Des services inclus dans la couverture des régimes collectifs sont offerts aux employés qui ont des problèmes de santé, mais aussi aux employeurs qui veulent mieux gérer les dossiers d’invalidité. Les propriétaires de PME peuvent utiliser ces programmes comme moyens de rétention des salariés qualifiés, tout en améliorant leur efficacité dans leur gestion du retour au travail de l’employé absent durant une longue période.Marie-Thèrèse Dugré a présenté divers services que la firme de consultants en ressources humaines qu’elle dirige, Solareh, offre par l’entremise des régimes collectifs vendus par plusieurs assureurs. « Ces services vous aideront à résoudre les problèmes que vous vivez avec vos ressources humaines », a-t-elle lancé à l’occasion du Congrès de l’assurance et de l’investissement.

En matière de santé mentale, les cadres prennent conscience des problèmes de leurs collègues lorsque ceux-ci « tombent en invalidité », poursuit-elle. « Une fois absent du travail, il en coute plus cher pour ramener cet employé dans l’entreprise que si l’on avait pu voir les signes annonciateurs d’un trouble et prévenir cette absence. »

En octobre 2012, dans un sondage Ipsos Reid commandé par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, on apprenait que 22 % des Canadiens déclarent souffrir d’une dépression. Le même sondage dévoilait que seulement un gestionnaire sur trois avait reçu une formation pour intervenir dans les cas de dépression et que plus de la moitié des absences au travail étaient liées à la santé mentale. « Il importe donc de développer les compétences managériales afin de mieux gérer ces situations, avant qu’elles ne dégénèrent », insiste Mme Dugré.

Avant les années 1990, on estimait que 10 % des réclamations faites aux assureurs touchaient la santé mentale. « On en est entre 30 % et 40 %, et ça va même jusqu’à 50 %, chez certains assureurs », ajoute la PDG de Solareh. Devant cette escalade du cout des réclamations, les assureurs ont décidé d’intervenir en ajoutant la prévention dans leur couverture collective de soins, ce qui a amené Solareh à développer trois programmes spécifiques.

Le programme Posaction Plus, intégré à l’assurance salaire longue durée offerte par de nombreux assureurs actifs au Québec, est destiné aux gestionnaires. Les employeurs demandent un lieu confidentiel et fiable où l’on peut diriger le salarié lorsque le gestionnaire constate un problème de santé. « Il faut accompagner les gestionnaires afin qu’ils trouvent les bonnes ressources qui pourront aider l’employé », explique Mme Dugré.

Le programme Posaction offert aux employés comprend 12 heures de consultation par certificat, par année. Les consultations psychosociales peuvent se faire en cabinet, près du lieu de travail ou de la résidence, selon le cas. Le service est offert en tout temps, tous les jours et à toute heure, et les situations de crise peuvent être prises en charge au téléphone avant que l’intervention se poursuive au cabinet. Tous les professionnels associés au service sont dument certifiés pour traiter des divers problèmes associés à la vie familiale, au milieu de travail, ou encore à la dépendance (drogue, alcool, jeu, etc.), qui peuvent limiter la productivité de l’employé. La confidentialité est assurée et l’intermédiaire ne fait que valider le certificat de l’assuré avant de le référer au professionnel.

L’exemple de Soprema

Mme Dugré était accompagnée par Véronique Renière et Caroline Houle, conseillères en ressources humaines chez Soprema. Cette firme spécialisée dans la fabrication de membranes d’étanchéité pour les toitures et les structures en général exploite deux usines de fabrication au Canada, dont une à Drummondville, où se trouve son siège social. L’entreprise a instauré son programme d’aide aux employés (PAE) en 2011, en se joignant à « Entreprises en santé ». Le sondage mené auprès du personnel a révélé des problèmes de détresse psychologique touchant la conciliation travail-famille ou le stress en milieu de travail. Le PAE a été axé sur la prévention.

Caroline Houle est responsable des employés en usine, où l’intimité et la confidentialité de l’intervention posent problème. Du matériel d’information est déposé dans les salles de toilette, où les employés peuvent ainsi constater que de l’aide est disponible et entreprendre leurs démarches. Il est toutefois trop tôt pour mesurer les bénéfices du programme, ajoute-t-elle. « Les gens qui vivent des problèmes financiers, familiaux, etc., quand on leur soumet un peu l’idée de consulter pour faciliter un peu les choses, ils viennent nous remercier ensuite en disant que ça les a aidés. La différence est palpable », affirme Mme Houle. « Nous sommes convaincus que cela fait une différence au sein de l’entreprise », renchérit sa collègue.

Chez Soprema, on s’est d’abord préoccupé de la santé physique, avec une salle de gymnastique et des horaires de travail flexibles. Mais le volet santé psychologique a pris de l’importance. « Des gens se séparent, vivent des situations familiales difficiles. On arrive à dédramatiser les situations et les gens comprennent que, en partageant leur problème avec les autres au lieu de le vivre de manière isolée, on arrive à créer un environnement satisfaisant. Il y a quelques années encore, c’était tabou de dire qu’on avait rencontré un psychologue ou un intervenant social pour un problème quelconque. Le fait d’en parler avec les autres, ça réduit cette impression de se faire juger », ajoute Mme Houle.

Le retour au travail

Mme Dugré a ensuite présenté le programme Vivalia, axé sur le retour au travail après l’invalidité. « Le système de santé n’est pas toujours très bien outillé non plus pour aider les gens à retourner au travail, surtout lors d’un congé de longue durée. Plus l’absence du travail se prolonge, moins bonnes sont les chances que l’employé réintègre son milieu de travail », dit-elle.

On doit aussi planifier l’accueil lors du retour au travail, car les collègues ne savent pas toujours comment se comporter. « On accompagne les gestionnaires pour les aider à savoir quoi dire et quoi faire selon les circonstances, afin d’éviter d’isoler la personne qui rentre au travail et qui doit désormais fonctionner avec de possibles limitations. Ou encore pour s’assurer que l’employé qui est redevenu pleinement autonome est capable de reprendre ses activités antérieures sans entrave », dit-elle.

Éric Hurteau, directeur des services professionnels chez Solareh, a ensuite parlé de l’importance du conseiller en emploi pour appuyer l’entreprise à réintégrer l’employé après un congé pour santé mentale. En plus de ses fonctions touchant les relations industrielles et la gestion des ressources humaines, le conseiller en emploi est aussi un « spécialiste des problèmes en milieu de travail, des impasses qui guettent le gestionnaire, des malaises qui s’installent lorsqu’un collègue est parti en congé de maladie après des symptômes de dépression. Ça prend du doigté, du savoir-être », dit-il.

Les employés qui ont dû s’absenter pour problème de santé mentale « ont souvent honte, car ils ont l’impression d’avoir abandonné leurs collègues et leur organisation. Ils disent souvent à leur intervenant : "J’aimerais mieux avoir un bras dans le plâtre, car tout le monde verra de quoi je souffre." Les gens font de l’évitement, ils s’isolent », raconte-t-il.

Le conseiller en emploi est là pour aider l’employé à rentrer au boulot. « Il y a un droit à l’assurance salaire, mais la responsabilité ne se limite pas qu’à payer la prime. L’employé doit tout faire pour retrouver la santé, être suivi par un médecin, adhérer au traitement, et répondre rapidement aux demandes faites par l’assureur qui doit gérer la réclamation », poursuit M. Hurteau. Il est nécessaire de bien préparer le milieu de travail afin d’éviter que l’employé qui revient au boulot ne fasse une rechute, insiste-t-il. Cela inclut la période de transition requise pour la transmission des dossiers par le remplaçant, et la formation sur les nouvelles technologies implantées durant le congé de maladie.