Pour réussir dans le marché mou qui prévaut en assurance des entreprises, les courtiers n'ont pas le choix : ils se doivent de prospecter. Outre de chercher de nouveaux clients, ils doivent approfondir la connaissance de leurs propres clients pour leur proposer de nouvelles protections. Il est dépassé le temps de se limiter au renouvellement.

André Lussier, président de Lussier, cabinet d'assurances et de services financiers, ne cache pas que le marché mou qui se prolonge en assurance des entreprises fait mal aux courtiers. « C'est le plus long cycle jamais vu. Ça met une pression à la baisse sur les primes. La récession a eu un impact. Au Québec, on retrouve une entreprise sur cinq qui ne vit que cinq ans. Avant la récession, l'entreprise qui fermait était remplacée par une autre. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Ça fait moins de primes pour nous », dit-il.

Quand l'entreprise ne ferme pas, c'est le chiffre d'affaires qui diminue, souligne M. Lussier. « Les projets d'agrandissement sont reportés. Un projet de 2 M $ reporté fait en sorte qu'on a 2 M $ en moins à assurer. Ce sont des primes en moins », dit-il.

Louis-Thomas Labbé, président de GPL Assurance, souligne que ce sont les petites entreprises qui ont eu de la difficulté lors de la récession. Les moyennes entreprises s'en sont mieux tirées.

« Beaucoup de micro-entreprises ont fait faillite. On n'a pas été épargné par cela. Heureusement, ça ne représentait que 10 à 12 % de notre portefeuille. Les moyennes entreprises avaient une meilleure santé financière. Elles ont pu profiter de la récession pour acheter. Ça nous a permis de réaliser une croissance dans ce segment », dit-il.

Jacques Bigaouette, PDG de Dale Parizeau Morris Mackenzie (DPMM), note que la récession a fait mal dans certains secteurs en 2008 et au début de 2009. Il nomme entre autres le secteur de la restauration.

« C'est un phénomène à deux effets. Des restaurants très bien établis ont fermé leurs portes. D'autre part, les nouveaux ont retardé leur projet ou l'ont tout simplement abandonné », dit-il.

M. Bigaouette dit que le marché mou a eu un impact. « Il y a beaucoup de capacités en réassurance. L'argent est là. En plus, les taux se maintiennent. Les assureurs demeurent très agressifs en nouvelles affaires », dit-il.

Le président de DPMM fait aussi remarquer que même si les commerces ne font pas banqueroute, on a observé une baisse du chiffre d'affaires. « Ça a amené une baisse des primes. Ça s'est toutefois replacé et on sent une reprise. On le voit dans nos revenus », dit-il.

Ginette Mailhot, présidente de La Turquoise, cabinet en assurance de dommages, dit que la récession n'a pas trop affectée son cabinet. Elle dit toutefois avoir la chance de travailler dans les deux régions du Québec qui ont été le moins touchées par la récession, soit l'Outaouais et Lanaudière.

« Nous avons bien profité de notre situation géographique. Ça nous a permis d'aller chercher la croissance qu'on voulait. Nous voulions aller chercher 9,5 % de croissance en assurance des entreprises d'ici la fin de l'année. Nous en sommes à 9,1 %. Nous sommes en ligne pour atteindre notre objectif », dit-elle.

 

La Turquoise est allée chercher un volume de 550 000 $ grâce à des références
Pour aller chercher de nouveaux clients, La Turquoise a mis au point un programme de référencement au printemps 2009. Le cabinet de courtage a ainsi connu un fort succès en acquérant 550 000 $ en nouvelles primes.
Pour chaque référence qui mène à une soumission, un certificat cadeau est remis au référant : 15 $ pour une référence en assurance des particuliers et 50 $ en assurance des entreprises.
Depuis le début du programme en avril 2009, La Turquoise a obtenu 2 363 références. Elle en a soumissionné 1 547, qui ont généré 647 ventes, pour un taux de fermeture de 41 %. La Turquoise a ainsi mis la main sur un volume supplémentaire de 550 000 $.
« Nous avons une belle brochette d’individus qui nous transfèrent de belles récompenses, que ce soit des agents d’immeubles ou des comptables. On voulait donc les récompenser. Comme le partage de commissions est illégal au Québec, il fallait trouver un autre moyen. Nous avons donc fait autoriser notre concept. La récompense n’est pas conditionnelle à une vente. Ainsi, pour toute référence qui nous amène une soumission, nous donnons une récompense sous forme de certificats-cadeaux. Ensuite, on considère que c’est notre travail de réaliser la vente », explique Ginette Mailhot, présidente de La Turquoise.
Les bons d’achat sont offerts au sein d’entreprises des régions où La Turquoise est présente et qui sont aussi des clients du cabinet de courtage. « Par exemple, Pétroles Harnois est un client chez nous. On offre donc des bons d’achat d’essence valables chez eux. C’est une façon indirecte pour nous de faire augmenter notre achalandage. C’est beaucoup moins couteux que d’acheter un cabinet. Ça a aussi l’avantage d’encourager le commerce local », dit Mme Mailhot.

 

Le courtier devra être imaginatif

André Lussier souligne que les primes devront remonter un jour ou l'autre en assurance des entreprises. Toutefois, cette hausse risque de se faire attendre pendant encore quelques années. Le courtier doit donc trouver d'autres moyens pour performer en assurance des entreprises et être imaginatif, dit-il.

« Le courtier doit voir à l'enrichissement de son portefeuille. Il doit remettre à jour ses données sur ses clients et leur proposer des protections additionnelles. Il doit solliciter ses clients passés et travailler ses prospects. On ne doit jamais oublier ses anciens clients. Il doit aussi s'investir dans le réseautage d'entreprises et travailler très fort ses renouvellements. Au bout du compte, il doit servir le client et se distinguer. N'importe quel courtier peut avoir une meilleure prime. Toutefois, en assurance aux entreprises, c'est le savoir-faire qui fait la différence », dit M. Lussier.
Ginette Mailhot souligne que la baisse des primes a forcé son cabinet à faire plus de prospection et de sollicitation. Elle dit aussi que la montée des assureurs directs en assurance des particuliers l'a fait réfléchir.

« Les courtiers ont pris du temps à comprendre et à
réagir à ce qui se passait dans le marché. C'est difficile pour les courtiers d'être proactifs plutôt que réactifs. Toutefois, depuis trois ans, on pousse beaucoup sur la prospection et la sollicitation à La Turquoise. On voit les directs progresser en assurance aux entreprises. Ils se font les dents dans ce segment. Ils font des essais. Ils ratent parfois, mais ils ont aussi de belles histoires à succès qu'ils sont allés chercher au détriment des courtiers. En tant que courtiers, on doit se réveiller et faire beaucoup de prospection », dit-elle.

 

Intact s'intéresse aux moyennes entreprises
Du côté d'Intact Assurance, on affirme que le segment de l'assurance des entreprises est en croissance depuis le début de 2010. «On va chercher de nouveaux clients», révèle Alexandre Royer, conseiller principal aux communications. Les segments en automobile et en responsabilité se portent particulièrement bien, ajoute-t-il.
Intact s'est aussi donné un plan de cinq ans pour croitre en assurance aux entreprises. Son objectif principal est de se positionner dans le marché des moyennes entreprises (communément appelé mid-market). L'assureur a ainsi mis au point le programme 10-50, qui vise les entreprises ayant une prime allant de 10 000$ à 50 000$.
«Nous somme très forts dans le marché des petites entreprises (communément appelé petit commercial). Nous avons bonifié notre offre pour attaquer le marché des moyennes entreprises. Jusqu'à maintenant, les courtiers répondent bien. Pour le premier semestre de 2010, nos résultats sont au-dessus des prévisions», dit M. Royer.

 

Oubli fréquent
La présidente de La Turquoise rappelle aussi que la prospection fait partie du travail du courtier. « On l'oublie souvent. Ça va au-delà de la fonction de services que les courtiers s'attribuent. Il y a des occasions d'affaires extraordinaires en assurance des entreprises. À La Turquoise, on manque de temps et de personnes ressources pour toutes les exploiter. On doit donc se concentrer sur certains projets, mais les occasions d'affaires demeurent là », dit Mme Mailhot.

Jacques Bigaouette prône un retour aux valeurs de base du courtage. « Pour réussir en assurance des entreprises, les courtiers ne doivent pas lâcher et s'imposer une discipline au niveau de la prospection. Ils doivent traiter un renouvellement comme une nouvelle affaire. Quand ça va trop bien, comme c'était le cas avant la récession, on voit que la discipline se relâche. On tient les choses pour acquis. La récession nous réveille. C'est pourquoi ça nécessite de revenir aux valeurs de base », dit-il.

Louis-Thomas Labbé affirme que les petits cabinets sont mal équipés pour vendre en assurance aux entreprises. « Plusieurs cabinets régionaux ont grandi en réalisant des acquisitions. Ils n'ont pas nécessairement une culture de vente. Ça commence toutefois à changer. On voit des cabinets de deuxième et troisième génération qui structurent leur croissance interne. Le courtage était auparavant un business de service. Ça doit maintenant en être un de vente », dit-il.

Offrir une valeur ajoutée

Selon M. Labbé, pour réussir le courtier doit offrir une valeur ajoutée. Il ne suffit plus de trouver la prime la moins chère pour son client entrepreneur.

« Le courtier doit offrir une panoplie de garanties. C'est la voie de l'avenir. Il doit négocier serré avec son assureur pour aller chercher des garanties supplémentaires pour son client. Ça peut être tout simplement de l'assurance crédit. Le cabinet de courtage doit aussi avoir le personnel qualifié pour le faire. Les entrepreneurs connaissent mieux les risques qu'ils encourent. Il faut donc investir dans la formation de son personnel. Je ne connais pas une entreprise qui n'a pas d'assurance. L'entrepreneur va acheter une protection. Si ce n'est pas auprès d'un courtier, il l'achètera auprès d'un direct. Il faut s'y adapter », dit-il.