Le Grand Défi Entreprise a compté une majorité d’hommes parmi les participants, « ce qui nous a surpris, raconte Natalie Alméras, de l'IUCPQ. Quand on fait des appels à tous pour les projets de recherche menés par l’Institut, on obtient généralement 80 % de femmes qui participent ».

La majorité a un surplus de poids et la moyenne d’âge est de 45 ans. Un bon nombre des participants ont un tour de taille supérieur à ce qui est souhaitable, chez les hommes, la limite est de 90 cm, et elle est de 85 cm pour les femmes. On comptait 15 % de fumeurs parmi le groupe, ce qui est un peu inférieur à la moyenne québécoise.

Pour évaluer la qualité nutritionnelle, l’équipe a utilisé un questionnaire classique reconnu à l’échelle internationale. Sur une note de 100, on a augmenté de 9 points le résultat au fil du programme. On a diminué de 60 % le nombre de personnes qui montraient un risque élevé dans leur alimentation. Le nombre de personnes qui sont passées dans la catégorie « risque modéré » a augmenté de 130 %.

Pour l’activité physique, on avait un groupe comptant 11 % de personnes sédentaires, et 53 % des gens menaient entre 30 minutes et 5 heures d’activité physique par semaine. « On a diminué de 74 % le nombre de gens qui étaient parfaitement inactifs. On a donc tout de même un petit pourcentage de gens qu’on n’arrive pas du tout à mobiliser. »

Quel a été l’impact sur la santé cardiorespiratoire? Le plus tangible est le rythme cardiaque. « On a obtenu une réduction de deux battements par minute au repos. Le cœur économise quatre battements par minute au deuxième palier d’effort, en fonction d’un test standardisé à l’effort, soit une marche de 5,6 km à l’heure sur une pente de 2 %. »

Quant à l’impact physiologique sur la santé, « on parle d’une perte moyenne de deux kilos, un peu moins de cinq livres. Ça ne semble pas énorme, mais parce qu’on a été mobilisé durant trois mois à pratiquer de l’activité physique, la masse perdue est vraiment du gras. On sait que lorsqu’on mène une diète classique, on perd un tiers de masse maigre pour deux tiers de gras », relate Mme Alméras.

Il y a eu perte de poids pour 78 % des participants, certains ayant perdu jusqu’à 15 kilos. Ceux qui ont pris un peu de poids sont majoritairement les fumeurs, qui ont pris 2 ou 3 kilos. Quand on cesse de fumer, on prend généralement beaucoup plus de poids, on parle de 8 à 10 kilos, dit-elle. Le résultat le plus intéressant est la réduction moyenne de 4 cm du tour de taille chez 90 % de nos répondants. Même les fumeurs ayant pris du poids en arrêtant le tabagisme ont réussi à réduire leur tour de taille, souligne-t-elle.

Le programme s’est aussi traduit par une diminution de 50 % des gens classés dans les hypertendus, autant pour ceux dont le problème était inconnu que pour ceux dont la tension demeure instable, malgré la médication. « C’est comme si on leur avait enlevé deux médicaments à prendre tous les jours pour le reste de leur vie. »

Pour le diabète, on a diminué le risque, et, fait intéressant, les gens dont le diabète était traité ou non traité ont obtenu le même résultat que celui qui découle de la prise d’un médicament hypoglycémiant. Le bilan lipidique de l'échantillon s'est aussi amélioré. « On s’amuse à dire qu’on a baissé l’âge du cœur de 2,5 années en trois mois d’activité. Les gens ont rajeuni leur cœur en baissant leur hypertension et leur tour de taille, autant d’impacts physiologiques sur la santé du système vasculaire. »

Évaluation santé

Le Grand Défi Entreprise comprend un volet éducation, qui s’adresse autant aux travailleurs qu’à l’employeur. On sensibilise l’employeur à la nécessité de favoriser un environnement de travail plus conforme aux saines habitudes. On veut qu’il soit en mesure d’adapter cet environnement au fur et à mesure que la demande des employés s’exprime. Des conférences sont offertes au personnel pour le sensibiliser au besoin de passer à l’action et pour lui faire part des résultats de l’évaluation faite à différentes étapes du programme.

L’équipe de l’IUPCQ arrive sur le lieu de travail avec son unité mobile d’évaluation. Celle-ci est fort bien équipée et permet d’informatiser toutes les évaluations personnalisées, dont on garantit la confidentialité. Douze professionnels de la santé participent aux différentes étapes. À l’avant, on mise surtout sur des mesures cardiométaboliques, avec un questionnaire médical sur les habitudes alimentaires ou l’activité physique et un prélèvement sanguin. « On a un laboratoire qui analyse tout cela et qui produit les résultats à la fin du processus, qu’on peut remettre à l’employé. »

On mesure les données anthropométriques, le poids, le pourcentage de gras et le tour de taille (qui « est vraiment notre préoccupation principale; le médecin a un gallon à mesurer autour du cou avec son stéthoscope »). Le parcours dirige l’employé vers l’unité cardiorespiratoire, où l’on peut mesurer la résistance à l’effort sur un tapis roulant. Des gens sont là pour surveiller le rythme cardiaque et la tension artérielle, et on mesure le VO2Max, soit la capacité à l’effort selon divers paliers de difficulté.

Le parcours se termine avec un professionnel de la santé qui remet et explique à chaud les résultats du rapport personnalisé. L’employé repart avec le bilan de son état de santé et il sait où il se situe à l’égard des facteurs de risque pour sa santé. « On évalue l’âge vasculaire, c’est-à-dire le degré d’usure du système cardiovasculaire. On suggère évidemment des recommandations, des gestes quotidiens que l’employé peut poser pour améliorer son état de santé. On n’impose rien : l’employé doit être volontaire si l’on veut changer les habitudes de vie. Tant que l’employé n’est pas d’accord pour supprimer tel élément de son alimentation, on essaie de lui proposer autre chose, jusqu’à ce qu’il soit prêt à modifier d’autres paramètres. »

L’entreprise aussi obtient un rapport dépersonnalisé où l’on détermine le pourcentage de risque en fonction des différents facteurs mesurés : adiposité, hypertension, diabète, etc. chez les employés qui ont accepté volontairement de participer à l’évaluation. La campagne de mobilisation dure trois mois. On crée des équipes de cinq personnes qui peuvent s’entraider dans leur parcours, « ce qui a bien plus d’impact sur le succès qu’une diète classique où l’on impose tel régime et telles restrictions ».

On essaie d’avoir un fumeur par équipe, et on mesure le succès, tout comme le tour de taille de l’équipe. À la fin du trimestre, un prix de participation est offert par l’employeur. Cette mesure incitative externe est importante, mais il ne faut pas insister là-dessus, dit-elle. L’important est de mobiliser les employés et de créer un contexte amusant qui fera en sorte que, durant le trimestre que dure l’exercice, on aide les gens à prendre conscience de leur état de santé et des gestes qu’ils peuvent faire pour diminuer les risques.

Natalie Alméras note qu’à l’IUCPQ, on voit des gens de plus en jeunes arriver à l’urgence dans des conditions cardiovasculaires critiques. « Aujourd’hui, on en voit toutes les semaines qui ont à peine 40 ans. » Tendance plus inquiétante encore, les problèmes d’obésité, d’hypertension et de diabète frappent les jeunes de moins de 20 ans. « C’est cette génération qui arrivera sous peu sur le marché du travail. »

Certes, l’incidence du tabagisme a été réduite, et les problèmes de cholestérol sont mieux gérés qu’avant, tout comme la tension artérielle. Mais ces progrès ont été obtenus au prix d’une consommation accrue de médicaments et au recours plus fréquent aux services de santé. Depuis les années 1990 et 2000, les professionnels de la médecine ont vu se conjuguer plusieurs problèmes de santé : surplus de poids, hypertension et glycémie élevée, que l’on a réunis sous le vocable de « syndrome métabolique ». L’hypertension est devenue un « meurtrier silencieux », car de nombreuses personnes en souffrent sans le savoir, faute d’avoir accès à un médecin de famille. Plus de 35 000 nouveaux cas de diabète sont déclarés chaque année, et cela a un impact direct sur le système cardiovasculaire.