Depuis aout 2010, pas moins d’une vingtaine de commerces montréalais, principalement des bars, cafés et restaurants, ont été la cible d’incendies criminels, entrainant des pertes non négligeables pour les assureurs. Sans refuser d’assurer ces commerces, ces derniers ont resserré leurs critères de souscription, a appris le Journal de l’assurance.Ces vagues d’attentats découlent de la guerre pour le contrôle du trafic de drogue entre la mafia et d’autres criminels. Un de ces commerces, le café-bar Barca dans le quartier Villeray, a été ciblé à deux reprises. Il est assuré par l’entremise du grossiste William J. Henry.
Gilles Boulé, directeur des assurances chez ce grossiste, confirme qu’il continue à souscrire des risques dans ce segment d’affaires malgré les problèmes qui l’affligent. Comme il s’agit d’un grossiste, les courtiers d’assurance font appel à lui pour assurer certains risques difficiles à assurer. Il précise que les critères de souscription des commerces italiens ont été resserrés depuis quelque temps.
« Plus de questions sont posées lors de la souscription. On fait plus de prévention. Par exemple, on peut demander à un client de faire installer une pellicule de protection dans les fenêtres de son commerce. Ainsi, une brique ou un cocktail molotov lancé dans une fenêtre cassera la vitre, mais la pellicule de protection retiendra les éclats de verre », dit-il.
Pour ce qui est des primes et des franchises, M. Boulé souligne que le grossiste regarde comment elles pourront être modifiées. Il rappelle que ce n’est pas la première fois qu’une telle problématique est vécue. Dans les années 1990, ce sont les motards qui semaient la terreur en faisant exploser des cafés et des bars.
Chez April Risques spéciaux, un autre grossiste, Richard Bélanger, directeur de souscription au Québec, précise qu’il est encore possible d’assurer les restaurants et cafés-bars italiens, mais que ce n’est pas facile. « Tout dépend de la façon dont ils sont protégés, de leur localisation géographique, du type d’activités qu’ils opèrent et de la protection au niveau des glaces. Certains vont même jusqu’à installer des caméras et d’autres installent les pellicules de protection », dit-il.
Assureurs plus sélectifs
Des assureurs ont confirmé au Journal de l’assurance qu’ils étaient plus sélectifs quand venait le temps d’assurer certains commerces. Les cafés sont ainsi plus difficiles à assurer que les restaurants. Chez AXA Assurances, on continue à assurer les pizzerias selon les critères habituels. Toutefois, l’assureur n’est pas intéressé à assurer des cafés, précise Anne Pedicelli, directrice des communications externes.
Du côté d’Intact Assurance, il n’y a pas de refus systématique pour les cafés, mais la souscription est beaucoup plus serrée, explique Alexandre Royer, conseiller principal aux communications. Le pourcentage des recettes provenant des ventes d’alcool par rapport à la nourriture est l’un des éléments qui est vérifié. Aussi, l’assureur est plus pointilleux pour les commerces qui sont dans les affaires depuis moins de trois ans.
Au Bureau d’assurance du Canada (BAC), on ne tient pas de statistiques sur ce type de risques. « Tous les restaurants peuvent normalement être assurés, indique Charlotte Sasseville, conseillère en communications publiques. Par contre, ceux qui sont dans les affaires depuis moins de trois ans risquent d’être refusés. La qualification des risques se fait aussi selon le quartier où le restaurant est situé, le type de restaurant et le nombre d’employés. Il s’agit d’un marché très spécialisé qui est surtout souscrit par les courtiers et non par les assureurs directs. La souscription se fait au cas par cas. »
Un courtier qui a la plume
Un courtier qui en a plusieurs parmi sa clientèle est Racine Chamberland. Sylvain Racine, le président, confirme que dans le secteur problématique de Jean-Talon et Saint-Michel à Montréal, il en a une quinzaine. C’est que ce courtier a la plume pour écrire ce genre de risques. Plusieurs courtiers font appel à lui pour assurer des restaurants et cafés.
Deux clients de Racine Chamberland ont d’ailleurs été la cible de tentative d’incendie. Le courtier et les assureurs du programme ont opté pour un resserrement des critères de souscription plutôt qu’un refus de les souscrire. Ils ont notamment donné à leurs clients situés dans le secteur problématique un délai de 30 jours pour faire installer une pellicule anti-bris. M. Racine mentionne que la majorité des clients visés par cette mesure s’y sont déjà conformés.