Alors que le marché de l’assurance maladie internationale est grandissant, l’offre des compagnies d’assurance canadiennes est en décalage avec les besoins des expatriés qui s’installent au Canada, parfois pour plusieurs années.
Tous les ans, le Canada accueille plusieurs dizaines de milliers de jeunes actifs venus d’une trentaine de pays dans le cadre d’Expérience internationale Canada (EIC). Ce programme regroupe trois catégories de permis de travail : Vacances-travail, Jeunes professionnels et Stage coop international. En 2019, plus de 74 000 personnes seront sélectionnées dans le cadre d’EIC, tous permis confondus. Plus de 32 000 personnes, soit 43 %, auront un permis de travail valide durant 12 mois maximum. Les 57 % restants, soit plus de 42 000 personnes, auront un permis d’une durée maximale de 24 mois.
Assurance maladie privée obligatoire
Quelle que soit la catégorie, toutes ces personnes devront souscrire une assurance maladie pour la durée de leur séjour. Elles devront présenter une preuve d’achat de cette protection aux services d’immigration avant d’entrer sur le sol canadien. Si un candidat arrive sans preuve, il n’obtient pas de permis de travail et doit rebrousser chemin pour rentrer dans son pays. Si ce critère d’admissibilité est connu de tous les prétendants à un permis au titre d’EIC, il ne l’est pas du côté du marché de l’assurance canadien.
Interrogée à ce sujet, l’Association canadienne de l’assurance voyage (THiA) a affirmé au Journal de l’assurance que « le programme de super visa est le seul qui oblige les visiteurs à souscrire une assurance pour pouvoir entrer au Canada », précisant que « pour tous les autres visiteurs, l’assurance voyage n’est pas obligatoire lors de la visite au pays ». Pire encore, le ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), pourtant responsable du programme, nous a d’abord formulé la même affirmation. Il s’est ensuite ravisé et nous a confirmé que l’exigence de souscrire une assurance avant d’arriver au Canada incombe bel et bien aux demandeurs d’un permis au titre d’EIC.
Autre information clé : les candidats doivent souscrire une assurance maladie en tenant compte du fait que la durée du contrat aura une conséquence directe sur la durée du permis délivré par les autorités canadiennes. Par conséquent, les personnes qui prétendent à un permis de travail limité à 24 mois devront souscrire une assurance maladie de 24 mois. Si elles souscrivent une assurance de 12 mois, elles recevront un permis de 12 mois sans aucune possibilité de réclamer les 12 mois perdus, même si elles prolongent leur assurance par la suite.
L’offre canadienne incompatible
Presque toutes les compagnies d’assurance canadiennes offrent une assurance pour les visiteurs. Toutefois, presque aucune n’offre la possibilité de souscrire un contrat initial de plus de 12 mois. Par conséquent, alors qu’ils s’établissent au Canada, les titulaires d’un permis de travail de 24 mois ne peuvent pas compter sur les assureurs canadiens pour les couvrir.
« Nous constatons une demande grandissante pour une période de couverture de deux ans. La durée maximale de tous nos produits d’assurance est limitée à 365 jours, mais lorsque le contrat arrive à échéance, l’assurance peut être renouvelée selon certaines conditions pour une autre année », indique Josiane Cousineau, directrice, marketing et relations médias, à Croix Bleue Canassurance.
Le décalage entre le produit offert et le besoin réel est tout aussi grand du côté de TuGo, de RSA ou encore de Manuvie. « Le régime assurance voyage Pourmeprotéger convient notamment aux personnes qui décident de s’expatrier au Canada pour plus d’un an avant de repartir dans leur pays », affirme Odette Coleman, gestionnaire, relations médias, chez Manuvie. C’est pourtant faux. Une assurance limitée à 12 mois, bien que renouvelable, ne convient pas aux personnes qui souhaitent s’expatrier plus de 12 mois dans le cadre du programme EIC.
Assurance pour les visiteurs au Canada : l'offre des assureurs canadiens
« Frustration » des expatriés
Au Canada, les produits d’assurance voyage spécifiques aux besoins des titulaires d’un super visa, des touristes hivernants ou des étudiants étrangers sont nombreux.
En revanche, les assurances voyage adaptées aux travailleurs temporaires étrangers sont presque introuvables. Même les protections offertes par des entreprises non canadiennes visant particulièrement les participants au programme EIC ne conviennent pas vraiment aux besoins des assurés.
Nadia Barrou, avocate spécialisée en immigration au Canada, affirme ressentir « énormément de frustration » chez sa clientèle, en grande partie française, à ce sujet.
En effet, beaucoup de frais de santé ne sont pas couverts par les assurances pour travailleurs temporaires. « Les gens ont l’impression de payer une assurance juste pour dire au gouvernement qu’ils sont couverts, alors qu’ils ne le sont pas », dit Me Barrou.
Par exemple, les bilans de santé, les soins de la vue, les soins dentaires de routine, les soins liés à la grossesse ou encore la contraception sont exclus de la garantie frais médicaux de l’assurance Globe PVT d’ACS, populaire chez les Français venant au Canada dans le cadre d’EIC.
Les femmes, en particulier, subissent les conséquences de ce manque de protection. Pour éviter une grossesse ou une interruption volontaire de grossesse, toutes deux exclues des assurances privées, elles entament souvent un parcours du combattant dans leur pays d’origine pour se voir prescrire le plus de boites de pilules contraceptives possible et les emmener avec elles au Canada, où leur assurance privée ne couvre pas la contraception.
Pas question de penser à refaire le plein ou à faire un bilan de santé lors d’un retour dans son pays natal. Les Français, qui sont les plus nombreux à venir au Canada dans le cadre d’EIC, « ne sont plus considérés comme résidents six mois après avoir quitté le territoire, et ne sont donc plus couverts par l’assurance sociale française », souligne Nadia Barrou.
Ces expatriés, dont l’assurance maladie privée est lacunaire, n’ont donc accès ni à l’assurance maladie française ni à l’assurance maladie provinciale. Cette dernière étant souvent une condition pour bénéficier de l’assurance maladie complémentaire collective, ils n’ont pas non plus accès à la protection offerte par leur employeur.
« Ce qui est encore plus frustrant, c’est que, comme tout le monde, les travailleurs étrangers contribuent à l’assurance maladie provinciale, sauf qu’eux ne sont pas admissibles à cette assurance », constate Me Barrou.
Ingle International adapte son offre
En matière d’assurance maladie pour expatriés, un assureur canadien sort du lot. Il s’agit d’Ingle International.
Spécialisé en assurance maladie internationale depuis 70 ans, l’assureur a fusionné en 2017 avec MSH International, filiale de l’entreprise française Siaci Saint Honoré. L’entité composée des deux entreprises exerce ses activités sous le nom de MSH Americas.
Sa force ? « L’expertise combinée des deux entreprises dans le domaine de l’assurance pour expatriés », a dit en entrevue au Journal de l’assurance Robin Ingle, chef de la direction de MSH Americas. En mars 2019, MSH Americas a lancé LivExpat, un régime d’assurance maladie internationale qui met l’accent sur la flexibilité et qui peut être souscrit en ligne.
Les clients personnalisent leur protection en choisissant une zone géographique et une durée en mois ou en années. Ils ont ensuite le choix entre une assurance soins médicaux d’urgence à deux niveaux de protection, ou une assurance soins médicaux complète composée de cinq niveaux.
Cette assurance complète peut aller jusqu’à couvrir la totalité des frais engagés pour une grossesse, une opération de correction de la vue, des soins liés à la santé mentale ou encore l’arrêt du tabagisme. Elle peut par ailleurs être complétée par une assurance invalidité totale temporaire, longue durée ou permanente, une assurance décès et mutilation accidentels ou encore une assurance vie. Quelle que soit la protection choisie, les clients peuvent faire inclure les services d’assistance et de rapatriement dans leur contrat.
« Beaucoup de compagnies d’assurance sont un peu trop rigides dans leur façon de voir les produits. Nous avons écouté nos clients et nos courtiers et nous avons créé quelque chose qui offrait plus d’options pour les particuliers », explique Robin Ingle.
Interrogé sur le peu de concurrence qui existe sur ce marché au Canada, M. Ingle confirme que l’assurance médicale internationale « n’est pas très populaire auprès des compagnies d’assurance canadiennes, [qui] ne prêtent pas vraiment attention à ce sujet » malgré la « grosse occasion ».
EIC : trois catégories de permis, une assurance requise pour tous
Le programme Expérience internationale Canada (EIC) permet à des personnes de 18 à 35 ans venues de 33 pays de travailler et de voyager au Canada. Il regroupe trois permis de travail différents :
- Vacances-travail : Ce permis permet aux étrangers de voyager ou de travailler au Canada. Il n’est pas rattaché à un employeur, ce qui veut dire que le demandeur n’a pas l’obligation de travailler ni d’avoir une offre d’emploi pour l’obtenir. Si le titulaire du permis décide de travailler, il peut avoir un seul ou plusieurs employeurs, partout au Canada (permis de travail ouvert).
- Jeunes professionnels et Stage coop international : Ces permis permettent aux jeunes professionnels, pour le premier, et aux étudiants, pour le second, de travailler au Canada dans leurs champs de compétences ou d’études. Les titulaires ne peuvent travailler que pour un seul et unique employeur dans une entreprise donnée. Il faut avoir décroché un emploi ou un stage avant de pouvoir faire une demande (permis de travail fermés).
Puisque les titulaires d’un permis Jeunes professionnels ou Stage coop international arrivent sur le sol canadien avec un emploi en poche, ils ont droit à l’assurance maladie provinciale. Cependant, ils ont aussi l’obligation d’avoir une assurance couvrant le rapatriement, ce qui n’est pas le cas de l’assurance maladie provinciale. Celle-ci n’est « pas considérée comme suffisante pour le programme EIC », nous explique le ministère IRCC. Les personnes qui viennent au Canada et qui obtiennent l’un de ces deux permis doivent ainsi souscrire une assurance maladie privée pour toute la durée de leur permis, tous comme les candidats au permis Vacances-travail qui, eux, n’ont pas droit à l’assurance maladie provinciale. L’assurance maladie souscrite dans le cadre d’EIC :
Plusieurs assureurs européens misent sur le permis Vacances-travail
La majorité des personnes sélectionnées dans le cadre d’Expérience internationale Canada (EIC) viennent d’Europe et ont décroché un permis Vacances-travail.
Ce permis est celui des trois qui bénéficie du plus gros quota. Il est aussi le plus flexible, puisqu’il n’oblige pas le demandeur à trouver un emploi avant d’arriver sur le territoire canadien, contrairement aux permis Jeunes professionnels et Stage coop international.
Quand vient le moment de choisir une assurance maladie, obligatoire pour pouvoir entrer au Canada, les titulaires d’un permis Vacances-travail peuvent choisir parmi une multitude de protections spécialement conçues pour eux. Les plus connues sont les suivantes :
Les banques chouchoutent les nouveaux arrivants
Contrairement aux assureurs, dont l’offre ne s’adapte pas vraiment aux besoins des expatriés, les banques canadiennes s’attèlent à attirer cette clientèle temporaire qui, parfois, s’installe de façon permanente.
Pour séduire les expatriés, six grandes banques canadiennes, ainsi que la coopérative Desjardins, offrent un service réservé aux nouveaux arrivants. Elles déploient leur offre de bienvenue dans le but d’être l’heureuse élue des étrangers qui s’établissent au Canada.
Offre de bienvenue pour les nouveaux arrivants au Canada