En 2004, après des années de procès, la Cour suprême tranche finalement en faveur de la saisie des fonds que Guy Thibault avait versés dans un régime d’épargne-retraite autogéré. C’est ce que l’industrie a appelé l’Affaire Thibault.La raison principale alors alléguée pour la saisie : pas d’aliénation du capital. Ainsi, M. Thibault pouvait retirer des sommes de sa « rente ». Impossible de considérer son régime comme un contrat de rente, tel que le prévoit le Code civil du Québec, statuait la Cour suprême.

Pourtant en 2002, l’Assemblée Nationale en votant le projet de loi 110, soit la Loi sur les assurances et d’autres dispositions législatives avait tenté de clarifier la question des retraits au sein d’un REÉR.

L’article qui devait éliminer les craintes, l’article 187, stipulait que « Une faculté de retrait total ou partiel du capital stipulée dans un contrat constitutif de rente n’empêche pas celui-ci d’être considéré comme un contrat de rente au sens de l’article 2367 du Code civil dans la mesure où la rente est constituée auprès d’une société de fiducie conformément à l’article 178 de la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne (L.R.Q., chapitre S-29.01) ou auprès d’un assureur […] ».

Le verdict dans l’affaire Thibault avait bien entendu semé le doute dans les esprits. Toutefois, à l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP), on tentait de se rassurer en rappelant qu’il s’agissait d’un REÉR autogéré et non pas d’un REÉR d’un assureur. L’ACCAP pressait néanmoins le législateur de clarifier une fois pour toutes la situation relative à l’aliénation du capital.

Intuition ou pas de la part de l’ACCAP, tout juste un an après la saisie du REÉR de Guy Thibault, une autre affaire a éclaboussé l’industrie de l’assurance. Revenant de nouveau sur la tortueuse question de l’aliénation du capital, un juge de la Cour supérieure autorisait alors la saisie d’un fonds distinct, cette fois, qu’un épargnant avait souscrit auprès de la Great-West.

Quelques semaines plus tard, dans une cause similaire, un autre juge donnait raison au débiteur. Considérant que le capital était aliéné puisque les primes payées font partie de l’actif de l’assureur, le juge avait tranché en faveur de l’insaisissabilité du REÉR. De quoi brouiller davantage les pistes.

C’est donc pour démêler ce sac de nœuds que la loi 136 a été adoptée en décembre 2005. Une loi qui revendique entre autres, la possibilité de faire des retraits ou des choix de placements, sans que le REÉR ne risque la saisie. Elle requiert cependant que le contrat soit conçu afin de permettre aux parties de connaître quels seront les versements futurs. « De plus, le montant de la rente qui sera servie périodiquement doit être, au moment de la conclusion du contrat, sinon déterminé, du moins déterminable en fonction de variables et selon un mode de calcul indiqués au contrat », peut-on lire.

Puis, afin de ne pas léser les individus qui ont souscrit leur régime avant le 6 décembre 2005, l’article 7 prévoit que les assureurs seront tenus de rembourser toute rente saisie avant cette date butoir.

« Tout contrat conclu avec une compagnie d’assurance ou une société de fiducie antérieurement au 1er mars 2006, qui a été offert au cocontractant à titre de contrat de rente et qui n’est pas conforme à l’article 2367 du Code civil, emporte dès sa conclusion l’insaisissabilité du capital accumulé comme si celui-ci avait été accumulé aux termes d’un contrat de rente.», précise le texte de loi.

L’assureur doit aussi rembourser tous les frais judiciaires et extrajudiciaires engagés par son client.

Quoi qu’il en soit, même si certains auraient peut-être à mettre la main à la poche, dans l’industrie tout le monde se réjouissait de pouvoir finalement dire que les REÉR étaient enfin devenus insaisissables!