Redonner aux courtiers la place qui leur revient dans le marché de l’assurance de dommages du Québec. C’est la mission que se sont donnés Stéphan Bernatchez et Isabelle Perreault, respectivement président et directrice générale du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ).Le Journal de l’assurance les a rencontrés pour discuter de leur stratégie au terme du dernier Congrès du Regroupement, qui s’est tenu à Montréal à la fin novembre. M. Bernatchez a précisé que le Regroupement est sur une belle lancée de croissance, ayant recruté 40 nouveaux cabinets au cours des six derniers mois.
« On veut protéger nos acquis en étant plus stratégique. On va donc accentuer les rencontres avec les politiciens, les régulateurs, les gouvernements et les députés. On va leur faire des représentations pour leur démontrer que les intérêts du consommateur ne sont pas assez pris en compte. On le voit avec la distribution sans représentant et l’assurance de remplacement entre autres. Il y a aussi beaucoup à faire sur d’autres dossiers. On veut avoir notre mot à dire », dit M. Bernatchez.
Comme exemple de dossier à attaquer, il cite la vente d’assurance sur Internet, qui n’est pas encore règlementée. « On s’imagine qu’une technologie va faire un meilleur travail qu’un humain. Le régulateur oblige à faire une collecte personnelle d’information. Internet ne fait pas cela. À l’époque, les législateurs voulaient s’assurer que le consommateur comprenne bien ce qu’il achète. On ne doit donc pas laisser un free-for-all s’installer », dit-il.
Iniquité provinciale
Autre dossier chaud : le président du RCCAQ compte démontrer au gouvernement que les institutions financières provinciales devraient être règlementées comme les institutions à charte canadienne. « Le consommateur doit avoir un vrai choix », dit M. Bernatchez.
À cet effet, le Regroupement compte attaquer le fond de l’application de la loi, mais pas la forme. « Un consommateur peut entrer dans une institution financière provinciale pour obtenir un prêt, mais se fait aussi vendre une assurance de dommages. Pour moi, c’est de la vente sous pression, ce qui est injuste pour le consommateur. C’est un gros morceau, mais si on laisse la locomotive aller, c’est le consommateur qui va en payer le prix », dit le président du RCCAQ.
Pour sa part, Mme Perreault se donne comme mandat de mobiliser et sensibiliser le réseau de courtage à ces différents dossiers. « Le réseau est très fort. Il faut en avoir conscience. Il représente la moitié du secteur de l’assurance de dommages au Québec. On veut donc travailler autant avec les membres qu’avec les décideurs publics pour que le réseau conserve la place qui lui revient », dit-elle.
M. Bernatchez précise toutefois que le RCCAQ ne cherchera pas la confrontation. « Nous sommes l’intervenant de l’industrie qui se préoccupe le plus du consommateur et de sa liberté de choix. Notre déontologie impose un devoir additionnel que celui des directs face au consommateur. On doit lui proposer le produit qui répond le mieux à ses besoins. Le courtier qui n’est pas à l’aise avec cela va sortir de notre industrie », dit-il.
Permettre la vente sur Internet sans l’aide d’un professionnel serait ainsi une erreur, selon M. Bernatchez. « On voit de plus en plus d’articles dans les journaux qui disent que les jeunes universitaires ont de la difficulté avec leur français. C’est une contradiction », dit-il. « Les contrats d’assurance sont des contrats complexes. Il faut s’assurer comme professionnel que le client comprend ce qu’il achète », ajoute Mme Perreault.
Attention à trop d’innovation
M. Bernatchez a aussi reconnu que l’Autorité des marchés financiers faisait du bon travail comme régulateur, en soulignant que l’organisme ne craignait pas d’innover. Toutefois, cette innovation ne doit pas se faire au détriment du consommateur, prévient-il.
« L’Autorité se présente comme un leader mondial de la règlementation, ce qui est bien. Elle vient d’ailleurs de signer une belle entente sur la mobilité de la main d’œuvre avec la France. Toutefois, pour ce qui est de la vente sur Internet, l’Autorité part sur une page blanche. Tant mieux si elle veut être innovatrice, mais Internet n’est pas tant utilisé que ça en assurance et c’est quelque chose de complexe. L’Autorité veut innover, mais elle ne doit pas laisser passer n’importe quoi », dit le président du RCCAQ.
Consultations
Mme Perreault fait aussi remarquer que l’Autorité a l’habitude de travailler en consultation, ce qui va lui permettre de connaitre tous les impacts de sa décision. Le RCCAQ souhaite ainsi travailler pour avoir une meilleure représentation provinciale. Le Regroupement n’exclut pas non plus de tenir une journée député à l’Assemblée nationale, comme le fait l’Association des courtiers d’assurance du Canada (ACAC) au Parlement à Ottawa.
C’est dans cette optique que le RCCAQ veut faire reprendre aux courtiers la place qui leur revient. « Le courtage n’est pas si connu que cela auprès des décideurs, fait remarquer Mme Perreault. On doit commencer à faire connaitre le courtage, ses professionnels et ses enjeux, mais toujours dans une optique où l’on doit prendre notre place. Pas en mode confrontation ». « On veut être écouté par l’Autorité, ajoute M. Bernatchez. Ce qu’on défend, ce sont les intérêts du consommateur, car il a besoin d’un service conseil. »
Le RCCAQ compte aussi se rapprocher de l’ACAC, une avenue déjà amorcée sous la présidence de Louise Mathieu, dit M. Bernatchez. Il souligne d’ailleurs que sa prédécesseure a livré un mandat exceptionnel et qu’elle a livré plusieurs dossiers. « Le Québec représente 24 % du membership de l’ACAC. Il faut qu’on soit présent », dit-il.
La relève
Le RCCAQ se penchera aussi sur le dossier de la relève. C’est un dossier que connait bien Mme Perreault, qui a contribué au déploiement de la Coalition pour la promotion des professions en assurance de dommages durant ses années de travail à la Chambre de l’assurance de dommages.
« Pour le courtage, c’est important, dit-elle. La courbe démographique fera en sorte que 26 % des courtiers auront entre 55 et plus, et que 14 % d’entre eux auront 60 ans et plus. Ce n’est pas rien. On doit être conscient qu’il y a là un défi pour demain matin. C’est une préoccupation pour les membres. »
Le RCCAQ maintiendra ainsi sa collaboration avec la Coalition pour pallier ce problème. Le Regroupement a aussi mis des initiatives en place, tels que ses cours Courtiers 101 et Courtiers 102, ainsi qu’avec la tenue de Courtiers en action, qui a rassemblé des étudiants de partout au Québec à la fin du Congrès du RCCAQ.
« On doit aller plus loin, dit Mme Perreault. On doit aller en région pour faire connaitre la profession. On doit aussi démystifier des choses, car il y a encore des gens qui pensent que le courtier fait du porte à porte. C’est moins pire qu’avant, mais le préjugé est toujours présent, surtout en région. Il y a beaucoup de progrès qui ont été fait et nous ne sommes plus à l’heure des vendeurs de balayeuses. » M. Bernatchez rappelle aussi que des courtiers travaillent sur le terrain pour promouvoir la relève du courtage en allant rencontrer des orienteurs d’écoles secondaires et des directeurs de cégeps.
Le RCCAQ continuera aussi de faire la promotion de la formation collégiale, car c’est ce que l’industrie recherche, selon Mme Perreault. Elle souligne toutefois que lorsque le régulateur évalue la courbe démographique, il constate le besoin de main d’œuvre de l’industrie. C’est aussi pour cette raison que le gouvernement attribue à moins de collèges l’attestation de diplôme d’études collégiales (DEC). La récente attribution du DEC en assurance de dommages au Cégep de Lanaudière est ainsi vue comme une importante victoire par Mme Perreault.
« Maintenant, pratiquement toutes les régions du Québec ont une formation en assurance de dommages, ce qui n’était pas le cas il y a cinq ans. Il se forme ainsi entre 900 et 1 000 nouveaux certifiés par année en assurance de dommages, ce qui a permis à l’industrie de faire face à sa croissance », dit la directrice générale du RCCAQ.