L’usage de la cigarette a diminué au Québec entre 2000 et 2018, en particulier chez les 16 à 19 ans, la cible jugée prioritaire dans la stratégie « Pour un Québec sans tabac 2020-2025 ». Toutefois, depuis 2020, on a assisté à une montée marquante du vapotage auprès du même groupe, les adolescents et les jeunes adultes. Est-on en train de surmonter une dépendance pour en créer une autre, celle de la cigarette électronique?
« Il ne faut pas nécessairement lier les deux phénomènes, croit Benoit Lasnier, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). La baisse de la consommation de la cigarette est observée depuis plusieurs années. Le vapotage est plus récent, particulièrement pour les produits actuels. Les données 2020-2021 montrent une certaine stabilisation. C’est très élevé comme prévalence chez les moins de 25 ans, mais c’est stable ».
En entrevue avec le Portail de l’assurance, Benoit Lasnier souligne que la toxicité de la cigarette électronique est moindre que le tabac, mais qu’elle n’est pas inoffensive. Selon ce spécialiste, beaucoup de jeunes qui vapotent ne savent pas que le produit qu’ils consomment contient de la nicotine, qu’elle en est sa teneur et qu’elle crée une dépendance comme la cigarette. Il faudra toutefois attendre encore plusieurs années avant de connaître ses répercussions sur la santé des vapoteurs.
Selon les données dont on dispose, ajoute l’analyste de l’INPSQ, on n’a pas l’impression que le vapotage conduit au tabac chez les jeunes, car peu d’adolescents (5 % des 15 à 17 ans) fument la cigarette. En outre, avec l’interdiction de certains arômes attrayants qui entrera en vigueur en juillet prochain, il s’attend à une baisse du vapotage. Le bassin de jeunes vapoteurs qui pourraient théoriquement passer au tabac devrait donc diminuer.
Baisse chez les jeunes fumeurs
Sur le plan des cigarettes, les nouvelles sont aussi encourageantes. On peut s’attendre à ce que la consommation de tabac continue de décroître, dit Benoit Lasnier. L’une des raisons majeures, c’est que l’on a assisté à une baisse progressive de son usage au Québec chez certains groupes, ajoute-t-il.
Les plus fortes diminutions entre 2000 et 2018 ont été constatées chez les 18 à 21 ans, qui auraient dû constituer les fumeurs de demain. Contrairement à beaucoup de générations antérieures qui ont commencé à fumer à l’adolescence, les jeunes nés après 1996 sont beaucoup moins enclins à toucher à la cigarette. On a cependant observé que la réduction du tabagisme chez les jeunes femmes a été plus faible que les jeunes hommes.
Facteurs de diminution
Dans son étude, l’INSPQ identifie trois facteurs qui seraient à l’origine de la diminution du tabac dans la population québécoise et auprès des adolescents :
- l’augmentation marquée du prix des paquets : « C’est un facteur déterminant, dit Benoit Lasnier. Les hausses des prix sont reconnues comme une des mesures les plus efficaces de lutte contre le tabagisme »;
- les environnements sans fumée, lieux publics, milieux de travail et même zones extérieures interdites aux fumeurs qui se sont multipliés grâce une réglementation serrée des autorités;
- les nombreuses campagnes de sensibilisation des dangers du tabac auxquels les jeunes ont été exposés de façon précoce, les restrictions sur la publicité et les multiples outils qui ont été mis à la disposition des fumeurs pour les aider à arrêter: aides pharmaceutiques, ligne téléphonique J’arrête, Centres d’abandon du tabagisme, le centre de messagerie texte pour Arrêter le tabac.
Durant longtemps, le Québec a formé l’une des provinces où l’on fumait le plus au Canada. Avec la baisse observée depuis plus de 20 ans grâce à ces mesures, le Québec se situerait maintenant en milieu de peloton. Le gros des fumeurs se situerait dans la quarantaine et la cinquantaine.
Benoit Lasnier croit que la consommation de tabac va continuer à diminuer dans le futur avec le vieillissement des fumeurs et une plus faible relève, ce qui finira par se faire sentir sur le nombre d’adeptes de la cigarette. Présentement, 15 % de la population au Québec fume toujours. Arrivera-t-on à un seuil de 5 % comme le visent certains pays ? Ce n’est pas impossible un jour avec le déclin progressif de la cigarette et du nombre de fumeurs, croit l’analyste de l’INSPQ.
Le vapotage chez les jeunes
Mais pendant que le tabac perdait du terrain, le vapotage gagnait en popularité. Introduit au Québec en 2011, la 4e génération de cigarette électrique est apparue sur le marché en 2018. Une forte hausse des ventes a été enregistrée de 2017 à 2020 même si le nombre de produits est passé de 493 à 230 depuis deux ans. Selon l’Enquête québécoise sur le tabac et les produits de vapotage 2020, 18 % des Québécois âgés de 15 à 17 ans et 15 % des 18-24 ans auraient fait usage de cigarette électronique au cours des 30 jours précédents. La cigarette électronique attire surtout les ados et les jeunes adultes de 25 ans et moins.
Le Conseil québécois sur le tabac et la santé, qui fait de l’accompagnement dans 90 écoles secondaires, s’alarme toutefois : il a reçu 16 demandes d’intervention dans des écoles primaires où de jeunes élèves y ont été vus à vapoter, certains en 5e année. L’organisme parle de nouvelle menace.
En raison de la grande vogue qu’ils suscitent, les produits de vapotage ont été récupérés par de grands fabricants de tabac comme British American Tobacco et Altria (Philip Morris) qui y ont vu une nouvelle niche. Ces géants de l’industrie les ont beaucoup transformés afin de les rendre plus attrayants pour les jeunes, avec succès comme l’a démontré la popularité du vapotage. Entre 2013 et 2019, l’utilisation de la vapoteuse chez les jeunes de 11 à 17 ans a quintuplé au Québec, passant de 4 % à 21 %. C’est un tiers des élèves du 4e et 5e secondaire qui vapotent, s’inquiète le CQSS.
Tant l’INSPQ que le Conseil se réjouissent de la décision très récente de Québec d’interdire tous les arômes (fruits, menthe, menthol, etc) autres que le tabac dans les produits à compter de juillet prochain. Ils ne devront pas non plus posséder une concentration en nicotine de plus de 20 milligrammes par millilitre.
Un sondage réalisé par la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC en 2021 révélait que 45 % des jeunes et jeunes adultes qui vapotent affirmaient qu’ils arrêteraient si les produits aromatisés n’étaient plus disponibles. La nouvelle réglementation pourrait donc avoir un effet très senti sur la consommation et sa clientèle.