Après 16 mois de négociations, le Mouvement Desjardins a mis la main sur le portefeuille canadien de State Farm, en grande partie pour sa filiale Desjardins Groupe d’assurances générales (DGAG). En outre, Desjardins accèdera au savoir-faire de l’assureur américain, qui siègera au conseil d’administration de DGAG.Cette transaction permet à Desjardins de devenir le deuxième assureur de dommages en importance au Canada, et le premier en Ontario, a révélé sa chef de la direction, Sylvie Paquette, avec qui le Journal de l’assurance s’est entretenu le jour de l’annonce de la transaction, le 15 janvier.
Mme Paquette réalise ainsi l’objectif qu’elle s’était donné de placer Desjardins au sein du top 3 canadien, comme elle l’avait confié au Journal de l’assurance, à l’automne 2012. Desjardins double pratiquement son volume de primes en assurance de dommages au Canada, qui passe de 2 milliards de dollars (G$) à 3,9 G$.
Le portefeuille canadien de State Farm n’était pas à vendre, mais Desjardins l’avait ciblé. En septembre 2012, l’assureur a décidé d’entrer en contact avec les dirigeants de State Farm pour discuter d’une éventuelle transaction, a relaté Mme Paquette.
« Denis Dubois, notre vice-président aux réclamations, aux acquisitions et directeur général de nos activités au Canada anglais, a laissé un message vocal au directeur des finances de State Farm, Paul Smith, un vendredi matin. À notre surprise, le lundi suivant, M. Smith le rappelait. Même si les affaires canadiennes ne représentent que 3 % du volume de State Farm, son directeur des finances était très au courant de ce qui s’y passait », dit Mme Paquette.
Deux semaines après l’appel, les hauts dirigeants de DGAG se sont rendus à Chicago, en Illinois, au siège social, pour rencontrer cinq hauts dirigeants de la plus grosse mutuelle américaine, notamment son chef de l’exploitation et son directeur des finances. « Nous leur avons dit pourquoi nous les avions approchés et pourquoi ils devaient accepter de considérer notre approche », dit-elle.
La chef de la direction de DGAG convient que les dirigeants de State Farm ont été durs à convaincre, mais elle a tenu à souligner la culture d’entreprise « exceptionnelle » de cette mutuelle. « C’est pour cela qu’on s’est rejoints. On leur proposait une meilleure solution pour leurs activités canadiennes », dit-elle.
En injectant 450 millions de dollars (M$) dans la transaction qui totalise 1,6 G$, State Farm gagne aussi le droit de siéger au conseil d’administration de DGAG. « Avec tous les changements qui ont cours dans l’industrie, notamment la télématique et les voitures sans conducteur, c’est une chance incroyable de pouvoir se dire qu’on sera capable de s’assoir avec eux et d’en discuter, vu le savoir-faire qu’ils ont développé aux États-Unis. Je me sens privilégiée à cet effet », a confié Mme Paquette au Journal de l’assurance.
La transaction implique aussi le groupe européen Crédit Mutuel, qui injecte 200 M$ dans la transaction. Le Mouvement Desjardins en injecte pour sa part 700 M$.
Mme Paquette croit aussi que la transaction permettra de créer des emplois, tant au Canada anglais qu’au Québec. « State Farm avait une importante présence en Ontario. Toutefois, on n’y avait délégué que des gens d’opération. Tout se faisait à partir des États-Unis, notamment l’actuariat. Il faudra rapatrier tout cela de là-bas. On créera donc des emplois en Ontario, mais il y en aura aussi au Québec », dit-elle.
La conclusion de la transaction est prévue pour janvier 2015. Avant cette date, Desjardins pourra exploiter les affaires canadiennes de State Farm sous la bannière de cette dernière, et ce, pendant une période convenue entre les parties.
Une fois la transaction conclue, Desjardins accueillera les 1 700 employés canadiens de State Farm et son réseau de plus de 500 agents. State Farm compte 1,2 million de clients en Ontario, en Alberta et au Nouveau-Brunswick. Par ailleurs, le Mouvement Desjardins continuera d’exploiter séparément ses autres bannières d’assurance au pays.
Impact en assurance vie
La transaction aura aussi un impact en assurance vie. Desjardins Sécurité financière met la main sur les affaires canadiennes de State Farm en assurance de personnes, en fonds communs de placement, en prêts et en assurance de prestations du vivant. L’assureur injecte 250 M$ dans la transaction.
Desjardins occupait avec l’Industrielle Alliance, Assurance et services financiers le quatrième rang des assureurs de personnes au Canada. Cette transaction permet à Desjardins d’avoir une longueur d’avance sur son concurrent établi à Québec.
Portrait d’un géant
State Farm et ses sociétés affiliées constituent le premier fournisseur d’assurance automobile aux États-Unis. En plus d’offrir des soumissions d’assurance automobile, les 18 000 agents et plus de 65 000 employés de l’entreprise sont responsables de 81 millions de polices et de comptes, soit plus de 79 millions de polices d’assurance automobile, habitation et vie aux États-Unis et au Canada, ainsi que près de 2 millions de comptes bancaires. State Farm figure d’ailleurs au 34e rang du classement des 500 sociétés les plus importantes publié par le magazine Fortune.
La mutuelle a été fondée en 1922 par un fermier à la retraite. Elle offre maintenant plus de 100 produits différents et gère en moyenne plus de 35 000 réclamations par jour à l’échelle de ses 17 000 agences.
Sa page Facebook, State Farm Nation, joint plus de 1,5 million de personnes, alors que sa page corporative en joint plus de 350 000.