Les raisons pour lesquelles les femmes sont désavantagés financièrement au moment de prendre leur retraite sont bien connues et bien documentées.
On n’a qu’à penser au fait qu’elles interrompent leur carrière pour donner naissance à un enfant et en prendre soin.
Ou encore au fait que l’espérance des femmes est plus élevée que celle des hommes.
Sans oublier tous les enjeux liés à l’équité salariale.
Les entreprises, organisations et employeurs ont toutefois le pouvoir de renverser cette tendance, qui fait en sorte que les femmes que les femmes prennent leur retraite en ayant épargné 30 % de moins que les hommes, selon ce qu’indique Mercer Canada dans son deuxième baromètre annuel du degré de préparation à la retraite.
Pour combler cet écart, les femmes doivent travailler deux ans de plus que les hommes pour atteindre une épargne comparable en vue de leur retraite. Et ce, même si le rendement de placement des comptes d’épargne des femmes est quelque peu supérieur à celui des hommes.
Comment Mercer en est-elle arrivée à ce constat. La firme conseil a analysé les soldes de 14 000 comptes de régimes de revenu de retraite d’un grand assureur vie canadien. Mercer a ainsi examiné plus de 22 000 points de données de cet assureur en date du 13 novembre 2020.
Ainsi, selon Mercer, les femmes qui ont pris leur retraite récemment disposaient d’environ 30 000 $ de moins que les hommes. Comme les hommes prennent leur retraite en ayant épargné, en moyenne, 100 000 $, le déficit d’épargne-retraite atteint 30 %.
Un problème structurel
Stéphanie Mariamo, conseillère principale du domaine Avoirs de Mercer Canada, se dit peu surprise de ces constats tant les obstacles pour que les femmes parviennent à une retraite équivalente à celle des hommes sont connus. Ce problème est d’ailleurs structurel, a-t-elle confié en entrevue au Journal de l’assurance, car ce phénomène n’est pas propre au Canada. Il se vit aussi ailleurs en Amérique du Nord et dans le monde.
Il y a toutefois des juridictions qui font mieux les choses que les autres, dit Mme Mariamo. Elle donne en exemple le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Australie et, pour certains éléments, les États-Unis.
Que partagent ces pays ? Ce sont ceux où les régimes d’accumulation de capital, comme des régimes à cotisations déterminées, sont plus avancées ou plus matures, dit-elle, mais aussi où ces régimes ont le plus d’actifs sous gestion, à l’exception des États-Unis pour ce point précis.
Le baromètre de Mercer met toutefois l’accent sur un point pour corriger la situation. La firme-conseil affirme que si ces obstacles ne sont pas résolus pour les femmes, ce déficit quant à l’épargne-retraite risque fort de s’aggraver.
« Les organisations qui prennent les actions nécessaires pour combler cet écart en récolteront les fruits. Il incombe aux employeurs de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour résoudre le déficit d’épargne-retraite », propose Mercer dans son baromètre de la retraite.
Des moyens à mettre en place
Comment une organisation peut-elle faire cela ? Mme Mariamo propose quelques pistes de réflexion. Offrir la possibilité à ses employés de cotiser à un régime d’épargne retraite peut faire une grande différence à cet égard, dit-elle, en autant que l’on ne pénalise pas les femmes en cours de route sur ce point.
« Ça peut sembler banal, mais de permettre aux femmes de continuer à cotiser à leur régime durant leur congé de maternité peut faire une grande différence rendue à la retraite. Cela permet de réduire l’interruption des cotisations, d’autant plus que les arrêts de travail arrivent plus tôt dans la carrière d’une femme. Ça lui mettra moins de stress en bout de ligne. En plus, c’est quelque chose de simple à ajuster dans un régime d’épargne retraite », dit Mme Mariamo.
Viennent ensuite les enjeux de l’éducation et de la communication. Mettre en place un programme de mieux-être financier aidera à cet égard. Pour y donner un coup de pouce de plus, mentorer une femme par une autre femme qui est passée par là sera clé pour parvenir à une meilleure éducation, mais aussi une meilleure communication, dit Mme Mariamo.
« Une femme doit prendre conscience de ce retard si elle en a un et identifier quelles actions elle peut poser dans son accumulation d’épargne à long terme. Il faut établir un lien de confiance. Nous voyons chez nos clients que nommer une femme pour parler de ces questions à des femmes est une solution qui fonctionne. Qui a une meilleure capacité de parler de mieux-être financier, de littératie financière, de placement qu’une autre femme qui est passée par là ? Ça peut rendre la plus jeune femme confortable », dit-elle.
Virage vers la flexibilité
Puis, mettre en place des régimes d’épargne retraite flexibles peut être gagnant à cet égard, dit Mme Mariamo. « C’est quelque chose qui prendra du temps, mais on voit que ça s’en vient. On voit un redesign des régimes, car l’enjeu de la retraite ne parle pas aux plus jeunes femmes. Le tout peut se faire via un REER, un CELI ou même un compte non enregistré. Le but, c’est d’établir des objectifs financiers, tant à court terme qu’à moyen terme, mais aussi en vue d’épargner pour la retraite. »
L’employeur a aussi un rôle à jouer, dit la conseillère de Mercer. Il doit contribuer à faire fructifier les sommes de ses employés en vue de leur retraite, et ce, qu’ils cotisent ou non au régime mis en place.
« On conserve le côté paternaliste de l’employeur en faisant cela, et ce, sans nécessairement parler de cotisations déterminées ou de sommes préétablies, car l’employé dirige sa cotisation. On peut aussi ajouter de la flexibilité à un régime en versant la somme où l’employé le souhait », dit Mme Mariamo.
S’inspirer du collectif
Cette philosophie rejoint ainsi celle que l’on voit de plus en plus en assurance collective, où l’employé joue un plus grand rôle dans la gestion des avantages qui lui sont conférés. « L’employée doit être en mesure de redéfinir quelle valeur il accordera à son épargne. Celle-ci ne sera pas la même à 30 ans que celle à 65 ans. Ça peut bien se marier avec un programme de mieux-être financier, Ça vient lui donner confiance dans les moyens de l’atteindre », dit Mme Mariamo.