Les assureurs doivent rapidement améliorer leur efficacité en matière de collecte et d’analyse des données massives. Sinon, ils se feront doubler par les géants du numérique.
Les possibilités offertes par les systèmes d’analyse de l’information géospatiale sont une nécessité pour l’industrie de l’assurance, dit Jean-Sébastien Guy, directeur au Canada de Korem. « Pourquoi devriez-vous exploiter ce type de données? Tout simplement pour des raisons démographiques. »
La génération Y, qui est arrivée sur le marché du travail après l’arrivée de l’Internet dans nos vies, sera sous peu le segment le plus important de la population canadienne, si ce n’est déjà fait. Ils seront aussi les plus importants propriétaires fonciers d’ici 2025. « Ce sont eux qui formeront la majeure partie de vos clients. Vous devez apprendre à leur parler. »
Lors d’un sondage récent sur les habitudes d’achat, cette génération des gens nés dans les années 1980 a confirmé, à 51 %, effectuer au moins un achat par mois par l’entremise de l’Internet. Chez les 35 ans et moins, plus du tiers d’entre eux (34 %) rapportent des expériences positives avec leur assureur, alors que cette proportion passe à 55 % pour les clients plus âgés.
Des données sur l’endroit
« Les données et leur analyse ont une grande valeur, surtout en assurance », ajoute M. Guy. Même les 101 présidents de compagnies d’assurance qui ont participé à un sondage annuel reconnaissent leur importance capitale, à 79 %, au sommet de la liste de leurs préoccupations.
L’utilisation des données liées à la localisation permet aux assureurs de préciser la tarification des produits. « La composante liée à la géolocalisation est omniprésente dans les données. On la retrouve 85 % du temps », dit-il.
Avec des données géospatiales, on peut vérifier l’information sur la proximité du domicile à assurer d’une borne-fontaine ou d’une caserne de pompier, trouver les réclamations récentes dans le secteur, consulter les archives météorologiques pour y retrouver les épisodes liés à des sinistres, la distance de l’épicentre des tremblements de terre, les autres points d’intérêt comme la distance des sites d’entreposage de matières dangereuses, le taux de criminalité dans la localité, etc.
On peut même utiliser les données publiques du recensement pour y déterminer le revenu moyen dans le secteur, la population de la municipalité, le nombre de ménages et d’entreprises, le nombre de personnes qui viennent travailler dans cette ville durant le jour, etc.
Dans plusieurs localités du Québec situées hors des grands centres urbains, le code postal du client ne suffit pas à l’assureur à bien déterminer son risque. Le même code postal peut s’appliquer parfois à un large territoire. L’assureur ne peut donc se servir de ce seul indicateur pour détecter si le client habite dans une zone inondable.
« Une telle erreur fera en sorte que vous allez mal évaluer le risque de souscription de cette police », insiste-t-il. En connaissant le nombre de polices qui couvrent des commerces ou des résidences à proximité des zones inondables, l’assureur peut choisir de refuser d’ajouter ce client si sa couverture est déjà très élevée dans le secteur.
En faire plus grâce à la télématique
Si le Québec a pris du retard en la matière, il est en avance pour l’utilisation des outils télématiques en assurance automobile, constate M. Guy. Mais pour la tarification du produit, on ne peut se limiter à analyser les accélérations et les freinages. On pourrait jumeler à cette information les conditions météorologiques en cours durant le trajet. On peut aussi comparer le comportement du conducteur à celui des autres utilisateurs du réseau routier.
L’utilisation des données est déjà possible en assurance de dommages, mais on pourra aussi le faire en assurance de personnes. Un assureur comme Manuvie se dit prêt à offrir des rabais de prime aux assurés qui accepteront de partager l’information sur leur dossier de santé, en visant les gens qui prennent en main leur santé grâce à l’activité physique et à l’alimentation. « Il y a là tout en enjeu concernant l’invasion de la vie privée », reconnait-il. Mais en observant les tendances, on note que les « Y » savent déjà que les données sur leur vie privée qu’ils publient sur les réseaux sociaux sont accessibles. Ils sont prêts à subir un peu d’invasion de leur vie privée si on leur offre des produits personnalisés.
Les assureurs pourront mieux cibler le risque en tirant profit des technologies émergentes, non seulement en utilisant les données massives, mais aussi l’analytique, la géolocalisation, les objets connectés, etc. « La vraie valeur de ces technologies est de les intégrer dans votre processus de souscription, dans votre mise en marché », dit-il. Si le client veut modifier son portefeuille, on doit pouvoir lui répondre le plus rapidement possible.
Manque de collaboration des municipalités
Les élus municipaux ont montré peu d’enthousiasme dans le passé à collaborer avec les assureurs qui voulaient les aider à localiser les zones les plus fragiles lors d’un coup d’eau qui provoque des inondations ou des refoulements d’égouts. « L’enjeu demeure la donnée. Les municipalités possèdent assez peu d’information sur l’état de leurs infrastructures », indique Jean-Sébastien Guy. Selon lui, le manque de données fiables ne permet pas au gestionnaire de prendre des décisions éclairées.
Il souligne qu’il n’y a pas que les zones inondables qui sont à risque. On oublie trop souvent les problèmes liés aux glissements de terrain dans certains quartiers résidentiels construits sur des sols de mauvaise qualité, dit-il.