Faire appel à un consultant externe pour revoir ses pratiques d’affaires peut s’avérer payant à court terme pour le dirigeant d’un cabinet de courtage d’assurance de dommages. Les profits obtenus grâce aux gains de productivité réalisés peuvent lui permettre de relancer la croissance.
C’est ce qu’ont affirmé les panélistes de la conférence « Haussez vos profits par des gains de productivité », qui s’est tenue au Congrès de l’assurance et de l’investissement 2007, en octobre dernier. Pour Pat Durepos, président d’Alliance Assurance, il est inconcevable pour un cabinet de courtage de penser faire les choses comme elles se faisaient trois ans auparavant. C’est pourquoi l’entreprise fait régulièrement appel à un consultant externe pour remettre en question l’entreprise et ses manières de fonctionner.
« À chaque fois que nous avons entrepris cet exercice, nous avons été surpris par les résultats et par la participation de nos employés. On a trouvé des tâches redondantes et nous les avons éliminées. On a réaligné nos ressources au bon endroit et on a toujours redirigé les épargnes en ressources humaines vers la croissance organique. Regagner une efficacité est une chose, mais il faut rediriger cette efficacité en croissance organique. Autrement, notre entreprise ne produirait pas », dit-il.
Pour M. Durepos, entreprendre une telle remise en question n’est plus une option pour un courtier. « C’est devenu une nécessité pour rester dans les affaires durant ces années où les directs, Internet et autres augmentent de façon draconienne leur présence », mentionne-t-il.
Selon le président d’Alliance, entreprendre un tel exercice est ce qui lui permet de maintenir une marge de profitabilité parmi les plus hautes du Canada. « La première fois que nous avons entrepris cet exercice, nous avons eu peur de perdre des employés. Il s’agissait plus de notre perception des choses que de la réalité. Ces exercices sont devenus une partie importante de notre culture d’entreprise », révèle-t-il.
Stéphane Drouin, directeur performance d’affaires chez ING Canada, se spécialise dans ce type d’exercice. Il fonde son approche sur les performances d’affaires axées sur ce que le consommateur désire.
« On recherche ce que le client veut obtenir du courtier. La solution développée doit être adaptée au cabinet au sein de son propre environnement, en regardant comment on peut servir le consommateur. À partir de là, on remonte la chaîne de montage », explique-t-il.
Selon M. Drouin, les cabinets de courtage doivent toujours se mettre en mode de transformation, puisque les besoins des consommateurs évoluent toujours. « Il faut se maintenir à l’affût des modifications qui ont cours au sein de son environnement. Au bout du compte, il faut offrir un produit marquant qui sera capable de distinguer le cabinet », précise-t-il.
M. Drouin travaille sur quatre piliers avec son approche : la stratégie d’affaires, les ressources humaines, les façons de faire et la technologie. Travailler sur la stratégie d’affaires permet de voir ce que veut offrir l’entrepreneur à ses clients et comment il veut les desservir. Il pourra donc bien définir sa culture d’entreprise et voir quels sont ses concurrents dans son marché.
« Dans ce volet, on travaille sur l’entrepreneur lui-même. Certains dirigeants sont axés sur les services, tandis que d’autres le sont sur les volumes importants de transaction. Ce sont deux stratégies qui ont leur raison d’être. Il faut en tenir compte quand on lance un processus d’affaires. L’ensemble des activités qu’on lancera doit tenir compte de la réalité. En bout de piste, lorsqu’on complète un processus de transformation, l’entrepreneur doit reconnaître son entreprise. Elle doit être collée sur ses propres valeurs », insiste M. Drouin.
Il conseille ensuite de bien évaluer les ressources humaines de l’entreprise, car ce sont elles qui vont livrer la performance au bout du compte.
« Quel est le profil des gens que l’entrepreneur veut avoir? Les dirigeants de cabinets disent souvent qu’ils veulent avoir des courtiers qui vendront beaucoup. D’accord, mais est-ce que ça cadre bien avec l’entreprise? Le profil de compétence est aussi un élément intéressant pour le recrutement et le développement des ressources qui sont en place. Ça permet aussi d’investir dans la formation pour amener les gens à devenir plus performants au sein de l’organisation », dit-il.
M. Drouin affirme qu’il faut aussi voir si les ressources humaines en place cadrent bien avec la stratégie d’affaires de l’entreprise.
« On entend souvent des dirigeants de cabinets dire que c’est la croissance qui doit être le nerf de la guerre de leurs opérations. C’est un bel objectif, mais lorsqu’on constate que les employés sont axés sur le service, il y a un problème. Le cabinet n’a donc pas l’équipe pour atteindre les objectifs de l’organisation. On doit tout de même trouver comment travailler avec l’équipe en place pour lui donner les outils pour atteindre les objectifs de l’organisation», avance-t-il.
Par la suite, il convient d’observer les façons de faire de l’entreprise, soit sa méthodologie de travail, ses processus et ses opérations quotidiennes. À ce niveau, le consultant étudiera de quelle manière l’entrepreneur veut transiger avec le client, quelle est l’empreinte de l’entreprise et qu’est-ce qui permet de la distinguer des autres fournisseurs d’assurance.
« Ce n’est pas juste de la sémantique. Le tout doit être bien compris par les employés pour qu’ils soient capables de l’articuler. Quand ils parlent au client, ils doivent donc être capables de montrer la valeur ajoutée de l’entreprise », indique M. Drouin.
À ce niveau, il faudra aussi évaluer quelles sont les bonnes heures d’affaires et évaluer le temps investi dans l’entreprise. « Où j’investis trop? Où je n’investis pas assez? Il faut faire un tableau de bord de tout ça », souligne M. Drouin.
Côté technologie, il faut s’assurer de l’analyser d’une façon structurante, ce que trop peu d’entrepreneurs font selon M. Drouin. « Ce n’est pas la technologie qui doit définir les façons d’opérer. C’est après avoir défini toute la stratégie d’affaires qu’on choisit la technologie qui viendra s’y greffer. C’est un outil qui vient compléter la stratégie », dit-il.
Mesures
Selon M. Drouin, un élément important en gestion de la performance est la mesure. « On ne peut améliorer que ce que l’on peut mesurer. C’est essentiel d’avoir des indicateurs comme les volumes de primes par courtier, les unités de police par courtier, la compilation des ventes du mois et les ratios. Ils permettent de mesurer comment le cabinet peut avancer dans le temps », explique-t-il.
En plus de mesurer les transactions, il faut aussi mesurer le service. La plupart des cabinets ont cependant peu d’informations à ce sujet et encore moins en ce qui a trait aux plaintes, ce que déplore M. Drouin.
« Il faut voir si on livre la marchandise en termes de service, car ce que le client retiendra, c’est la mauvaise expérience. Si le client a un courtier attitré sur le dossier et qu’il lui répond tout de suite, il aura eu une bonne expérience. Mais s’il est parachuté, c’est un risque. C’est encore pire si c’est une boîte vocale, car le client la voit comme une expérience négative », fait-il valoir.
Parmi les gains réalisés avec un tel processus de transformation, M. Drouin note que certains cabinets ont vu leur temps de conversation avec leurs clients tripler. Dans un cas, un cabinet a vu son nombre de polices traitées doubler. Certains cabinets ont aussi pu profiter d’une croissance des ventes, d’une amélioration du climat de travail et d’une amélioration du service offert.
Éliminer les opérations inutiles
Keal Technologie offre aussi un tel service de consultation. Louise Blanchard, gestionnaire de projets spéciaux chez Keal, affirme qu’il faut prendre une photo de l’entreprise avant d’élaborer un projet de transformation. Il s’agit de voir comment les employés travaillent en posant des questions et en analysant ce qu’ils font.
« Dans ce projet, il faudra valoriser les bons coups. Il y a des gens ultra-performants dans chaque entreprise. On devrait faire de leurs façons de faire un modèle pour les autres personnes », mentionne-t-elle. Le premier aspect sur lequel travaille Keal est la nature de la technologie et son utilisation. « Il faut bien utiliser l’espace disque. Combien prend d’espace un document quand on le numérise. Comment choisir la bonne résolution? C’est une question qui semble anodine, mais si on met en place une technologie et qu’on ne donne pas des consignes d’utilisation à nos employés, on risque d’avoir une mauvaise surprise », prévient-elle.
Mme Blanchard souligne que l’entrepreneur doit même se demander combien lui coûte un mégaoctet de mémoire. Certaines opérations inutiles peuvent surévaluer nos besoins et ainsi coûter cher. Elle donne l’exemple d’un employé qui fait la double saisie des documents. Il faut alors calculer deux minutes par document, 40 fois par jour, donc 80 minutes par jour. Sur les 240 jours de travail que compte une année, ça représente 320 heures de travail. Calculé à un taux horaire de 20 $, on arrive à un total de 6 400 $ par année pour une opération qui n’apporte aucune valeur ajoutée.
Elle donne aussi l’exemple d’un employé qui notait à la fin de sa journée tout son travail accompli ce jour-là. Après analyse, on a découvert que cette opération ne lui avait été vraiment utile qu’une seule fois. À 30 minutes par jour sur 240 jours, l’employé y consacrait 120 heures par an. Au taux horaire de 16$, le cabinet dépensait 1920 $ par année.
« Si on multiplie tout ça par le nombre d’employés, ça peut faire une grosse facture. Les employés ne le font pas pour mal faire. Ils se dévouent à l’entreprise et ils veulent s’assurer que les choses se font de la bonne façon. Il faut donc penser à la règle des 30 secondes. Si ça prend plus de 30 secondes à faire, est-ce que ça vaut la peine de le faire? Est-ce que je peux le donner à un autre employé? Est-ce une activité à valeur ajoutée pour l’entreprise ou est-ce juste un contrôle de la qualité? », soulève-t-elle.
Mme Blanchard précise que toute technologie requiert un questionnement important. Elle ajoute que l’achat d’un appareil multifonctions peut ne pas être rentable s’il y a 20 employés qui font la file pour l’utiliser.
Une fois l’analyse des opérations et des technologies réalisée, il faut mettre le poisson dans la bonne eau selon Mme Blanchard. « Les vendeurs ne sont pas là pour faire de l’administratif et certains courtiers ne sont pas faits pour la vente. Une fois qu’on a fait le tour des opérations, on se permet de remettre les gens au bon endroit avec les bonnes habiletés », dit-elle.
Elle ajoute que rendre ses employés heureux permet de les garder, d’avoir un bon esprit d’équipe et d’avoir une meilleure rétention, de meilleures ventes et de meilleurs résultats en bout de ligne.