Pour Standard & Poor’s (S&P), la cyberassurance sera le produit d’assurance de dommages en vogue au cours de la prochaine décennie.
Toutefois, d’ici 2023, ses primes, tant en assurance qu’en réassurance, pourraient doubler dans certains segments de marché. Le passage au numérique de nombreuses entreprises explique pourquoi la demande en vient à surpasser l’offre, indique la firme de notation.
Cette dernière s’est attardée à la relation entre assureurs et réassureurs dans le marché de la cyberassurance. S&P estime qu’entre 35 % à 45 % des risques souscrits par les assureurs sont rétrocédés aux réassureurs.
Si ces derniers ont moins de réserves financières pour prendre en charge des risques, ils augmentent leur taux de réassurance. Idem pour les assureurs qui veulent acheter des couvertures de réassurance ou n’en trouvent pas, indique la firme de notation.
Ce qui contribue aussi à faire augmenter la tarification de la cyberassurance est la hausse des réclamations liées aux cyberattaques, tant en termes de fréquences que de gravité. Aon estime que le ratio combiné des assureurs œuvrant en cyberassurance aux États-Unis est passé de 74,5 % en 2019 à 95,4 % en 2020.
Comment assureurs et réassureurs dégageront-ils une rentabilité à long terme ? S&P affirme que les assureurs continueront de restructurer leurs offres de cyberassurance en augmentant de nouveau les tarifs et en ajustant leurs conditions de souscription, en particulier en ce qui a trait aux exclusions.
« Certains assureurs ont aussi l’intention de réduire davantage leurs limites de couverture, en particulier lorsque les contrats incluent des composantes d’hameçonnage ou d’interruption des affaires. De même, ils espèrent augmenter les niveaux des rétentions et des franchises jusqu’en 2023. Selon la région où le risque est à couvrir et selon leurs conditions de souscription, les assurés peuvent s’attendre à des ajustements de taux allant jusqu’à 100 %, car le niveau de risque a fondamentalement changé », peut-on lire dans le rapport intitulé Cyber Risks In A New Era : Reinsurers Could Unlock The Cyber Insurance Market.
L’importance des réassureurs pour les assureurs
Si S&P s’est attardée à la relation entre assureurs et réassureurs, c’est aussi parce qu’elle la juge clé au déploiement du produit de cyberassurance, et ce, tant au bénéfice de l’industrie que des assurés.
« L’expertise des réassureurs en matière de souscription et de modélisation des risques pourrait aider à développer ce marché. Si la cyberassurance doit répondre aux besoins des clients à l’avenir, il est plus important que jamais que l’industrie se concentre sur la différenciation des risques, une souscription solide et des services d’assistance. De tels services pourraient d’ailleurs permettre de récompenser les clients dont la cybergestion est forte », soutient S&P.
L’entreprise rappelle qu’il y a une grande demande pour des cybercouvertures. Pour la firme de notation, ce segment d’affaires sera l’un de ceux qui connaîtront la meilleure croissance en assurance au cours de la prochaine décennie.
« Les changements de modèles dans les réclamations, la montée des cybermenaces et l’énorme risque d’accumulation créent une occasion pour une plus grande capacité financière de réassurance. Le nombre de réassureurs et d’assureurs proposant une cybercouverture augmente en conséquence. Il est important pour les réassureurs d’offrir aux assureurs un soutien dans la gestion des processus de souscription et de gestion des risques pour le cyberrisque, comme ils le font pour les expositions aux catastrophes naturelles », indique S&P.
La firme de notation fait aussi remarquer que les souscripteurs en cyberréassurance sont devenus plus expérimentés et peuvent fonder leurs décisions sur des ensembles de données améliorés. Néanmoins, S&P considère que ses souscripteurs demeurent prudents quant à l’élargissement des limites d’assurance et des conditions de souscription.
« Compte tenu de la volatilité des cyberrisques, nous considérons que cette approche restreinte est appropriée et qu’elle indique une meilleure gestion des risques dans le secteur mondial de la réassurance. Nous constatons une forte corrélation entre la sophistication de la gestion des risques des assureurs et leur approche de la gestion du cyberrisque. De manière générale, les réassureurs sont des pionniers dans l’évaluation du cyberrisque grâce à leurs cadres de gestion des risques d’entreprise et grâce aux investissements qu’ils font pour bonifier leur expertise », estime S&P.
Un marché réservé aux grands joueurs
S&P estime en outre que ce sont surtout les grands réassureurs qui sont présents dans le marché de la cyberassurance. La firme de notation dit toutefois s’attendre à ce que les plus petits joueurs y fourbissent leurs armes sous peu, amenant une plus grande diversité dans la couverture des cyberrisques.
Le même défi qu’il y a 20 ans
Pour S&P, le principal problème du marché de la cyberassurance est le même qu’il y a 20 ans, alors que ce produit a fait son apparition aux États-Unis. Il s’agit d’un problème commun à toutes les catégories d’assurance, mais exacerbé par le manque de données historiques : comment tarifer adéquatement le risque lié à la menace cybernétique ?
« Le marché de la cyberassurance demeure petit et n’a pas encore atteint sa maturité. Cela offre aux réassureurs une occasion de croissance clé pour bâtir des relations à long terme avec les compagnies cédantes de risques », estime la firme de notation.
S&P ajoute que l’expertise des réassureurs en matière de souscription et une gestion sophistiquée des risques seront essentielles pour équilibrer la tarification de ce marché. « La différenciation des risques, qui signifie intégrer des normes de sécurité et lier les améliorations des niveaux de sécurité des informations des clients aux considérations de tarification, jouera un rôle clé dans le développement d’un marché durable », estime la firme de notation.
Sans oublier que le marché de la cyberassurance fait face à une demande croissante, mais avec des réserves financières limitées. Cette contrainte actuelle au niveau de la souscription est le grand danger guettant le développement du marché de la cyberassurance, estime S&P.
« Nous constatons actuellement une sous-offre dans certains domaines de la réassurance, de la rétrocession et du capital alternatif. Au fur et à mesure que le marché sous-jacent continue de croître, la demande de capital augmentera aussi dans la chaîne de valeur de l’assurance », indique la firme de notation.