Les ratios de frais de gestion trop élevés font sourciller de plus en plus clients et conseillers. Grâce à ses frais réduits, l’assurance vie universelle sans boni en profite pour gagner la faveur de l’industrie.Après des années difficiles ponctuées de rendements négatifs sur les marchés boursiers, les investisseurs n’acceptent plus aussi facilement de payer un ratio des frais de gestion (RFG) élevé au sein de leurs véhicules de placement. La vie universelle n’échappe pas à cette loi du marché, d’où un regain marqué des polices universelles à frais réduits chez les développeurs de produits des assureurs et dans leur réseau de distribution.
Une étude interne réalisée par le Groupe financier PPI a révélé que le ratio de frais de gestion (RFG) moyen pour les comptes indiciels d’une police d’assurance vie universelle avec boni s’élève à 3%. L’étude repose sur l’observation des produits de plusieurs assureurs. « En général, dans le marché, la moyenne la plus élevée de ces frais pour une police avec boni atteint 3,75% et la plus basse 2,00% », révèle la directrice des services marketing du bureau montréalais de PPI, Andrée Couture.
À ces frais s’ajoute souvent le RFG du fonds sous-jacent. C’est le cas d’options à indice reflétant par exemple le rendement d’un fonds communs de fournisseurs externes comme Fonds communs CI, AIMTrimark et Mackenzie.
En ce qui touche les options d’investissement à intérêt fixe, la plupart des compagnies exigent sensiblement les mêmes frais, soit 90% du rendement des obligations du Canada de même durée, moins des frais de 1,75%.
De leur côté, les polices universelles sans boni permettent de couper de moitié dans les frais d’options indicielles. Typiquement, celles-ci affichent un RFG moyen sur les comptes indiciels qui oscille entre 1,25 et 2,55%, observe Mme Couture. Pour les options d’investissement à taux fixe, la formule de frais demeure la même dans la version sans boni.
Avec un tel écart de frais, plusieurs conseillers se questionnent même sur la pertinence de la version boni. Surtout dans le cas des options d’investissement indicielles. « Les gens acceptent mal de payer des frais élevés pour un compte où l’on achète simplement les titres qui correspondent à l’indice et où on les conserve sans faire de gestion active », déplore Serge Assayag, président du Groupe Botica, un agent général de Montréal.
Un taux moyen de RFG de 3% sur les polices avec boni est nettement trop élevé, estime quant à lui Ashley Crozier, actuaire, conseiller indépendant et fréquent contributeur sur le forum internet des conseillers For advisors only. Il estime qu’un taux variant entre 1,5% et 2,5% se situe beaucoup plus près de ce que recherchent les conseillers et leurs clients.
M. Crozier salue d’ailleurs l’introduction des vies universelles sans boni dans le marché. « Les assureurs ont simplifié le produit et diminué les RFG en éliminant les bonis. D’ailleurs, les polices universelles sont plus simples à comprendre lorsqu’elles ne contiennent pas de bonis. » La police sans boni écartera aussi, selon lui, le cliché à l’effet qu’il en coûte plus cher de frais de gestion chez les placements des assureurs que chez ceux des compagnies de fonds.
Baisser les frais
Pour sa part, le « marché » s’ajuste à la tendance. La vice-présidente adjointe, marketing assurance vie individuelle des assureurs Great West, Canada Vie et London Life, Saundra Edwards, prévoit que dans le futur, les compagnies qui offrent à la fois des produits avec et sans boni auront un sérieux avantage concurrentiel. Les trois compagnies du groupe offrent d’ailleurs les deux choix.
Chez AIG Vie du Canada, autre compagnie offrant les deux solutions, l’équipe de marketing met plus que jamais l’accent sur son produit à frais réduits, on constate même que c’est celui-ci qui remporte la faveur des conseillers actuellement. Même si une majorité des conseillers vendent encore le produit avec boni, « la police à frais réduits jouit actuellement d’un véritable momentum », révèle Steve Carter, vice-président marketing de AIG. En fait, ce produit récolte actuellement le tiers des nouvelles ventes en vie universelle, précise-t-il.
L’avantage pour les conseillers, outre de satisfaire les clients de plus en plus sensibles aux frais de gestion, c’est de ne pas avoir à expliquer à ceux-ci le fonctionnement des bonis. La structure des bonis d’une vie universelle est en effet une chose très complexe, rappelle-t-il.
Les clients ne sont pas de reste pour ce qui est de tendre vers la version sans boni. « Les clients à valeur nette élevée transitent de plus en plus vers des polices à frais réduits », observe M. Carter.
La vie universelle Dimension Vie à frais réduit offre une gamme d’options sur plus de 400 fonds communs sous-jacents et 46 options d’investissement sans frais. Cette police à frais réduits perçoit un RFG allant de 0% à 1,50%, auquel s’ajoute ensuite le RFG du fonds sous-jacent. Dans cette version par exemple, le fonds Mackenzie Universe métaux précieux est accessible sans frais de la part de AIG, plus le RFG sous-jacent de 2,49%. Autre exemple, le fonds Mackenzie Maxxum valeur canadien se voit charger des frais de 1,25% par AIG, plus un RFG sous-jacent de 2,42% pour des frais totaux de 3,67%.
Parmi les solutions qui allègent les coûts, le vice-président et actuaire en tarification pour les produits d’assurance vie chez Transamerica, Joe Kordovi rapporte que la compagnie n’impose au client que le ratio des frais de gestion (RFG) d’un fonds donné pour son produit sans boni. Elle n’ajoute pas ses propres frais de gestion en sus.
De plus, les comptes indiciels de l’assureur comportent des frais de gestion de 3% pour l’assurance vie universelle avec boni et de 1,75% sans boni, pour tous les indices, incluant les fonds internationaux.
Tendance oblige, l’Industrielle Alliance a lancé le 14 août une version de son assurance vie universelle à option de frais minimums Genesis, dont les frais ont été encore réduits, rapporte le conseiller en marketing Martin Vézina. Dans Genesis à frais minimums, l’assureur ne paie aucun boni annuel et ne facture que les frais de gestion du gestionnaire externe en ce qui touche les fonds à gestion active. Dans sa version récente lancée le 14 août dernier, les fonds à gestion active de la version sans boni coûtent 1,75% moins cher que la version avec boni. Par exemple, le fonds actions canadiennes de l’Industrielle Alliance affichera un RFG de 2,35% dans la police sans boni et de 4,10% dans celle avec boni. Avant, la réduction n’était que de 1,25%.
Joe Kordovi observe également la tendance vers les produits sans boni. À ses yeux, il importe toutefois de mettre l’accent sur la formation pour réaliser un sain virage vers des frais de gestion réduits.
M. Kordovi juge en effet qu’il est très difficile de comparer les produits de vie universelle entre eux uniquement sur la base des frais de gestion. « Chaque compagnie compte ses propres RFG », dit-il. Il ajoute que s’il était courtier, il effectuerait une analyse annuelle de tous les produits d’assurance vie universelle ou il la ferait faire par un cabinet d’agent général. À l’issue de cette étude, il ne concentrerait ensuite son démarchage que sur une poignée de produits qui conviennent à son marché cible.
Même si Standard Life ne prévoit pas d’offrir de version sans boni de son produit de vie universelle pour le moment, son consultant principal, éducation et formation, Gerry Anthony, dit se soucier de tenir les frais de gestion des comptes indiciels le plus bas possible, en regard d’une forte concurrence.
Il est toutefois d’avis que ce n’est pas la question des frais de gestion qui est au cœur du débat. Comme Joe Kordovi, il croit essentiel de bien comparer les produits d’assurance vie universelle entre eux. Même à RFG plus élevé, un produit peut se distinguer avantageusement d’un autre par un choix accru d’options d’investissement.
Retour aux sources
Directeur senior aux ventes chez Groupe Investors, Pascal Di Lillo rappelle de son côté que cette tendance est un retour à ce qui se faisait à l’origine, alors que le produit ne comportait aucun boni. Lui-même penche pour le produit sans boni lorsqu’il fait des recommandations à ses conseillers ou aux clients.
Il estime qu’une police avec boni coûte plus cher au bout du compte, même si le client obtient le boni. C’est que l’assureur percevra souvent des frais supérieurs au boni qu’elle donne au client. « Le boni sert surtout à rehausser l’illustration », lance-t-il. En effet, la présence du boni aura un effet déterminant sur la valeur du fonds projeté, ce qui fera mieux paraître le produit avec boni que le produit sans boni.
Par contre, il hésite avant de condamner tous frais de gestion jugés trop élevés. « Cela dépend du rendement global de la police. Si je fais du 10% avec une option à indice boursier, trois pour cent n’est pas si cher. Si je fais du deux ou du trois pour cent avec une option à intérêt fixe, même 1,5% est cher. »
Selon lui, la meilleure barrière contre l’effet des frais de gestion sur l’accumulation du fonds d’une police vie universelle, c’est de répartir les dépôts dans diverses options de placement afin d’équilibrer le rendement. « Les conseillers oublient souvent que la portion investissement d’une vie universelle doit être traitée comme n’importe quel autre véhicule de placement : dans une optique de répartition de l’actif. »
La fin des bonis?
Quant à Joe Kordovi, il ne renie pas la version de l’assurance vie universelle avec bonis. Comme son collègue du Groupe Investors, il pense que le conseiller doit comprendre le besoin de son client avant de lui recommander une vie universelle avec ou sans boni.
Pour Serge Assayag, c’est l’objectif à long terme du client qui prime quant au choix du produit approprié. « Je ne vends pas de vie universelle avec boni quand le client achète pour des raisons d’investissement. Quand l’achat est surtout motivé par le besoin d’assurance, je vends alors la police avec boni. »
De son côté, Robert Beauchamp est d’avis que peu de ses collègues connaissent vraiment à fond le produit d’assurance vie universelle. Il en résulte un manque de transparence lorsque le produit est présenté au client. « Personne ne parle des frais. Parmi les gens qui vendent la vie universelle, rares sont ceux qui maîtrisent la gestion et la complexité du produit. »
Or, selon M. Beauchamp, ceux qui n’expliquent pas suffisamment le produit avant de le vendre risquent des poursuites. Il estime aussi que la vie universelle est un produit que le conseiller doit continuer de « suivre » après la vente. « Cette police doit être gérée pour le client sur une base régulière, tant du côté du rendement des options d’investissement que de leur répartition. Parfois, les compagnies éliminent des options de placement et les remplacent par de nouvelles. » Des détails que doit suivre de près le conseiller qui veut éviter de mauvaises surprises aux clients, conclut-il.