Polices mal adaptées aux besoins des copropriétaires. Garanties inutiles. Syndicats mal assurés ou pas assurés du tout. La liste des maux qui affligent le marché de l’assurance des condos est longue. Il existe toutefois des solutions, a affirmé Me Yves Joli-Cœur, avocat chez De Grandpré Joli-Cœur et spécialiste en droit des copropriétés, lors de la Journée de l’assurance de dommages.
Me Joli-Cœur a débuté sa conférence en rappelant que le Code civil obligeait les syndicats de copropriété à couvrir la totalité de leur immeuble pour sa valeur à neuf et sa responsabilité civile. Les propriétaires d’unités ne sont toutefois pas obligés de le faire. Autre protection non obligatoire : l’assurance responsabilité civile des administrateurs.

Ce vide règlementaire crée un problème plus pernicieux, selon Me Joli-Cœur : les polices d’assurance condos ne sont tout simplement pas adaptées aux besoins des copropriétaires québécois. « Elles comportent des garanties inutiles. Par exemple, une assurance production est incluse. Que peut produire un syndicat de copropriétaires? On ne parle pas d’une entreprise manufacturière », dit-il.

Me Joli-Cœur donne aussi comme exemples de garanties inutiles un avenant assurant les revenus de l’entreprise ou encore une protection contre la contrefaçon. « Certains assureurs n’ont pas adapté leur produit à l’arrêté d’une déclaration de copropriété. On en voit qui couvrent des sinistres qui ne peuvent survenir. Les copropriétaires paient pour des sinistres improbables », dit-il.

Autre problème : les syndicats sont souvent mal assurés, voire pas assurés du tout, pour leur responsabilité civile, même si le Code civil les y obligent. « Plusieurs syndicats de copropriété assurent la valeur à neuf en regardant ce qui se fait chez leurs voisins qui ont un immeuble semblable. S’ils voient que l’immeuble voisin est assuré à 300 000 $ et qu’eux sont à 400 000 $, ils se disent qu’ils doivent être bien assurés. Il y a beaucoup de souscriptions en valeur à neuf qui se font au pifomètre. Un évaluateur agréé devrait l’établir. Ce n’est généralement pas le cas », dit-il.

En tolérant une telle situation, courtiers et agents en assurance de dommages négligent leur devoir de conseil, affirme Me Joli-Cœur. « C’est aussi difficile pour le consommateur de juger ce qui est adéquat pour sa situation. Lors d’un sinistre, on voit des syndicats de copropriétaires qui se retrouvent en insuffisance de fonds. Personne n’est formé pour devenir administrateur de condos. C’est pourquoi le devoir de conseil des professionnels en assurance est fondamental. Pourtant, ils n’agissent pas en fonction de leurs devoirs déontologiques », dit-il.

Coassurance illégale
De plus, comme les franchises des immeubles à condos sont de plus en plus importantes, les assureurs ont recours à la coassurance pour mitiger leurs risques. Or, le recours à une règle proportionnelle n’est pas inclus dans le Code civil, fait remarquer Me Joli-Cœur.

« La loi oblige les syndicats de copropriété à assurer la valeur à neuf de leur immeuble. Ça ne permet pas qu’ils puissent avoir un gout du risque. En copropriété, ça ne se fait pas de la coassurance. J’en vois pourtant régulièrement dans les polices d’assurance », dit-il.

Des solutions existent toutefois pour faciliter la tâche aux assureurs et aux professionnels de l’industrie, dit Me Joli-Cœur. La première est de vérifier si l’immeuble à assurer a un programme d’entretien pluriannuel. « S’il n’y en pas, ça donne un indice qu’il y a peut-être un danger », dit-il.

Il recommande aussi de porter une attention spéciale aux fonds de prévoyance. « Certains n’y ont que 5 $ et d’autres 100 000 $ ou un million de dollars (M$). Toutefois, le fonds de prévoyance du condo qui n’a que 5 $ est peut-être meilleur que celui qui a 1 M$, car ça peut vouloir dire que tous les travaux ont été faits récemment. »

Inspections obligatoires
L’entrée en vigueur du projet de loi 122 viendra modifier le Code du bâtiment et rendre obligatoire l’inspection des immeubles de cinq étages et plus. Selon Me Joli-Cœur, de nombreux problèmes vont ressortir de ces inspections.

« Dans certains cas, je m’attends à ce que des syndicats de copropriétaires aient à débourser des millions de dollars. On en voit déjà. Ça forcera les gens à être plus responsables », dit-il.

Me Joli-Cœur dit croire que la standardisation des formulaires d’assurance copropriétaire serait un pas dans la bonne direction. Il a souligné que le Bureau d’assurance du Canada a fait un travail intéressant en ce sens et que certains assureurs l’ont repris. La formation des professionnels de l’industrie de l’assurance aux réalités juridiques de la copropriété est aussi importante, dit Me Joli-Cœur. Si le courtier ou l’agent ne lit pas les déclarations de copropriété, il ne peut pas offrir un produit adapté. Or, quelqu’un de consciencieux se doit de vérifier que les dispositions obligatoires sont couvertes », dit-il.

Il ajoute que s’il n’existe pas de produit convenable, le professionnel se devra de le dire à son client. « C’est son devoir de professionnel. Il faut savoir dire non. L’assurance pour les condos devrait être une pratique de plus en plus spécialisée. C’est lorsqu’on en fait beaucoup qu’on devient bon. Au début, ça peut prendre deux heures pour lire une déclaration de copropriétés. À la longue, on sait où regarder et ça ne prend plus qu’une heure. Si on laisse des agents ou des courtiers y travailler et qu’ils n’y connaissent rien, ça ne peut pas bien fonctionner. Dans ce mode, on vend de l’assurance. On ne conseille pas », dit-il.