Collectif : la valeur des courtiers-gestionnaires explosera

Longtemps jugé trop lourd et peu rentable, le modèle des « courtiers-gestionnaires », c’est-à-dire des courtiers agissant également comme tiers administrateurs ou tiers payeurs, a été délaissé par les consolidateurs au profit de modèles plus agiles et faciles à rentabiliser.

Ce paradigme est toutefois en train de s’inverser. Avec l’essor de l’intelligence artificielle (IA), ce qui représentait hier encore une dépense devient aujourd’hui un moteur de croissance. Grâce aux avancées technologiques, les courtiers-gestionnaires pourraient bien être privilégiés par les consolidateurs.

Vu d’Europe : la tendance s’inverse 

En France, un courtier-gestionnaire est un cabinet qui vend des contrats d’assurance et en assure l’administration (adhésions, cotisations, sinistres, etc.), ce qui correspond au modèle canadien de tiers administrateur (third-party administrator – TPA) ou de tiers payeur (third-party payer – TPP), couplé du titre de courtier d’assurance.

Le tiers administrateur administre des contrats d’assurance collective pour le compte d’assureurs : il ne prend pas en charge les paiements, mais gère l’ensemble des aspects administratifs (gestion des réclamations, suivi des adhésions, mise à jour des dossiers). 

Le tiers payeur, lui, va plus loin : en plus des tâches administratives, il gère également les paiements, libérant complètement l’assureur de cette responsabilité. Ce sont donc des acteurs capables de prendre charge de tout le processus, de l’administration à la gestion financière des contrats. 

Dans un cas comme dans l’autre, d'où la pertinence d’employer un terme englobant comme courtiers-gestionnaires, cette gestion implique plus d’interactions, plus de données à traiter et donc naturellement plus de personnel pour prendre en charge les dossiers clients et autres réclamations que ne le nécessite un cabinet de courtage seulement. Cela pèse sur la masse salariale de l'entreprise, accroît la complexité et impacte logiquement la rentabilité.

En Europe, ce modèle a longtemps été perçu comme trop coûteux et difficile à rentabiliser, ce qui le rendait peu attrayant pour les investisseurs. Mais depuis deux ans, les données changent. 

Son nos observations, les multiples de valorisation pour les courtiers-gestionnaires ayant investi dans la technologie ont déjà augmenté de 20 à 30 % en France et en Allemagne. Et cette tendance commence à se faire sentir au Canada.

Qu’est-ce qui explique ce changement ? 

L’IA agentique change la donne  

La raison principale de ce revirement est l’essor rapide de l’intelligence artificielle et la mise à disposition d’outils simples à utiliser. Après avoir transformé l’industrie bancaire et le service à la clientèle, l’IA entre de plein fouet dans le monde de l’assurance. 

Parmi les avancées majeures, l’IA agentique (ou agent intelligent) représente une étape clé de cette révolution.

Contrairement à un simple agent de dialogue (chatbot), une IA agentique est capable d’agir de façon autonome : elle exécute des tâches complexes, apprend, s’adapte, et coordonne plusieurs actions pour atteindre un objectif. Couplée à des automatisations métier, elle orchestre des processus complexes avec des gains de temps considérables.

Appliquée à un cabinet de courtage-gestion, l’IA agentique permet d’automatiser une grande partie des opérations courantes. 

• La gestion des adhésions : lecture des formulaires, vérification des justificatifs, intégration directe dans les systèmes internes.
• Le traitement des remboursements : détection des doublons ou fraudes, déclenchement automatique du paiement. 
•  La communication proactive : relances intelligentes, notifications, réponses automatiques aux questions fréquentes. 

Ce qui nécessitait autrefois plusieurs jours de travail humain peut désormais être accompli en quelques heures, avec un taux d’erreur proche de zéro. 

De centre de coûts à moteur de croissance  

Dans un modèle traditionnel de courtiers-gestionnaires, chaque nouveau client nécessite plus de personnel. Avec l’IA agentique et l’automatisation, le paradigme change : les coûts sont concentrés en amont, lors de la mise en place initiale du système.

Une fois cette infrastructure déployée, chaque client additionnel peut être servi à un coût marginal quasi nul. La structure ne s’alourdit plus à mesure que l’activité croît, elle s’automatise.

Autrement dit, le cabinet de courtage-gestion se transforme en plateforme ayant un potentiel important d’extensibilité (ou de « scalabilité »; un calque de l’anglais communément employé). C’est exactement ce qui attire les investisseurs : un modèle où la croissance ne rime plus avec explosion des charges.

En Europe, plusieurs consolidateurs ont déjà repositionné leurs stratégies d’acquisition en priorisant les acteurs capables de démontrer ce levier technologique. 

La tendance est nette : les gestionnaires qui se sont dotés d’une stratégie d’automatisation et d’agents IA prennent une longueur d’avance. À l’inverse, ceux qui tardent à investir dans leur modernisation technologique verront leur valorisation stagner, voire diminuer. Tout cela pourrait bien se jouer dans les 24 prochains mois.

Transformation en cours 

L’IA ne remplace pas le courtier-gestionnaire. Elle le réinvente.

Dans un contexte de consolidation accélérée, la dynamique du marché s’inverse. Les courtiers centrés uniquement sur la vente perdent peu à peu l’avantage qu’ils avaient. Leur dépendance à des tiers pour la gestion, combinée à un faible différenciateur technologique, pèse de plus en plus sur leur valeur à la revente, qui tend à décroître.

À l’inverse, les courtiers-gestionnaires qui modernisent leur infrastructure avec l’IA et l’automatisation voient leur attractivité bondir. Ils maîtrisent l’ensemble de la chaîne de valeur, génèrent plus de marges, offrent une expérience client bien supérieure... et capteront désormais les multiples les plus élevés du marché. 

Cette tendance ne fait que commencer.