Alors que seuls 3 % des Québécois sont assurés contre les tremblements de terre, un colloque organisé par le Bureau d’assurance du Canada (BAC) a permis de faire le point sur le risque sismique au Québec et sur les conséquences que pourrait avoir un séisme majeur sur l’économie de la province. Si le constat est alarmant, la réponse des assureurs se fait encore attendre.

Un colloque organisé par le Bureau d’assurance du Canada (BAC) a permis de faire le point sur le risque sismique au Québec et sur les conséquences que pourrait avoir un séisme majeur sur l’économie de la province.

Croire que les tremblements de terre majeurs ne concernent pas le Canada, que le prochain Big One est « réservé » à la Californie et à la faille de San Andreas serait une grave erreur. Le Canada possède en effet deux zones particulièrement sismiques à savoir la région côtière de la Colombie-Britannique et le corridor Québec-Montréal-Ottawa, où résident 40 % des Canadiens.

Selon Ressources naturelles Canada, au cours des 50 prochaines années, le risque d’un séisme important en Colombie-Britannique est de 30 %, et de 5 % à 15 % dans la région de Québec-Montréal-Ottawa. Si l’Ouest est exposé à un mégaséisme, l’Est est plus sujet à des séismes intraplaque d’ampleur plus limitée certes, mais pouvant toutefois atteindre la magnitude 7 sur l’échelle de Richter.

« Les dommages commencent à une magnitude 5, alors que le maximum auquel s’attendent les scientifiques pour le Québec est un tremblement de terre de magnitude 7, explique ainsi Maurice Lamontagne, sismologue à Ressources naturelles Canada. De plus, les répliques rajoutent aux dommages, maintenant les populations dans un sentiment d’anxiété et d’insécurité. »

Un impact économique majeur

Un tremblement de terre important toucherait ainsi tous les Canadiens et aurait un effet « boule de neige » sur l’économie nationale en raison des dommages matériels, de l’interruption de la chaine d’approvisionnement, des pertes de services, des défaillances des infrastructures et des pertes d’exploitation. À Montréal, qui est la deuxième ville la plus vulnérable au Canada après Vancouver, les dommages occasionnés par un séisme de grande ampleur pourraient de surcroit être aggravés par certaines caractéristiques intrinsèques : des infrastructures vieillissantes, un sous-sol meuble, des bâtiments anciens, des édifices en hauteur, une forte activité économique en centre-ville, une présence d’industries à risques, ou encore, une forte densité de population dans certains secteurs.

Selon Johanne Lamanque, vice-présidente du BAC au Québec, « si un séisme majeur se produisait, ce pourrait être un immense fardeau financier pour le Québec, mais aussi pour l’ensemble du pays. »

Mme Lamanque n’hésite pas à rappeler que les tremblements de terre qui ont frappé Christchurch en Nouvelle-Zélande le 4 septembre 2010 et le 22 février 2011 ont causé des pertes de 6,5 milliards de dollars (G$) et 33 G$, respectivement. « C’est l’exemple le plus comparable avec les conséquences que ça pourrait avoir au Québec », dit-elle.

Une étude menée en 2011 par la Banque mondiale a révélé que les catastrophes entrainent en moyenne une augmentation des dépenses gouvernementales de 15 % et une diminution des recettes fiscales de 10 %, ce qui se traduit par une augmentation combinée des déficits budgétaires de 25 %.

De son côté, le BAC a commandé à AIR Worldwide un rapport dans le but de quantifier les couts globaux d’assurance et les couts économiques d’un séisme de grande ampleur.

À l’est, ce scénario envisage un séisme de magnitude 7,1 près de la ville de Québec, dans Charlevoix qui est la zone la plus active et la plus à risque de la province. Dans ce cas, les pertes économiques globales seraient d’environ 61 G$ et les pertes assurées de 12 G$. À noter que les pertes assurées seraient relativement peu élevées en raison du faible taux de souscription d’assurance habitation contre les tremblements de terre au Québec.

À l’ouest, le scénario serait même des plus dramatiques : un séisme de 9 sur l’échelle de Richter causerait des pertes économiques globales de 75 G$ et des pertes assurées de 20 G$. Sans compter le nombre de victimes humaines…

Faible perception du risque

Malgré ce risque bien réel, la population du Québec demeure peu sensibilisée aux tremblements de terre et à l’impact qu’ils pourraient avoir sur l’économie de la province. Selon un sondage réalisé par le BAC, il apparait par exemple que neuf Québécois sur dix pensent que leur maison est à l’abri d’un séisme.

Par ailleurs, un tiers des assurés se croient protégés en cas de secousse majeure alors que dans les faits, seuls 3 % des Québécois sont assurés contre les tremblements de terre.

De plus, il existe une grande différence du taux d’adhésion entre l’ouest, mieux préparé, mieux sensibilisé, et l’est du pays. Les Québécois sont ainsi largement moins assurés (3 %) que leurs concitoyens de l’Ouest (45 % en Colombie-Britannique, jusqu’à 65 % à Vancouver).

Les assureurs de dommages sont pourtant en mesure de servir leurs clients après un tremblement de terre d’une périodicité de 500 ans. Mais des séismes plus importants peuvent survenir : le séisme de 2011 au Japon était un événement d’une périodicité de 600 ans.

Au Québec, le BAC invite ainsi les consommateurs, les assureurs et les gouvernements à participer à l’élaboration d’une stratégie nationale, « une approche planifiée, disciplinée et intégrée de la gestion du risque de séisme ». « L’industrie de l’assurance a un rôle à jouer pour sensibiliser le public, car la perception du risque au Québec demeure très faible, met en garde Johanne Lamanque. Il faut une action concertée entre les différents joueurs du secteur privé et public. »

De plus, selon le BAC, les chefs des gouvernements, au niveau fédéral comme au niveau provincial, ont exprimé leur désir de collaborer à une solution partagée. Le BAC s’est engagé à travailler en étroite collaboration avec les gouvernements, l’industrie des services financiers, les organisations non gouvernementales et l’industrie de l’assurance pour s’assurer qu’un cadre d’intervention national est en place avant que frappe un mégaséisme.

Comme le rappelle Don Forgeron, président et chef de la direction du BAC, c’est à l’industrie de l’assurance de dommages qu’incombe la responsabilité d’être un moteur dans la sensibilisation des populations et dans la mise au point de produits d’assurance contre les tremblements de terre. Il invite l’industrie à se mobiliser. « Si l’industrie de l’assurance de dommages échoue, c’est toute l’économie canadienne qui pourrait être affectée. »


California Earthquake Authority : un exemple à suivre

Société d’assurance spécialisée dans la sensibilisation et la préparation des propriétaires occupants californiens face aux tremblements de terre, la California Earthquake Authority (CEA) a vu le jour au lendemain du séisme de magnitude 6.7 qui a frappé la ville de Nortridge près de Los Angeles, en 1994. Le bilan de ce séisme fut très lourd : 60 décès, 7 000 blessées et plus de 40 000 bâtiments endommagés. Au total, les pertes économiques ont atteint plus de 40 milliards de dollars (G$), dont seul un tiers été assuré.

« Dès lors, de nombreux assureurs locaux refusaient de souscrire le risque sismique et donc, se retiraient peu à peu du marché de l’assurance habitation, explique Glenn Pomeroy, chef de la direction de la CEA. En Californie, les compagnies qui vendent de l’assurance habitation doivent obligatoirement proposer des couvertures contre les séismes. Elles préféraient donc se retirer du marché. »

En réponse, le législateur californien a proposé une solution viable en mettant au point une « mini police » de base que tout assureur pouvait vendre pour se conformer à la loi de l’offre obligatoire. Cette police sans fioriture fournissait aux propriétaires une couverture de base pour le toit et l’enveloppe de la maison, éliminant les extras couteux comme les piscines et les terrasses. En 2015, ce sont environ 75 % des compagnies d’assurance habitation de Californie qui offrent désormais les polices « tremblement de terre » de la CEA.

Financièrement solide, la CEA bénéficie du financement des assureurs partenaires et possède aujourd’hui plus de 11 G$ en capacité de paiement de sinistres. Plus important encore, la création de la CEA a contribué à réduire les taux d’assurance tremblement de terre au cours des années, et à rendre la couverture toujours plus abordable pour chaque résident de la Californie. En moyenne, il faut ainsi compter sur une prime annuelle de 806 $ pour les propriétaires, de 121 $ pour les locataires, et de de 385 $ pour les propriétaires de condos.

Toutefois, et malgré tous les efforts déployés par la CEA en termes notamment de sensibilisation, seulement 10 % des Californiens possèdent une assurance contre les tremblements de terre. « Le problème en Californie, poursuit-il, c’est que nous avons trop parlé des dangers des séismes aux populations, nous les avons effrayés et, désormais, elles ne font plus attention aux mesures de sensibilisation. Notre défi sera maintenant d’attirer l’attention des gens, sans leur faire peur. »


Ce que couvre l’assurance contre les tremblements de terre

La couverture des dommages causés par un tremblement de terre ne fait pas partie du contrat type d’assurance habitation, mais peut être souscrite comme avenant au contrat.

Si un séisme entraine la rupture d’une conduite principale de gaz et déclenche un incendie, les dommages qui découlent de cet incendie seront probablement couverts en vertu d’un contrat type d’assurance habitation. Toutefois, la protection dépend des lois de la province ou du territoire où a lieu le tremblement de terre.

Dans certaines circonstances, si les propriétaires ne peuvent pas retourner chez eux en raison de dommages assurés, ils ont droit à une indemnité pour frais de subsistance supplémentaires.

Enfin, il est à noter que la protection contre les tremblements de terre est offerte pour les établissements commerciaux. Pour atténuer les pertes d’une entreprise en cas de séisme, il est possible de souscrire une assurance contre les pertes d’exploitation.

Source : Bureau d’assurance du Canada