Les confinements que vit l’économie québécoise influent sur l’évolution du marché de la construction. Assurer les entrepreneurs de ces secteurs est aussi un défi.
Le Portail de l’assurance a discuté de la situation avec Geneviève Morin, vice-présidente et actionnaire du cabinet de courtage MP2B, avant la pause des fêtes – donc avant que le Québec soit de nouveau en confinement. Pause ou pas, ce secteur d’activité doit composer avec les effets de la pandémie de COVID-19.
« Nous avons eu ce que nous avions prédit : les contrats privés ont été mis sur la glace. Plusieurs projets de tours de condominiums et phases de développement immobilier sont au ralenti. C’est le même principe en immobilier commercial. Les projets sont sur la glace. Les promoteurs immobiliers qui avaient des projets les ont retardés. À ça s’ajoute le fait que plusieurs entreprises revoient la gestion de leurs pieds carrés. La tendance est donc plus au réaménagement. Ça va mettre un frein à la nouvelle construction », explique Mme Morin.
La tendance a toutefois été inverse à l’automne dans le secteur public, dit la vice-présidente de MP2B. « C’est là qu’il y a le plus d’investissements. Tout est reparti en même temps », souligne-t-elle.
Mme Morin affirme que la conjonction de ces facteurs a créé deux phénomènes : une rareté des matières premières, qui s’est ensuite répercutée sur la chaine d’approvisionnement des entrepreneurs en construction, en matière de main-d’œuvre. « Quand il y a plus de demande que d’offre, les prix augmentent. Le cout des matières premières a augmenté aussi, parfois jusqu’à 30 % », dit-elle.
Des répercussions en assurance…
La vice-présidente de MP2B est d’avis que ces facteurs auront un effet à moyen terme en assurance. Elle donne comme exemple la valeur assurable des bâtiments, communément appelée « CVA » dans l’industrie, qui obligera possiblement les assureurs à rajuster leurs couts de reconstruction.
« Une maison incendiée ne coutera pas le même prix à reconstruire. Il y a donc possiblement des gens qui sont sous-assurés en assurance habitation. C’est un questionnement à avoir. »
Des segments sont aussi plus difficiles à couvrir, mentionne Mme Morin. « Il y a des augmentations de prime dans le marché, mais aussi des assureurs qui ne veulent pas renouveler certains dossiers. Ce n’est pas un marché agréable en assurance, présentement. Il est difficile de renouveler le risque d’un plombier. Pour les couvreurs, c’est l’enfer. Il y a même des enjeux pour les électriciens, ce qui n’a jamais été le cas avant. Il faut être plus créatif », dit-elle.
… et en cautionnement
La rareté de la main-d’œuvre en construction, particulièrement dans les secteurs spécialisés, aura aussi des effets sur le marché du cautionnement, affirme Mme Morin. « Les métiers d’électricien, de maçon, de coffreur ou de plombier ne sont pas des métiers sexy pour les jeunes à l’école. Il y a une grosse problématique de main-d’œuvre. Le gouvernement regarde comment attirer des gens. Une formation peut se faire rapidement. Mais à cause de cette pénurie, des projets s’étirent. Les écoles qui demandaient des travaux de rénovation l’ont subi cet été », dit-elle.
Risquant de devoir payer des pénalités en cas de retard, les donneurs d’ouvrage demanderont plus d’aide aux compagnies d’assurance qui offrent des solutions de cautionnement, dit Mme Morin. « Nous voyons des donneurs d’ouvrage reporter des projets moins urgents pour voir où le marché se situera dans six mois. Il y en a d’autres qui vont en appel d’offres maintenant pour s’assurer que les soumissionnaires ont le temps de commander leurs matériaux. Certains donneurs d’ouvrage sont donc proactifs, alors que d’autres préfèrent attendre », dit celle qui est aussi la fondatrice du Regroupement québécois du cautionnement, qui a vu le jour au printemps 2019.
D’ailleurs, côté cautionnement, le marché est bon pour ce qui est des gros projets d’infrastructures. Ce ne sont toutefois pas tous les entrepreneurs en construction qui ont la capacité de réaliser ces projets, dit Mme Morin. « Il y a moins de projets pour lesquels les PME peuvent se qualifier », précise-t-elle.
L’année 2021 devrait être favorable pour le marché du cautionnement, anticipe Mme Morin. « Les problèmes seront plus soulevés en début d’année », a-t-elle mentionné avant la pause des fêtes.