Trois joueurs énormes. Deux joueurs minuscules. Des milliards$ séparent ces deux groupes dans un marché que plusieurs qualifient d’oligopole. Malgré tout, la concurrence demeure très vive en réassurance vie au Canada!Depuis qu’Employers Re Corporation (ERC) a décidé de ne plus réassurer de nouvelles affaires d’assurance vie au Canada en 2004, le marché de la réassurance a atteint un degré de concentration sans précédent. Trois poids lourds … deux poids plumes.

Isolés dans leur camp de joueurs marginaux, Optimum Ré et SCOR Vie ne s’en donne pas moins le change. Bien que le premier tienne pour l’instant le haut du pavé à tous les niveaux, les deux rivaux sont proches.

Contre toute attente, ce secteur hyper concentré fait preuve de dynamisme. Mû par une croissance soutenue de ses affaires depuis quelques années, RGA Canada détrône maintenant Suisse de Réassurance en ce qui touche le volume de ses nouvelles affaires. C’est ce qu’indiquent les plus récentes données publiées par Muniche Re, dans son sondage annuel sur les volumes de réassurance et la production en assurance vie individuelle au Canada en 2006 (voir encadré).

En fait, RGA a engrangé 43,7 milliards$(G$) de nouvelles affaires, contre 37,5G$ pour Suisse de Ré, en 2006. Suisse de Ré a toutefois connu une meilleure croissance de ses nouvelles affaires que RGA, soit de 24,0% contre 19,6%, entre 2005 et 2006.

Pour sa part, Munich Re demeure le mastodonte de tête, avec 53,4G$ de nouvelles affaires réalisées en 2006, mais ce résultat représente plutôt un recul de 6,4% par rapport à 2005.

Il s’agit d’ailleurs du seul réassureur à avoir connu une décroissance de ses nouvelles affaires. Les deux petits joueurs que sont Optimum et SCOR, malgré un petit volume de nouvelles affaires, les ont vues croître respectivement de 3,7% et de 93,6%.

Par ailleurs, même si RGA ne domine pas son plus proche rival au chapitre du volume d’assurance vie en vigueur et de celui des primes encaissées, elle le surpasse en termes de croissance de ces deux indicateurs.

Son volume d’assurance vie en vigueur de 179,7G$ constitue une croissance de 21,4% en 2006 par rapport à 2005. Pour Suisse de Ré, son volume vie de 268 677G$ ne représente qu’une croissance de 7,2% en 2006 par rapport à 2005.

Quant au volume des primes brutes encaissées en 2006 par RGA, soit 417,1M$, c’est 11,0% qu’en 2005. Les 726,5M$ de primes brutes encaissées par Suisse de Ré en 2006 constituent quant à elles une croissance de 6,6% par rapport à 2005.

Munich Re, qui domine quant à ces deux indicateurs de volume, a connu une croissance de 7,0% de son volume vie par rapport à 2005, avec 363,1G$ en 2006. Le meneur a aussi encaissé 2,3G$ de primes brutes. Même si ce chiffre écrase ceux des concurrents (c’est plus que tous les autres joueurs réunis), il représente un recul de 4,0% entre 2005 et 2006.

En entrevue au Journal de l’assurance, Micheline Dionne explique qu’après quelques années de croissance exceptionnelle de ses nouvelles affaires, RGA continuera sa course. Mais il deviendra difficile de croître à la même vitesse, estime la vice-présidente principale et actuaire en chef chez RGA, un réassureur dont le siège social canadien est situé à Montréal.

« La croissance vigoureuse de nos nouvelles affaires dure depuis quelques années déjà. En fait, celles-ci sont passées de 24,3G$ en 2004 à 36,5G$ en 2005, pour atteindre 43,7G$ en 2006. C’est une croissance de 80% entre 2004 et 2006! »

Toute proportion gardée, RGA est un joueur récent au Canada, où il a commencé ses activités en 1992. Comment ce réassureur a-t-il réussi à se hisser dans la cour des grands en quelques années? « Mes deux plus importants compétiteurs mettent l’accent sur les plus grosses compagnies d’assurance. Nous desservons l’ensemble des assureurs peu importe leur taille et nous visons tous les créneaux d’assurance vie : émission simplifiée, assurance vie permanente, etc. Nous réassurons beaucoup de vie universelle mais aussi de la temporaire », énumère Mme Dionne.

De plus, RGA, dont les affaires se concentrent principalement en assurance vie individuelle, s’est récemment mis à tâter de l’assurance collective. « C’est une initiative nouvelle. En 2005, nous avons réalisé 21M$ en assurance collective, nous les avons augmentées à 33 M$ en 2006 (croissance de 57,1%)… En 2007, nous croyons ajouter un autre 10M$ à ce chiffre. »

Les maladies graves délaissées

En outre, RGA ouvre la porte à un retour dans le secteur des prestations du vivant, notamment en assurance maladies graves individuelle (voir encadré).

Par contre, si le marché s’apprête à gagner un joueur en maladies graves, il en a perdu un récemment : Optimum Réassurance. En entrevue, André Gaudreault, vice président principal, développement, a expliqué que Munich Re affiche une supériorité écrasante dans ce secteur.

« Il y a un manque de capacité dans ce marché. Tout le monde dépend de Munich Re. Nous ne pouvons nous mesurer à eux en maladies graves. Ce réassureur est le seul à avoir tous les éléments en main pour réassurer ce type de produits. Nous avons donc décidé de nous retirer du marché des maladies graves. Nous ne conserverons que les affaires actuellement en vigueur », a révélé M. Gaudreault.

Le vice-président au développement d’Optimum observe aussi que le marché actuel donne une grande concentration de risque dans les mains de peu de joueurs. Les trois grands contrôlent 75% du marché, fait-il remarquer en faisant référence au récent sondage sur le volume de réassurance au Canada en 2006, publié par Munich Re en février. « Lorsque l’on passe du troisième au quatrième joueur, il y a des milliards qui les séparent. Il n’y a plus de classe moyenne », opine-t-il.

Aussi, avec peu de nouveaux assureurs au pays, le marché se fait plus mature et la croissance est limitée. Pour sa part, Optimum Réassurance veut tirer son épingle du jeu en misant sur le service personnalisé.
Le réassureur mise aussi sur l’assurance collective et les produits plus pointus. « Nous n’avons pas la capacité de réassurer des polices de 2M$ par vie assurée. Par contre, nous pouvons tirer notre épingle du jeu en collectif, en assurance crédit et en assurance santé pour travailleurs expatriés. »

Selon les données fournies au Journal de l’assurance par MSA Research pour l’année 2006, le bénéfice net total des réassureurs vie a reculé de près de 8,56% entre 2005 et 2006. On dénote pourtant une importante croissance du bénéfice net chez certains joueurs. Chez Munich Re, par exemple, le bénéfice net est passé de 9,2M$ en 2005 à 86,8M$ en 2006. Une croissance de 843,07%!

Pour sa part, Optimum a fait croître son bénéfice net de 66,0%, en le faisant passer de 4,9M$ en 2005 à 8,2M$ en 2006.

RGA a aussi très bien fait, passant d’une perte nette de 6,2M$ à un bénéfice net de 14,5M$.

Pour leur part, les revenus de l’industrie de la réassurance vie au Canada prennent légèrement du mieux.

Pour l’année 2005, les données révélaient pour ceux-ci une chute de 5,7% entre 2004 et 2005. En 2006, ces données démontrent une croissance de 0,91% en 2006, par rapport à 2005.

Suisse de réassurance a connu une forte croissance de ses revenus en 2006, par rapport à 2005, soit 41,29%.

Retiré du marché, ERC continue tout de même d’enregistrer des revenus sur ses affaires en vigueur. Et ceux-ci ont crû de 33,6% par rapport aux 229,9M$ de 2005, pour s’établir à 307,1M$ en 2006.

Optimum a pour sa part connu une croissance de ses revenus de 10,8%, alors que ceux-ci sont passés de 253,3M$ en 2005 à 280,6M$ en 2006, surpassant ainsi RGA. « Nous avons réduit nos frais d’exploitation et fait croître nos revenus », se félicite M. Gaudreault.

La croissance des revenus de RGA s’est d’ailleurs montrée modeste, soit 1,64%, avec des revenus de 258,5M$ en 2006, comparés à 254,3M$ en 2005.

Chez Munich Re, les revenus se sont repliés de 6,9%, passant de 2,757G$ en 2005 à 2,567G$ en 2006.
Les revenus et les bénéfices demeurent des données très volatiles en réassurance vie. Il s’agit donc d’un indicateur à prendre avec un grain de sel, explique Micheline Dionne, de RGA. Plusieurs facteurs peuvent influencer les revenus d’une année à l’autre.

Par exemple, le réassureur dit avoir opéré beaucoup de « renforcement de réserves, l’an passé, pour juguler l’effet des bas taux d’intérêt et des règles de réserve un peu plus stricte à ce moment-là ».