Se faire demander un endosseur masculin pour obtenir un prêt. Refuser de diner seul avec elle, sous prétexte qu’elle est une femme. Ce sont quelques-unes des histoires d’horreur qui ont ponctué le parcours de Danielle Thibodeau, une pionnière du courtage d’assurance de dommages au Québec. Ses 47 années de carrière l’ont menée à la tête d’une entreprise qui employait une vingtaine de personnes.
[caption id="attachment_10089" align="aligncenter" width="610"] Danielle Thibodeau[/caption]
Le Journal de l’assurance s’est entretenu avec elle à la mi-juin pour faire le bilan de sa carrière et pour discuter de la place du courtage dans l’assurance, mais aussi de celle des femmes dans les fonctions de gestion de cette industrie.
Si c’était à refaire, Mme Thibodeau affirme qu’elle aurait exactement la même carrière. Elle dit qu’elle prendrait même les bouchées doubles pour que son cabinet soit plus gros.
Est-ce que cette implication a nui à la croissance de son cabinet? Bien au contraire, dit-elle. Elle souligne qu’après avoir remporté le prix Mildred-Jones, remis à la Femme d’assurance de l’année, les honneurs ont commencé à pleuvoir sur elle dans sa région d’Arthabaska, dans le Centre-du-Québec.
Un an après la réception de ce prestigieux prix, elle était nommée entrepreneure de l’année dans la région de Victoriaville, succédant à Laurent Lemaire, président de Cascades, en plus du titre de femme de l’année. « Le bénévolat vous est rendu un jour ou l’autre », dit-elle.
Malgré tout, les obstacles n’ont pas manqué sur sa route, d’autant plus qu’elle est une femme. En 1994, lorsqu’elle a été élue présidente du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), elle était la seule femme propriétaire unique d’un cabinet de courtage.
Elle relate qu’un seul président de compagnie avait accepté de diner seul avec elle. Il s’agit de Daniel Demers, qui dirigeait à l’époque La Boréale. « Les autres voulaient que je sois accompagné de mon exécutif restreint. Peut-être avaient-ils peur d’être vus seuls au restaurant avec une femme. Je ne sais pas… Mais c’est derrière moi et j’ai su percer à travers cela»,dit-elle.
Des assureurs ont d’ailleurs craint de ne pas se faire payer, lorsque qu’elle a acquis Landry assurances, après la mort tragique de son propriétaire, René Landry. « À l’époque, faire une enquête de crédit coutait 2 000 $. Des assureurs sont venus en panique pour voir qui les rembourserait. Je signais pourtant les chèques du cabinet depuis 9 ans. Je les trouvais épais, car le bureau fonctionnait avant sa mort! », dit-elle.
Autre exemple : en 1996, elle rachète un petit centre d’achats pour y loger ses bureaux. « Les banquiers m’ont tous demandé un endosseur. Deux banques m’ont même refusée parce que j’étais une femme. Un m’a même dit que j’allais vers la faillite! J’étais très fière de lui prouver le contraire », dit-elle.
Plus grande satisfaction
Mme Thibodeau ajoute que l’une de ses plus grandes satisfactions est d’être allée en commission parlementaire, notamment lors du dépôt du projet de loi 134, avec l’avocat André Bois. « Quand tu y vas, c’est pour défendre tes vues, mais aussi celles des générations futures. Ce fut une expérience extraordinaire. C’est très enrichissant d’y participer », dit-elle.
Elle déplore toutefois que les courtiers ne s’impliquent plus assez dans ce genre de dossiers. « Ils regardent passer la parade. On riait des caisses Desjardins quand on perdait 35 % du marché. C’est pourtant tout ce qui nous reste en assurance des particuliers », dit-elle. Elle note toutefois que certains se démarquent, soulignant au passage les contributions de Maryse Rivard et de Louis Bois.
Quant aux assureurs, elle reproche à certains de vouloir diriger les cabinets de courtage à la place des courtiers. « J’en ai fait venir un pour évaluer un partenariat financier avec lui. Toutefois, il voulait prendre le contrôle de la boite. Je n’avais pas besoin de cet argent, alors j’ai refusé. Le prêteur doit agir comme une institution financière, mais pas de là à venir gérer », dit-elle.
Comment aider les jeunes courtiers à se développer? Le mentorat pourrait être une belle piste de solution, selon Mme Thibodeau.
« Un assureur m’a un jour demandé d’aller aider un courtier. J’ai fait le ménage dans son bureau. Il y avait trop de chefs et pas assez d’Indiens. Avec du mentorat, on pourrait changer les choses. Il y a beaucoup de jalousie dans le réseau. Plusieurs voient leurs voisins uniquement comme des compétiteurs. Pour moi, je vendais la même chose qu’eux, mais sous des enseignes différentes. S’il y a un problème, on se réunit et on le résout. C’est ce qu’on aurait dû faire pour la garantie de remplacement. Au contraire, on voulait se tirer des roches à ce moment. Il faut trouver des moyens pour se réunir et avoir des groupes de discussion. Le mentorat est plus valorisant qu’un chèque qu’on ne peut dépenser », dit-elle.
Elle dit craindre que sans l’aide du mentorat, les petits bureaux de courtage viennent à disparaitre. « Les gros vont prendre le contrôle. Ce seront des machines à saucisses, comme les caisses l’ont été et le sont encore. Je suis néanmoins contente de voir qu’il se crée à nouveau des bureaux de courtage », dit-elle.
Pour elle, toute la différence se joue au niveau du service. « Il faut être disponible et garder le sourire. Un bon courtier donne du service. Même s’il est 16 h 35 et que le téléphone sonne, on répond. On ne laisse pas la personne tomber dans la boite vocale. Il faut aussi bien connaitre son produit et être aimable. Si on voit un client dans la rue, on le salue! », dit-elle.
Elle déplore que certains courtiers ne veuillent plus travailler le soir. « Le client n’a qu’à appeler un numéro 1800 et il parlera alors à un agent direct. Au moins, les services de réclamation sont ouverts 24 heures sur 24. C’est un gros plus. Malheureusement, ça a été fait parce que les directs le faisaient », dit-elle.
S’attaquer au service
Danielle Thibodeau a été présidente du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), au milieu des années 1990. Elle a aussi siégé pendant plus d’une décennie au conseil d’administration de la Chambre de l’assurance de dommages. Elle a participé aux débats entourant les grandes réformes législatives touchant le courtage, allant de la loi 134 à la loi 188, en passant par l’encadrement de la garantie de remplacement et la réforme de la gouvernance à la Chambre. Propriétaire d’un cabinet qui portait son nom depuis 1988, elle l’a vendu à l’automne 2010.
Mme Thibodeau a effectué d’innombrables heures de bénévolat au sein de l’industrie. Elle poursuivra dans la même veine, mais dans sa région d’Arthabaska. Elle continuera de siéger notamment au conseil d’administration de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska, établi à Victoriaville. Elle compte profiter davantage de ses quatre petits-enfants et faire des voyages.
L’ancienne présidente du RCCAQ commence sa carrière chez Gérard Hamel Assurances, à Victoriaville, en tant que secrétaire. Elle obtient son permis de courtier quelques années plus tard, en 1978. Elle quitte ce cabinet la même année, pour joindre Landry Assurances, aussi établi à Victoriaville et dirigé par René Landry. Ce dernier décède tragiquement en 1988, et Mme Thibodeau achète l’entreprise. Lorsqu’elle vend son cabinet en 2010, celui-ci possède alors un volume de primes avoisinant les 20 M$.
Elle ajoute que les courtiers sont passés à travers la vague des directs. C’est maintenant au service qu’ils doivent s’attaquer. « Le service n’est présentement pas assez personnalisé pour chaque client. On sent que la passion est moins là. Il y a beaucoup de fusions à venir. Pourtant, s’il n’y a pas de compétition, le consommateur va en souffrir. On en viendra à un monopole, comme Hydro-Québec. La plus grande menace pour le courtage est la concentration. Ça réduit le marché des courtiers, qui en viendront à ressembler à des directs », dit-elle.
En guise de conclusion, elle dit avoir eu une très belle carrière. « Je ne la regrette pas. Je conseillerais à n’importe quel jeune de se lancer dans le courtage, mais en lui faisant garder en tête que le contact humain fait la différence. S’il n’aime pas parler aux gens, qu’il n’aille pas en assurance », dit-elle.
Son parcours
Danielle Thibodeau a été présidente du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), au milieu des années 1990. Elle a aussi siégé pendant plus d’une décennie au conseil d’administration de la Chambre de l’assurance de dommages. Elle a participé aux débats entourant les grandes réformes législatives touchant le courtage, allant de la loi 134 à la loi 188, en passant par l’encadrement de la garantie de remplacement et la réforme de la gouvernance à la Chambre. Propriétaire d’un cabinet qui portait son nom depuis 1988, elle l’a vendu à l’automne 2010.
Mme Thibodeau a effectué d’innombrables heures de bénévolat au sein de l’industrie. Elle poursuivra dans la même veine, mais dans sa région d’Arthabaska. Elle continuera de siéger notamment au conseil d’administration de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska, établi à Victoriaville. Elle compte profiter davantage de ses quatre petits-enfants et faire des voyages.
L’ancienne présidente du RCCAQ commence sa carrière chez Gérard Hamel Assurances, à Victoriaville, en tant que secrétaire. Elle obtient son permis de courtier quelques années plus tard, en 1978. Elle quitte ce cabinet la même année, pour joindre Landry Assurances, aussi établi à Victoriaville et dirigé par René Landry. Ce dernier décède tragiquement en 1988, et Mme Thibodeau achète l’entreprise.