Les changements climatiques pourraient-ils marquer la fin de l’industrie de l’assurance? C’est ce que soulève Co-Operators dans son étude Future of Sustainable Insurance : Thought Leaders Study. L’assureur albertain n’est pas le seul à sonner l’alarme depuis le début de l’année à ce sujet.Co-Operators a interrogé une dizaine de hauts gestionnaires d’assurance et de secteurs proches de l’industrie des États-Unis, de l’Europe et de l’Australie pour connaître leur avis sur les défis qui attendent l’industrie et a publié une synthèse de leurs propos en mars. L’assureur en arrive à la conclusion que les changements environnementaux et démographiques auront une incidence considérable sur la manière dont les assureurs proposeront leurs produits et services au cours des prochaines années.

« L’accès à l’assurance sera une préoccupation clé. Il est prévisible que le mécanisme d’assurance puisse se briser et cesser d’exister. L’industrie a l’obligation de ne pas simplement réagir aux risques, mais aussi de préserver la viabilité de l’assurance dans ses marchés clés. Une réponse naturelle des assureurs pourrait être de se retirer de certains marchés ou d’y augmenter le prix de ses couvertures. Ce ne serait pas des solutions viables à long terme. Il serait mieux de mettre l’accent sur la prévention des pertes. Les assureurs pourraient éliminer la notion de risque en fabriquant des produits qui font la promotion de l’adaptation et de la réduction des menaces auxquelles devront faire face la société », souligne l’étude.

Les assureurs qui réussiront sont ceux qui feront des efforts pour regagner la confiance du public selon Co-Operators. Pour ce, ils devront aider la population à se préparer aux risques causés par les changements climatiques et s’engager activement au niveau de la création de nouvelles polices, de nouveaux produits et du développement de services.

« Fait correctement et pour les bonnes raisons, fournir l’accès à l’assurance, que ce soit de la micro-assurance pour les pays en voie de développement ou pour préserver un prix abordable pour les produits des marchés développés, engendrera une plus grande confiance du public. À partir de cela, les assureurs pourront bâtir un leadership durable », avance Co-Operators.

Adaptation

L’étude ajoute que les assureurs devront ainsi offrir des produits adaptés aux caprices de dame Nature, lesquels, par exemple, pourront couvrir les pertes d’un assuré en cas d’un manque de vent ou de soleil, en fonction de ses besoins. Ils devront aussi proposer des crédits de carbone et offrir, entre autres, des incitatifs pour la construction de bâtiments verts et des rabais aux conducteurs qui font moins de kilométrage.

Selon Co-Operators, les assureurs changeront aussi leur mentalité en matière d‘investissements. Ils se retireront de tout ce qui touche aux compagnies produisant des combustibles fossiles et de celles qui rejettent beaucoup de gaz à effet de serre. Néanmoins, les gestionnaires interrogés par Co-Operators se demandent si l’industrie de l’assurance sera capable de faire face aux chocs à venir.

« Avec la venue d’événements climatiques extrêmes liés aux changements climatiques, il y aura des exclusions de couvertures, des zones non-assurables et des activités non-assurables. Tout cela résultera en une déstabilisation du marché. Il y aura plusieurs changements dans les pratiques des entreprises, et plus particulièrement dans le secteur agroalimentaire, qui devra suivre la migration de la biodiversité vers des environnements plus cléments. Au cours de la prochaine décennie, il y aura des changements majeurs dans la manière dont l’industrie fonctionnera », indique l’étude.

Les Canadiens inquiets

AXA traite aussi des changements climatiques dans son dernier Baromètre de la retraite 2007-2008, publié en février. L’assureur français a mené un sondage à l’échelle mondiale pour voir comment les changements climatiques étaient perçus.

AXA en arrive à la conclusion que les Canadiens sont parmi les nations les plus inquiètes face aux changements climatiques, derrière les Japonais. L’étude démontre aussi que la moitié de la population mondiale est inquiète face aux changements climatiques.

De plus, le Baromètre révèle que le Canada est en tête de liste des pays dont les citoyens affirment être prêts à changer leurs habitudes pour combattre les changements climatiques (90 %). Seule la Thaïlande devance le Canada à ce chapitre (93 %).

La majorité des Canadiens croient que la prochaine génération souffrira plus nettement des changements climatiques. Le Canada se classe au troisième rang sur cette question. La Thaïlande, touché par un puissant tsunami en 2004, et le Portugal, touché par de graves incendies ces dernières années, devancent le Canada.

Pour Munich Re, la question n’est pas de savoir quels impacts auront les changements climatiques sur la planète. Le réassureur attribue déjà certains cataclysmes aux changements climatiques, comme celui de la mousson qui a causé de nombreux dommages en Inde au cours des trois dernières années. C’est ce que le réassureur affirme dans sa dernière étude Topics Geo, rendue public en avril.

« Les moussons estivales en Inde vont sûrement devenir de plus en plus extrêmes. Cela est dû aux changements climatiques. La température à la surface de l’océan a augmenté de 0,5 degré Celsius au cours des 50 dernières années. La hausse de l’humidité cause ainsi la mousson. C’est un risque qui est dur à quantifier et l’industrie de l’assurance devra porter une attention particulière à créer des solutions appropriées, surtout que la valeur des biens à assurer augmente rapidement », indique Munich Re dans son étude.

Le réassureur croit aussi que les tempêtes de neige seront en hausse à cause des changements climatiques. Munich Re lie d’ailleurs le passage de la tempête hivernale Kyrill, qui a frappé l’Europe en janvier 2007, aux changements climatiques.

« Il ne sera plus suffisant de considérer uniquement les expériences du passé. Une attention égale devra être accordée à mesurer ces événements en fonction des changements climatiques. La souscription prospective, qui considère les changements à long terme de l’exposition à un risque, va gagner en importance. L’importance de la protection en assurance comme un tout deviendra claire, associée avec des concepts de prévention des pertes », dit Munich Re dans Geo Topics.

Transférer les risques

De son côté, Swiss Re a identifié les changements climatiques comme un risque émergent il y a 20 ans. Le réassureur propose maintenant aux gouvernements un peu partout sur la planète d’allouer des sommes à des fonds de soutien avant que les catastrophes ne surviennent, en utilisant l’assurance et les instruments de capital disponibles sur le marché pour mieux prévoir les risques.

Le réassureur a aussi commencé à offrir des polices de prévention des risques dans les pays en voie de développement. Le réassureur a ainsi vendu 280 000 polices de prévention de risques à des petits fermiers en Inde. Fin 2007, Swiss Re a aussi vendu des polices contre les longues sécheresses à trois agglomérations rurales du Kenya, du Mali et de l’Éthiopie.

Swiss Re ajoute que les dommages liés aux inondations sont appelés à augmenter. C’est ce qu’indique le réassureur dans une étude sigma publiée au début de l’année et dont le Journal de l’assurance a fait état dans son édition d’avril.

Swiss Re donnait deux raisons pour expliquer cette hausse des dommages : l’accroissement des biens assurés et les changements climatiques. Le réassureur s’attend d’ailleurs à ce que les effets des changements climatiques soient plus conséquents pour les dommages dus aux inondations que pour les tempêtes.