Devant le dernier budget fédéral, qui propose l’élimination des avantages fiscaux liés aux stratagèmes 10/8 et aux rentes assurées avec effet de levier (RAL), le président de la Conference for Advanced Life Underwriting (CALU), Kevin Wark, suggère aux conseillers de communiquer avec les clients touchés afin d’évaluer les possibilités qui s’offrent à eux. Il précise toutefois que son organisation recommande de ne rien changer pour l’instant, car toutes les avenues ne sont peut-être pas encore connues.« Relativement à ces polices, nous pensons que les clients et leurs conseillers ne devraient pas agir dans l’immédiat. Il faut d’abord bien évaluer toutes les formules possibles », a-t-il dit en entrevue au Journal de l’assurance.

À l’instar d’autres intervenants de l’industrie, la CALU compte contribuer à l’identification des effets imprévus ou des circonstances particulières dont on pourrait ne pas avoir tenu compte dans la préparation du nouveau budget. Elle compte signaler les situations en question au ministère des Finances, dit M. Wark.

« Le ministère doit aussi comprendre que la structure du 10/8 mise réellement sur l’acquisition d’une assurance vie visant à protéger les besoins à long terme d’un client, fait-il remarquer. Le mécanisme de transition devra tenir compte de cette réalité. »

M. Wark dit que l’industrie souhaite s’assurer que « le libellé n’est pas formulé d’une manière trop générale qui nuirait aux efforts de planification nécessaires, qu’il n’oblige pas les conseillers en assurance et leurs clients à planifier dans l’incertitude et qu’il ne traite pas de manière inéquitable des dossiers de planification qui auraient été conçus avant le budget. »

La CALU est encore à l’étape de la collecte de l’information auprès de ses membres. « Nous nous inquiétons du fait que l’on n’ait pas prévu assortir le stratagème 10/8 d’un droit acquis, comme c’est le cas des RAL », dit M. Wark.

Frank Swedlove, président de l’Association des compagnies canadiennes d’assurances de personnes (ACCAP), mentionne que son organisation compte s’entretenir des changements avec le ministère des Finances, au nom de ses sociétés d’assurance membres. « Il va de soi que nous allons communiquer avec le ministère où, nous l’espérons, nous trouverons une certaine ouverture. Nous aimerions pouvoir le consulter et bien comprendre ses préoccupations. Nous pourrons ainsi essayer de trouver la meilleure façon d’en tenir compte et d’établir un cadre approprié. »
Une question de consultation

Frank Swedlove reconnait que son association ne s’attendait pas du tout à voir le budget s’attarder à ces deux stratégies d’assurance. Son association savait certes que le gouvernement s’en préoccupait, mais on pensait que les questions seraient résolues lors de consultations.

« Comme c’est souvent le cas lorsqu’il y a enjeu fiscal, nous pensions qu’il y aurait des échanges avec l’industrie, de manière à ce que nous puissions trouver une solution fonctionnelle, tous ensemble. »

Peter Everett, vice-président, planification et développement des affaires, au Groupe financier PPI, affirme que son entreprise participera aussi aux discussions sur le budget avec ses conseillers et partenaires de l’industrie, de même qu’auprès du ministère des Finances. « Les conseillers de PPI sont des figures de proue dans le domaine de la planification successorale et fiscale liée à des dossiers complexes, ce qui les amène parfois à miser sur l’effet de levier d’une assurance vie, comme une stratégie 10/8 », explique-t-il. Le contrat 10/8 est généralement retenu dans le cas de gens fortunés avec une entreprise ou un commerce. Elle consiste à effectuer l’acquisition d’une assurance vie essentiellement dans un but de planification successorale et institutionnelle, précise-t-il.
Des propositions qui perturbent

M. Everett ajoute que, de façon générale, les conseillers de PPI trouvent que l’avenue envisagée par le budget est perturbante. « Les citoyens canadiens avaient des raisons pertinentes de se procurer ces produits. Les intentions du ministère sont déstabilisantes, mais nos associés – des conseillers – nous ont bien dit qu’ils veilleraient avant tout à l’intérêt de leurs clients et du consommateur, comme avant. Ils continueront de jouer un rôle clé : la gestion des besoins de planification auxquels l’assurance peut répondre. »

« C’est là le cœur du problème, précise-t-il. Nos conseillers et clients nous disent qu’ils ont souscrit en toute bonne foi au stratagème 10/8, à un moment où la fiscalité le permettait. La Loi sur les impôts le permettait. Ils s’attendent à ce que ce soit le cas ‑ que le ministère accepte d’appliquer un certain droit acquis à ce qui était – du moins au moment où ils en ont fait l’acquisition – une stratégie conforme à la Loi sur les impôts. »
Répercussions pour les clients

En quoi les clients seront-ils touchés si les propositions du budget sont adoptées? M. Wark signale que la RAL continuera de jouir d’une clause de droit acquis applicable au prêt consenti, comme avant le budget. On peut dire que les choses demeurent passablement inchangées dans ce cas. « Toutefois, la nouvelle règlementation élimine carrément les avantages fiscaux de toute RAL créée à la date du budget ou ultérieurement. Le conseiller qui se retrouve devant un nouveau cas devra proposer d’autres options pour que ses clients atteignent leurs objectifs de retraite et de planification successorale. »
Or, comme aucun droit acquis n’est actuellement applicable aux ententes 10/8 une fois l’année 2013 terminée, « nous devons nous attendre à ce que les titulaires actuels d’une telle entente restructurent leur prêt de manière à se protéger des conséquences de la nouvelle règlementation », dit M. Wark.

On y parviendra, notamment en remboursant le prêt à même certaines liquidités ou en retirant des fonds de la police. M. Wark rappelle toutefois que, si ce retrait est fait avant la fin de l’exercice, une règle particulière donne généralement droit à une déduction touchant les gains issus d’un tel retrait.

Par ailleurs, la nouvelle règlementation continue de permettre au titulaire d’emprunter sur la valeur de rachat de sa police, à condition que la structure du prêt n’ait pas recours aux conditions propres à une entente 10/8. « Nous croyons que, dans la plupart des cas, le titulaire décidera de garder sa police afin de continuer de couvrir ses besoins en planification successorale. Les titulaires de certaines polices d’assurance vie universelle, par exemple, prendront peut-être cette décision, car ils ne pourront pas remplacer la police sans s’exposer à une importante hausse de leur prime », dit M. Wark.
Jusqu’à quand doit-on attendre?

Combien de temps faudra-t-il attendre avant de passer à l’action? M. Wark invite les conseillers à étudier sans trop tarder les avenues potentielles. « La protection d’assurance restera-elle adéquate si les circonstances obligent à changer les choses? Faudra-t-il modifier ou revoir un autre élément du programme de planification et auquel l’assurance peut conférer de la valeur? A-t-on accès à des ressources extérieures pour rembourser le prêt, s’il s’avère que c’est la meilleure chose à faire? Les questions sont nombreuses. »

Une telle étude peut prendre un certain nombre de mois, selon la complexité de la situation du client et le nombre de conseillers, ajoute-t-il. Les conseillers auront en fait intérêt à effectuer cette analyse avant le dépôt du projet de loi. Même si on parvient à faire rapidement le tour de la question, il restera préférable d’attendre au moins jusqu’au milieu de l’année avant de changer quoi que ce soit, estime M. Wark.