Johanne Blais prône l’importance des saines habitudes de vie dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Elles permettent tout autant de réduire la consommation des médicaments, délestant ainsi les régimes collectifs, que de limiter les problèmes de santé qui nuisent à la productivité des employés.Invitée au 15e colloque Solareh, la Dre Johanne Blais, et professeure titulaire de clinique à l’Université Laval et collabore également à l’émission RDI Santé, de même qu’au blogue de l’émission sur le site de Radio-Canada.
Elle rappelle que la masse musculaire diminue en moyenne de 35 % entre 21 et 70 ans, que l’inactivité physique est aussi dommageable pour le cœur que de fumer un paquet de cigarettes par jour, et enfin que la pratique de l’activité physique régulière permet de diminuer la tension artérielle plus efficacement que ne le ferait un médicament.
En 2020, à travers le monde, le nombre de personnes atteintes du diabète de type 2 atteindra 250 millions, soit deux fois plus qu’en 1988, essentiellement à cause des problèmes d’obésité ou de surpoids.
Le nombre de décès causés par les maladies coronariennes a baissé entre 1980 et 2000, tant chez les hommes que les femmes de 25 à 84 ans au Canada, soit 341 745 décès en moins. Près de la moitié de cette baisse, soit 47 %, est attribuable aux traitements, ajoute Johanne Blais. Une autre part de 44 % est liée à la prise en charge des facteurs de risque : cholestérolémie, tension artérielle, tabagisme, inactivité physique. Par contre, durant la même période, on note une augmentation des cas de diabète (+10 %) et d’obésité (+8 %).
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont connus, dit-elle, mais il faut aussi faire attention à l’ICT, soit l’ischémie cérébrale transitoire, dont les symptômes apparents doivent être rapidement détectés si l’on veut éviter l’AVC. La présence d’un caillot bloque l’irrigation du cerveau et on peut le détecter par des problèmes soudains de mémoire ou d’élocution.
Il existe de nombreux facteurs de risques, des maladies coronariennes et pour plusieurs d’entre eux, la médecine ne peut faire grand-chose : l’âge, le sexe, l’hérédité sont autant d’éléments que l’on ne peut modifier. D’autres facteurs peuvent être modifiés et limités : le mauvais cholestérol élevé (LDL), le bon cholestérol bas (HDL), le diabète et l’hypertension peuvent être maitrisés par la médication. La sédentarité, le surplus de poids, le tabagisme, l’alcool et le stress sont associés aux habitudes de vie les plus nuisibles et que l’on peut changer. L’amélioration de ces indices a une grande influence sur les autres facteurs de risque. Par exemple, l’amélioration du taux de HDL n’est possible que par l’activité physique.
Tabac et alcool
Le chercheur S. Yusuf et son équipe ont publié les résultats d’une très grande enquête dans la revue médicale Lancet, en 2004, sur les facteurs de risque associés aux maladies coronariennes, menée auprès de plusieurs milliers de patients dans 52 pays. Consommer plus de fruits et légumes, l’activité physique régulière et la consommation modérée d’alcool sont les trois éléments les plus notables.
Le tabagisme est au premier rang des habitudes de vie les plus nuisibles, et la Dre Blais constate que la proportion de fumeurs chez les jeunes femmes demeure élevée, « car elles pensent que ça les aide à maigrir ». Pour l’alcool, les quantités recommandées sont bien connues : une à deux consommations par jour, avec un maximum de neuf par semaine pour les femmes et de 12 pour les hommes. « L’alcool aime le gras, c’est pour ça que les femmes doivent boire moins d’alcool, dit-elle, surtout pour réduire la prévalence du cancer du sein. » Et elle précise en rigolant que le verre de vin, c’est 125 ml, pas le grand verre qui peut contenir une demi-bouteille.
Alimentation et activité physique
La combinaison de la sédentarité et de l’augmentation des portions dans les chaines de restauration rapide contribuent évidemment à l’augmentation de l’obésité.
En 1900, la dépense énergétique quotidienne était d’environ 2600 calories, et l’on comptait alors 5 % d’obèses dans la population. En 1950, la dépense avait chuté à 2300 calories, et le pourcentage de cas d’obésité avait grimpé à 20 %, tandis qu’en 2000, un tiers des gens ont un surplus de poids, alors que la dépense énergétique quotidienne moyenne n’est plus que de 2100 calories.
Peu importe le pays, les statistiques montrent un lien direct entre le nombre d’heures passées devant un écran de télé ou d’ordinateur avec le surplus de poids chez les enfants. « Les Amish marchent en moyenne 18 000 pas par jour, contrairement à 5000 pas pour le Nord-Américain moyen », dit-elle.
Les bienfaits de la marche
Il faut marcher au moins 10 000 pas par jour, suggère-t-elle, mais ça peut être plus pour les enfants (12 000 à 16 000 pas/jour) et les gens ayant un surplus de poids (15 000 à 18 000 pas/jour). Elle offre d’ailleurs un podomètre à ses patients pour les aider à mesurer le nombre de pas qu’ils réalisent quotidiennement. « Jouer au golf, c’est bien, mais il faut marcher le terrain, pas se promener en voiturette, dit-elle. C’est encore mieux si on joue mal, car on marche encore plus. »
Mieux manger, dormir plus et faire de l’activité physique compensent l’apport énergétique. L’évolution de l’indice de masse corporelle (IMC) chez les 18 ans et plus est préoccupante, tant aux États-Unis qu’au Canada, où l’on voit une proportion de plus en plus élevée de personnes ayant un IMC de plus de 30. Il faut maintenir l’IMC en bas de 25. On l’évalue par le poids en fonction de la grandeur du patient, mais le tour de taille doit aussi être considéré. L’IMC entre 21 et 23 doit être visé.
D’ici 2030, on prévoit une hausse de 72 % des cas de diabète au Canada, comparativement à 2000. Le stress nuit à la qualité du sommeil, ce qui contribue à la détérioration de la santé mentale, dit-elle. Le mode de vie favorisant la connectivité perpétuelle n’aide pas beaucoup les gens à s’endormir, car la lumière des écrans est un puissant stimulant. Dre Blais fait rigoler la salle en demandant combien de gens s’endorment avec leur téléphone intelligent sur la table de nuit. Plusieurs mains ont été levées.
Des recommandations
Quand elle rencontre ses patients en clinique, Johanne Blais leur fait des recommandations afin de les aider à améliorer leur état de santé. « Ils peuvent avoir de l’aide pour arrêter de fumer, et le traitement est même souvent couvert par leur assurance collective. » Il faut se donner une date où l’on arrête de fumer et utiliser tous les moyens mis à sa disposition pour y arriver. Il faut aussi diminuer la consommation d’alcool, s’il y a lieu. Car si le vin rouge a des effets bénéfiques, il cause aussi d’autres problèmes, notamment par son apport en calories.
Le régime alimentaire faible en gras et pauvre en sel est privilégié, par exemple la diète méditerranéenne, qui suggère de manger beaucoup plus de portions de fruits et de légumes, plus de poissons et moins de viande rouge. Pour simplifier la recommandation, Johanne Blais montre l’assiette idéale, remplie à moitié par des légumes (cuits, crus ou en salade), un quart de viande, volaille, poisson ou légumineuses, et un quart de patates, riz, pâtes ou pain. Et boire beaucoup plus d’eau.
L’effet thermique des aliments culmine une heure après les repas, et les protéines et glucides du repas se transforment en gras si l’on favorise le sofa à la marche à l’extérieur. Dre Blais insiste sur les bienfaits de l’activité physique, au moins 150 minutes par semaine de marche énergique, ou 75 minutes d’activité physique intense, ou encore mieux, une combinaison des deux. « Quand vous courez ou marchez, prévoyez des moments où vous accélérez la cadence pour augmenter le rythme cardiaque. » Si l’on veut tirer un plus grand bénéfice de l’activité physique, on peut doubler la durée indiquée ci-dessus.
Dépense énergétique
À intensité modérée, les 30 minutes d’activité physique par jour permettent de dépenser l’énergie consommée par les aliments. Cette dépense énergétique correspond à 20 minutes de vélo, 15 minutes de patins à roues alignées, 3 000 pas. Mais aussi à 10 croustilles ou un verre de vin. « Si vous vous récompensez à la fin de votre activité par un collation de ce genre-là, vous ne verrez guère de différence », dit-elle.
Pour les assureurs, la connaissance des risques de santé associés à l’âge est une nécessité. Le risque coronarien, d’AVC, de diabète de type 2, de cancer du côlon ou du sein, la capacité respiratoire et musculaire sont directement influencés par l’âge.
Les couts de santé sont directement corrélés au caractère actif (1 019 $/an) ou sédentaire (1 349 $/an). Le cout d’un pontage coronarien est considérablement plus élevé pour l’assureur d’un régime collectif que la contribution à un régime d’exercice qui permet de se maintenir en santé. « Le pontage n’est pas une guérison, car bien des gens pensent qu’ils n’ont plus besoin de faire attention après leur opération. »
En matière de stress, Johanne Blais y va de ces astuces. « Il faut s’arrêter au moins une fois par jour pour prendre conscience du temps. Pour en profiter, on peut adopter une technique de relaxation, ne serait-ce que par de profondes respirations. Plus important encore, il faut apprendre à lâcher prise, se faire plaisir de temps en temps, prendre des vacances et se garder du temps pour soi. »