Les assureurs peuvent projeter une hausse moyenne légèrement inférieure à 3 % par année des régimes privés d’assurance médicaments d’ici 2017. C’est ce qu’indique la plus récente étude d’IMS Brogan, dont des résultats ont été dévoilés au 16e colloque de Solareh.Frédéric Lavoie, directeur du remboursement chez Pfizer Canada, en a présenté les grandes lignes. Pour arriver à la projection de prix allant de 1,6 % à 2,8 % d’indexation annuelle, IMS Brogan a évalué l’incidence des médicaments génériques qui arriveront sur le marché bientôt. Il y a 57 médicaments dont le brevet viendra à échéance dans les prochaines années, et le prix de chacun d’eux et de leur générique a été modélisé. Les génériques devraient couter de 20 % à 25 % du prix du médicament d’origine.

On a aussi simulé l’impact de l’arrivée des 22 nouveaux médicaments d’origine, dont la majorité serait des produits de spécialité, souvent très chers. Enfin, comme les 55 ans et plus sont de plus en plus nombreux, on a estimé la croissance de la consommation liée au vieillissement. Les données recueillies par IMS Brogan représentent 70 % des réclamations présentées aux régimes privés.

Variations d’une province à l’autre


Dans le scénario de faible incidence accompagné d’une hausse moyenne annuelle de 1,6 %, le cout des médicaments atteindra 7,3 milliards de dollars (G$). À 2,8 % de hausse annuelle, ce même cout grimpera à 7,7 G$. C’est le scénario le plus probable, note M. Lavoie. Cette projection est faite pour l’ensemble du Canada, et il peut aussi y avoir de bonnes variations d’une province à l’autre et d’un groupe à l’autre.

 

Les réformes imposées par les gouvernements touchant le prix des médicaments, en plus de l’arrivée des génériques, auront une grande incidence sur le cout des régimes privés, indique M. Lavoie. Ce rythme d’indexation nettement plus raisonnable donnera le temps à tous les intervenants du milieu de trouver des solutions à long terme pour assurer la viabilité des régimes collectifs, conclut-il.

Certains intervenants du colloque de Solareh sont restés perplexes face à ces données. Jean-Michel Lavoie, directeur de produit, garanties de remboursement des frais de médicaments à la Financière Sun Life, a vu d’autres simulations où la moyenne était à 35 %. Il répète que le tableau diffère grandement d’une province à l’autre. « Il y a des génériques plus compliqués à manufacturer dont le prix va jusqu’à 80 % du prix du médicament d’origine. La projection d’IMS à 25 % me semble fort discutable. »

Frédéric Lavoie rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, le prix moyen des génériques était à 75 % du cout du médicament breveté. Même à 35 %, c’est une belle amélioration, insiste-t-il. « Au Québec, le régime public dispose de la clause du meilleur prix au Canada. Cet effet domino des limites imposées ailleurs au Canada profitera donc au Québec. »

Jacques Parent, vice-président principal, assurance collective de l’Industrielle Alliance, Assurance et services financiers, constate que les pharmaciens, au Québec, ont un peu augmenté leurs honoraires pour les médicaments génériques ces dernières années. M. Parent ne voit aucun problème à inciter les participants à prendre le médicament générique, car la majorité d’entre eux réagissent bien au traitement. « Il faut gérer les exceptions. On veut limiter les situations où la personne n’a pas le traitement optimal », dit-il.

Obliger les participants à utiliser le produit générique ne fait pas non plus l’unanimité. « Il faut se donner des paramètres pour le groupe; on peut prévoir des exceptions et vivre avec les extrêmes qui surviennent parfois », indique Jean-Michel Lavoie. De son côté, Frédéric Lavoie ajoute que le patient a le droit de choisir le médicament d’origine. « Le choix basé sur l’expérience et les connaissances est un principe important et il devrait passer avant les considérations financières », dit-il.

Le développement des connaissances ouvre la porte à une médecine personnalisée, où les soins seront donnés en fonction des caractéristiques génétiques du patient. Le professeur Jean-Louis Brazier donne l’exemple du venlafaxine. Cet antidépresseur passe par une enzyme située dans le foie. « Or, pour 10 % d’entre vous, cette enzyme n’est pas là. C’est l’enzyme qui métabolise la plupart des antidépresseurs. Si je traite tout le monde avec un antidépresseur, dès le départ il y en a 10 % qui sont en surdose. »

Par ailleurs, imposer des tests à tout le monde pour détecter les gens qui n’ont pas cette enzyme dans le foie pose un autre problème éthique. « Ce sont les mêmes personnes qui n’ont pas cette enzyme qui sont le plus à risque d’avoir des maladies dégénératives comme le Parkinson. Tenez-vous vraiment à le savoir? On touche là des enjeux qui sont très complexes », souligne M. Brazier.

L’impact des pénuries de médicaments


Les ruptures d’inventaires sont de plus en plus fréquentes dans l’univers du médicament, surtout chez les fabricants de génériques. Jean-Michel Lavoie indique que ces derniers n’ont pas le choix de les faire fabriquer à l’étranger.

 

« Le Canada est un pays très règlementé. Dans le contexte actuel, on veut le meilleur prix et on offre 100 % du marché au gagnant. S’il n’y a qu’un seul fournisseur retenu, celui qui gagne est content, mais tous les autres sortent du Canada faute de part de marché. Ils ne seront pas là pour prendre la relève si le fournisseur gagnant subit un pépin. On le voit dans les médicaments injectables, la formulation est très complexe, et le système n’a pas la latitude pour combler les problèmes quand ils surviennent », dit-il.

Jacques Parent ajoute que, si le fournisseur trouve un pays où on lui offre un meilleur prix pour ses pilules, il y a des chances pour qu’il favorise ce client au détriment des pays où les prix sont règlementés et moins élevés.