L’inquiétude commence à se faire sentir dans les cégeps de Montréal à propos des programmes en assurance de dommages. Les inscriptions au diplôme d’études collégiales (DEC) en Conseil en assurances et en services financiers ont subi une baisse sévère par rapport à l’an dernier, au terme du premier tour. Dans la région de Québec, la demande se maintient.Après le premier tour d’inscription, le Service régional d’admission du Montréal métropolitain (SRAM), qui reçoit les demandes d’admission au nom des cégeps de la région de Montréal, n’a reçu que 72 demandes. Il s’agit d’une baisse de 33 % par rapport aux 107 demandes reçues en 2007. En 2006, le SRAM avait reçu 92 demandes d’inscription.

Autre fait inquiétant pour les cégeps : le nombre de demandes d’admission ne correspond pas au nombre d’élèves admis. Les cégeps perdent quelques joueurs entre les deux étapes. Par exemple, en 2006, sur les 92 demandes d’inscription enregistrées, 72 étudiants ont été admis. En 2007, on parlait de 107 demandes pour 89 admis. Cette année, parmi les 72 demandes recueillies, 51 d’entre elles ont été admises dès le premier tour.

Au Collège Sorel-Tracy, Fabienne Desroches, directrice générale et directrice de la formation continue, dresse un constat similaire. L’établissement a subi une baisse de 40 % de ses inscriptions au DEC en Conseil en assurances et en services financiers. Le Collège compte cependant de petites cohortes. Il a reçu dix demandes d’inscription en 2008, 16 en 2007 et 9 en 2006.

Mme Desroches mise sur le second tour pour récupérer des étudiants. Cette année, le programme de comptabilité-gestion a connu une hausse de ses inscriptions de 100 %. Elle croit possible qu’une partie de ces élèves bifurquent vers l’assurance en cours de route. Elle se dit néanmoins inquiète de la baisse des demandes d’admission dans la grande région de Montréal et dans son propre établissement.

Le Cégep du Vieux Montréal a aussi enregistré une baisse d’inscription. En 2006 et 2007, les premiers tours d’inscription ont rapporté respectivement 42 et 43 demandes. Cette année, seules 29 demandes ont été reçues.

Murielle Lanciault, directrice des études au collège, dit attendre les tours suivants pour redresser la barre. « On en a actuellement 29, mais on va en avoir plus lors des autres tours. On pense recevoir une quarantaine de demandes pour pouvoir admettre une trentaine d’élèves », indique-t-elle. Elle se dit inquiète de ce manque d’attrait pour l’assurance. D’autant plus que l’établissement qui recevra ses premiers finissants cette année a dû essuyer un taux d’abandon notable chez ses élèves.

« Le taux d’abandon est très important. Nous avions commencé en 2005 avec 24 étudiants et nous allons terminer en 2008 avec huit finissants. C’est beaucoup », déplore-t-elle.

Du coup, le Cégep du Vieux Montréal a mis en place un projet de recherche destiné à faire la lumière sur les raisons qui ont poussé ces jeunes à abandonner. Le but étant de voir si certaines mesures pourraient être prises pour remédier à la situation. De plus, Mme Lanciault s’interroge à savoir si des cours auraient pu rebuter les étudiants.

Pas de baisse à Québec

Bien qu’ils n’arrivent toujours pas à fournir à la demande des employeurs, les cégeps de la région de Québec n’ont pas subi de chute des demandes d’inscription cette année.

« Au premier tour l’an passé, nous avions reçu 105 demandes et c’est exactement le même nombre que nous avons cette année », indique Johanne Giguère, coordonnatrice du programme Conseil en assurance et services financiers au Cégep Sainte-Foy.De son côté, Lynda Higgins, coordonnatrice du programme du DEC Conseil en assurances et services financiers du Cégep Lévis-Lauzon, annonce une augmentation de 70 % du nombre des demandes d’inscriptions au premier tour, passant ainsi de 10 en 2007 à 17 en 2008. « Ça nous laisse présager 25 à 30 élèves à l’automne », croit-elle. Cette dernière a constaté que les deuxième et troisième tours permettaient de recruter un plus grand nombre d’élèves.

La région de Québec est-elle avantagée par le nombre d’assureurs qui y ont établi leur siège social? Muriel Lanciault, du Cégep du Vieux-Montréal, croit que oui.

« À Montréal, même si les assureurs sont présents, ils sont plus ou moins noyés dans la masse d’employeurs et d’industries présentes. En revanche, à Québec, l’assurance est un secteur d’emploi qui est tout aussi visible que le gouvernement », fait-elle remarquer.

Même si les collèges des environs de la région de Québec se démarquent, la pénurie de main-d’œuvre n’est pas chose du passé. Nombre de postes demeurent vacants, y compris dans la Capitale nationale.

En ce qui a trait aux postes d’agents, de souscripteurs, d’experts et de courtiers, il était question de 1  300 postes vacants entre 2006 et 2008, selon un sondage commandé par la Coalition pour la promotion des professions en assurance de dommages il y a deux ans. Les nouvelles prévisions à cet égard seront divulguées lors de l’assemblée générale de l’organisme le 19 juin prochain. « On ne connaît pas encore les résultats pour 2010, mais on voit que la tendance à la hausse se maintient », indique Robert LaGarde, président de la Coalition.

De plus, avec l’expansion des assureurs québécois dans le reste du Canada, la région Québec-Appalaches aura près de 3  000 postes de cadres à combler dans le domaine des services financiers d’ici cinq ans, note M. LaGarde.

Vu cette expansion hors Québec, les assureurs doivent en plus trouver du personnel bilingue. Prenant les devants, le Cégep Sainte-Foy a mis sur pied un programme d’enrichissement des habiletés en anglais. Le collège propose entre autres des stages d’immersion en langue anglaise à ses étudiants.

Promouvoir l’industrie

Pour attirer la nouvelle génération, il va falloir lui parler d’avancement de carrière, croient les directrices de programmes en assurance. La diversité des postes doit être mise de l’avant, ajoutent-elles. « Les conditions de travail ne sont pas connues. Les gens pensent qu’ils vont faire un petit salaire et qu’il n’y a pas de possibilités d’avancement », constate Fabienne Desroches, du Collège Sorel-Tracy.

Il est essentiel pour ces jeunes de savoir qu’ils peuvent évoluer au sein de l’entreprise, croit Johanne Giguère, du Cégep Sainte-Foy. « Ils savent qu’ils peuvent être agents et experts, mais ils veulent savoir quelle évolution de carrière ils peuvent envisager », souligne-t-elle.

À l’unisson, les cégeps interrogés par le Journal de l’assurance saluent le travail effectué par la Coalition pour la promotion des professions en assurance de dommages. Autre preuve que l’organisme est apprécié : lors de la campagne de financement 2006-2007, la Coalition a dépassé l’objectif qu’elle s’était fixé de 22 %. Elle a reçu 320 000 $, alors que son objectif était de récolter 250 000 $. L’exédent a permis à la Coalition de s’offrir une campagne publicitaire télévisée sur une chaîne destinée aux jeunes, précise Robert LaGarde. Un autre organisme, l’Association de la relève en assurance du Québec (l’ARAQ), intervient un cran après la Coalition. L’ARAQ propose aux étudiants du niveau collégial ou universitaire, ainsi qu’aux jeunes professionnels, de s’impliquer dans le milieu, de participer à des activités de formation continue ou à des cocktails, afin de bâtir des réseaux de contact.

« Les jeunes veulent trouver un emploi, et l’ARAQ, c’est un bassin d’employeurs. Vu la pénurie de main-d’œuvre, on fait l’arrimage entre les compagnies et les institutions académiques », explique Karl Bélanger, président de l’ARAQ, à Québec. Ce dernier se dit satisfait des retombées des événements qu’organise l’Association, mais déplore le manque d’entrain et de participation des acteurs au niveau des services financiers, qui a pourtant les mêmes besoins de main-d’œuvre que le secteur de l’assurance de dommages.