qu’en raison des changements climatiques, on assistera ces prochaines années à une hausse du nombre de tornades au pays. « Pour l’instant, indique le représentant de NTP, on ne voit aucune connexion entre les deux phénomènes, mais notre étude en cours basée sur nos données nous permettra d’avoir une meilleure réponse ».
Le Projet des tornades du Nord vient d’être renouvelé pour une autre période de cinq ans. Il a commencé l’an dernier à s’intéresser aux épisodes de grêle et aspire à élargir ses recherches à tous les phénomènes climatiques extrêmes.