Si le nombre de polices d’assurance vie vendues au pays est en baisse depuis une quinzaine d’années, cela ne signifie pas la fin des haricots, bien au contraire. L’industrie doit plutôt se réinventer et tenter de regagner une clientèle qu’elle a graduellement délaissée.
C’est ce qui ressort d’un panel tenu en mars dans le cadre du Symposium 2025 d’Advocis, le plus grand regroupement de conseillers en assurance de personnes indépendants au Canada.
Le marché de l’assurance est en santé, a d’abord fait valoir Phil Marsillo, encore en poste à titre de président de la Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies (CAILBA) au moment de l’évènement, et président-directeur général de l’agent général IDC Worldsource. Cela s’explique par le fait que, plus que jamais auparavant, la clientèle a accès à une diversité de ressources pour obtenir de l’information et choisir la police qui lui convient le mieux.
Après des pertes d’environ 100 000 polices d’assurance vie annuellement entre 2010 et 2023, les contrats ont connu une relance il y a deux ans, explicable entre autres par l’incertitude engendrée par la pandémie de COVID-19.
L’an dernier, 9,2 milliards de dollars en prestations de décès ont été versés aux Canadiens : pour M. Marsillo, cela signifie que l’offre en assurance et les services afférents sont disponibles et accessibles aux Canadiens.
Défi et opportunité
Cette accessibilité s’accompagne cependant d’un « énorme potentiel » d’expansion, croit pour sa part Brent Lemanski, vice-président adjoint des relations-clients de LIMRA et LOMA Canada.
« Nous avons réalisé un certain nombre de nouvelles études canadiennes au cours des 12 ou 18 derniers mois, et il y a encore d'énormes possibilités, et elles ne sont pas aussi biaisées qu'on pourrait le penser. […] Nos recherches suggèrent qu'environ 30 % des Canadiens, soit quelque 8 millions de personnes, ont encore besoin d'une meilleure couverture. La question se pose alors de savoir comment ils y accèdent, comment ils obtiennent l'information, comment ils la perçoivent. Je dirais donc qu'il s'agit à la fois d'une opportunité et d'un défi », a-t-il mentionné.
« La véritable opportunité se trouve peut-être au bas de l’échelle, dans un marché de gens de la classe moyenne », a répondu Stephen Frank, président et chef de la direction de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).
Un groupe de clients délaissé depuis quelques années, alors que l’industrie s’est plutôt évertuée à pêcher de plus gros poissons, a-t-il déploré. Et pourtant, les plus fortunés ne sont pas nécessairement plus enclins à s’offrir une protection.
« Nous devons reconnaître que, collectivement, nous sommes en train de courir après les grandes fortunes. Nous devons trouver une solution pour cette catégorie moyenne. Il y a là une opportunité énorme et ce sont eux qui ont vraiment besoin de conseils. Dans bien des cas, ils ne comprennent même pas pourquoi ils auraient besoin d'un produit », a poursuivi M. Frank.
M. Marsillo a ajouté son point de vue. Il raconte qu’il assistait à un événement avec des dirigeants d’entreprise et qu’on lui a dit qu’ils n’avaient pas été sollicités et qu’ils avaient un besoin en assurance. Sa réponse ? « Vous vous demandez pourquoi les consommateurs n’achètent pas davantage alors que vous êtes dans le domaine, vous savez que vous avez un besoin, vous fabriquez les produits, vous avez des tonnes de conseillers à qui parler et vous n’avez pas pris contact avec eux. Alors, comment vous attendez-vous à ce qu’un consommateur s’y retrouve? »
Pour un service plus humain
Afin de rejoindre cette strate de clientèle, Brent Lemanski a plaidé pour un service-client personnalisé, que ce soit en personne ou lors d’un face à face virtuel.
« Même si l’industrie évolue, beaucoup de choses n’ont pas changé, a-t-il mentionné. Les gens meurent, les gens deviennent invalides, les gens prennent leur retraite. Ces personnes aiment leur famille et ils souhaitent veiller à ces changements possibles dans leur avenir. Ce qui a changé, c’est seulement l’environnement dans lequel nous offrons les solutions en assurance. »
Surtout, il a rappelé que même si l’accès aux produits d’assurance vie est facilité par les plateformes en ligne des assureurs, si le client ne comprend pas les différences entre les produits qui lui sont offerts, ou s’il n’a pas le sentiment que ceux-ci répondront à ses besoins, il ne procédera pas à une transaction. D’où l’importance de se faire conseiller et de miser sur le contact humain. M. Frank était aussi de cet avis. Même si l’intelligence artificielle et les technologies semblent faciliter le travail de vente et de courtage, rien ne remplacera le service à la clientèle pour s’assurer de bien saisir les besoins de chacun, puis d’y répondre, a-t-il insisté.
Mieux répondre aux besoins
En ce sens, le service-conseil pour accompagner les consommateurs dans leur prise de décision est essentiel, que ce soit pour se procurer un produit en assurance ou pour le remplacer pour un nouveau, plus adéquat en vertu de leur situation.
« Depuis des décennies, il y a ce manque, une différence entre ce que les consommateurs pensent qu'ils devraient avoir et ce qu'ils ont », a relevé M. Lemanski.
Une étude diffusée par LIMRA en 2024 révélait d’ailleurs que 30% des Canadiens avaient exprimé le besoin d’avoir une assurance vie ou de bonifier celle qu’ils détenaient déjà, mais qu’ils ne passaient pas à l’action, faute de connaissances, ou qu’ils étaient découragés par le contexte économique incertain.
À cet effet, M. Marsillo s’est montré plus prudent que ses co-panélistes. « Nous n’avons pas toute l’information pour affirmer que tout le monde est sous-assuré, nuance-t-il. J'ajouterais que, compte tenu de la situation économique, les familles modestes et même moyennes essaient [d’abord] de se loger, de payer leurs enfants et leurs études là où elles peuvent trouver de l'argent supplémentaire. »
« De plus, de plus en plus de personnes sont probablement couvertes par une assurance de groupe, qu'il s'agisse de la leur ou celle de leur conjoint, renchérit-il. Ces personnes sont-elles mieux couvertes ou non ? Je ne dispose pas de tous les éléments pour affirmer que nous en avons fini avec ce secteur, que nous ne faisons pas notre travail. »
Le meilleur produit est celui que le client achète
M. Marsillo était également d’avis que pour tirer leur épingle du jeu, les vendeurs et représentants en assurance devront travailler en équipe afin de proposer à leur client le produit qui convient le plus à leurs besoins.
« Comment s’assurer que le client a le meilleur produit ? La réponse est simple : si votre client a une assurance au moment de la réclamation, c’est qu’il a le meilleur produit qu’il pouvait avoir, résume-t-il. L’assurance vie avec participation n’est pas toujours la meilleure option. L’assurance vie universelle n’est pas toujours la solution. C’est une variété de solutions. Si client a la couverture dont il a besoin, c’est tout ce qui compte. »