L’acquisition d’une copropriété, l’investissement le plus important d’une vie pour bon nombre de citoyens, n’est pas exempte de risques financiers. L’Institut canadien des actuaires (ICA) vient de publier un document exposant les mauvaises et coûteuses surprises qui attendent les copropriétaires mal informés ou qui ne prennent pas la peine de s’intéresser à la gestion de leur association de copropriétaires. Pour éviter le pire, une piste existe. 

L’Institut donne ainsi suite à une étude publiée en 2022 qui indiquait notamment que les fonds de prévoyance sont largement insuffisants dans le cas de plusieurs immeubles et complexes. Dans son nouveau document, Pérennité de l’infrastructure des copropriétés, l’ICA juge que plusieurs propriétaires ou acheteurs potentiels, malgré tout leur bon vouloir, pourraient ne pas être suffisamment outillés pour bien comprendre la valeur réelle de leur actif ou les risques qui y sont associés.

L’Institut craint également que les propriétaires de condos ne s’intéressant pas à la gestion de leur immeuble en viennent à banaliser les risques « auxquels fait face l’ensemble des membres de la copropriété et qui englobent la santé financière de l’association et l’état général de l’immeuble ».

Les auteurs, les actuaires Henry Chio et Jean-Sébastien Côté, ainsi que John Nguyen, rappellent que le vieillissement d’une infrastructure comporte des coûts d’entretien, de réparation et de remplacement. Ils sont par ailleurs tous à la hausse et doivent être prévus à long terme et assumés par un fonds de prévoyance pourvu en conséquence. Ils ajoutent que les primes d’assurance des immeubles abritant des copropriétés sont également en hausse notable depuis 2019, accentuant ainsi la pression sur l’équilibre financier des fonds d’exploitation des associations de copropriétaires. 

L’Institut ajoute à ces constats un tour d’horizon des risques qui nécessitent une attention accrue tant de la part des syndicats de copropriétés que des membres de ceux-ci. 

Changements climatiques 

Variations de température, phénomènes météorologiques extrêmes : « Les copropriétés subissent des dommages qui n’ont pas encore été quantifiés ou planifiés », mettent en garde les auteurs. Ils ajoutent que beaucoup de propriétés « n’ont pas été construites pour résister à certaines conditions extrêmes ». 

Il ne serait donc pas surprenant que des cotisations spéciales soient imposées aux copropriétaires, tout comme « des frais de condos plus élevés pour compenser le sous-financement des fonds de prévoyance ». L’étude fait remarquer que leur financement se fondait sur des projections qui ne tiennent pas compte de la détérioration des infrastructures due aux changements climatiques.  

Concédant qu’il est difficile de prévoir avec précision l’effet des changements climatiques sur les immeubles de copropriétés, l’Institut suggère aux associations de propriétaires de procéder à une collecte de données sur l’usure des matériaux pour évaluer l’espérance de vie des parties communes exposées aux intempéries. 

Taux d’intérêt et inflation 

Un fonds de prévoyance dont une partie du capital est bien investie rapporte des intérêts qui peuvent parfois servir à réduire les frais de condos. Surtout si les taux d’intérêt sont à la hausse. À l’inverse, une diminution des taux aura un effet à la baisse sur les revenus de placement du fonds de prévoyance. Le problème se pose lorsque l’inflation s’en mêle et que les coûts liés aux travaux prévus à court et moyen termes explosent. 

« Il n’est pas rare d’avoir vu des hausses [de prix] de certains fournisseurs excéder les 50 %, décrit Jean-Sébastien Côté en entrevue dans un balado récent réalisé par l’Institut. Est-ce que ça va rester à ce niveau-là ? On ne le souhaite pas, mais c’est un des risques auxquels les copropriétaires font face en ce moment. » 

Un contexte de forte inflation peut donc impacter négativement le niveau d’un fonds de prévoyance. L’Institut recommande aux conseils d’administration de faire appel à des experts pour tirer parti des hausses des taux d’intérêt et gérer les augmentations de coûts inattendues. 

L’Institut prévoit aussi qu’étant donné que le parc de copropriétés au Canada a crû considérablement au cours des dernières décennies, « ces structures seront fort probablement confrontées à des problèmes très semblables au même moment ». Cela réduira la disponibilité des fournisseurs de services et accentuera la pression à la hausse sur les coûts, rapportent les auteurs. 

Évaluation inexacte, acheteurs bernés 

Les prix des copropriétés devraient aussi tenir compte d’une évaluation de la gestion et du niveau du fonds de prévoyance, plaident les auteurs. Cela éviterait bien des mauvaises surprises aux nouveaux acquéreurs, qui font parfois face dès les premières années à l’imposition de cotisations spéciales pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de dollars. 

« Les acheteurs potentiels ne possèdent pas le même niveau d’information que les copropriétaires de condos actuels », fait observer l’Institut. Cela fausse le rapport de force entre les vendeurs et les acheteurs. L’ICA s’attend toutefois à ce que graduellement le marché immobilier s’ajuste et que « les acheteurs réduiront largement leur prix d’achat » pour tenir compte des fonds de prévoyance inadéquats. 

L’Institut recommande aux syndicats des copropriétés de prendre les moyens pour s’assurer que leur fonds de prévoyance est adéquatement pourvu et que l’entretien de l’infrastructure soit effectué de manière périodique, ce qui réduit le risque de devoir imposer des cotisations spéciales. 

La meilleure police d’assurance 

« Le risque que le conseil d’administration et sa structure de gouvernance soient déficients peut faire diminuer la valeur d’une copropriété, voire causer son effondrement dans des cas extrêmes », rappelle le document Pérennité de l’infrastructure des copropriétés

S’il n’est pas donné à tout le monde d’avoir le temps et l’envie de devenir administrateur de l’association de copropriétaires, l’Institut recommande que ceux et celles qui posent leur candidature soient dotés des compétences nécessaires à la gestion et à la compréhension d’un grand budget. Un immeuble de copropriétés est une microsociété avant tout. L’Institut réitère son appel à l’instauration d’un système de formation élargi qui tiendrait les conseils d’administration et les propriétaires au fait des exigences relatives aux finances, aux lois et aux assurances pertinentes au domaine de la copropriété. 

La meilleure police d’assurance pour éviter aux copropriétaires de grandes dépenses imprévues ou une baisse de la valeur de leur habitation ? La compétence de leur conseil d’administration. Les risques que constituent les changements climatiques, l’inflation supérieure aux taux d’intérêt ainsi que l’évaluation inexacte de la valeur des copropriétés doivent être abordés sans faux-fuyant par un conseil d’administration prévoyant, dévoile le document de l’organisme. 

Mais pour avoir l’assurance que ces risques ne viendront pas ruiner l’investissement d’une vie, ou du moins en diminuer grandement la valeur, « les propriétaires de condos doivent prendre le temps de comprendre la santé financière de l’association de copropriétaires, d’apprendre à connaître leur communauté et d’en discuter avec leur conseil d’administration ».