Aux États-Unis, le cout d’un médicament issu de la thérapie génique pour remédier à une maladie rare, la dégénérescence héréditaire de la rétine, s’élève à 425 000 $ par œil, donc 850 000 $ pour les deux yeux. Ce n’est pas un cas unique…

Le Glyberma, autre médicament génique pour soigner des maladies génétiques, coute 1 million de dollars. Le prix de deux autres médicaments pour traiter l’atrophie musculaire et une maladie rare du rein est environ 750 000 $.

La question se pose déjà en 2018. Les régimes privés et publics sont-ils capables de supporter ces couts et quelles seront les limites qu’ils pourront payer dans le futur ?

La situation au Québec

Tous les assureurs, hôpitaux, gouvernements et pharmaciens sont conscients que l’on se dirige vers une explosion du cout de certaines classes de médicaments novateurs, notamment les thérapies géniques qui consistent à faire pénétrer des gènes dans les cellules ou les tissus d’un individu pour traiter une maladie.

Comment faire face à cette catastrophe annoncée qui pourrait éventuellement mettre en danger certains régimes ? Sans avoir toutes les réponses, des pistes de solutions ont été soulevées lors d’une conférence présentée le 15 novembre à Québec dans le cadre du congrès de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). Le Journal de l’assurance était présent.

« Les thérapies géniques, ça va couter cher », a prévenu son président, Jean Thiffault, qui animait ce débat pharmacoéconomique. Ce type de traitement consiste à faire pénétrer des gènes dans les cellules ou les tissus d’un individu pour traiter une maladie.

La question est aussi sociale et éthique. On se questionne sur l’intérêt de permettre un traitement très couteux pour prolonger de quelques mois la vie d’une personne âgée de 83 ans, mais peut-on le refuser à une mère de deux jeunes enfants qui n’a que 35 ans ?


Jean Thiffault

Jean Thiffault | Photo : Denis Méthot


Des milliers de molécules en développement

L’industrie pharmaceutique à travers le monde est en pleine ébullition. Pas moins de 7 000 molécules sont actuellement en développement, a indiqué Stéphane Lassignardie, directeur général d’Abbvie Canada et président du comité Québec de Médicaments novateurs Canada lors de la conférence. Toutes n’aboutiront pas sur le marché sous forme de médicaments. Mais à ses yeux, les promesses que laisse entrevoir l’industrie pharmaceutique sont extraordinaires. Ce chiffre de 7 000 molécules montre à quel point les perspectives sont immenses.

M. Lassignardie ne semble toutefois pas trop regarder à la facture. Il déplore que l’on ait une approche trop comptable du prix des médicaments. Ses arguments ? Certains médicaments vont couter cher, certes, mais combien vont-ils faire épargner en journées d’hospitalisation, en nouveaux examens, demande-t-il ? Combien vont-ils permettre de réduire les congés de maladie à long terme, de revenir plus tôt au travail, de redevenir contributeur à la société, de réduire le fardeau des proches aidants qui risquent l’épuisement ? « Ça fait partie de la valeur du médicament », a-t-il commenté.


Stéphane Lassignardie

Stéphane Lassignardie | Photo : Denis Méthot


Génériques et biosimilaires

Autre conférencier, Jean-Guy Goulet était au contraire très intéressé à parler de chiffres, car il est chef de l’exploitation de Pharmascience, un grand fabricant canadien de médicaments génériques. Le ministère québécois de la Santé a obtenu d’importants rabais du cout des génériques. Malgré ces baisses, M.  Goulet prétend qu’on laisse encore des milliards de dollars en économies sur la table en ne recourant pas assez aux médicaments génériques, même si les assureurs exigent souvent la substitution. À ses yeux, les génériques font partie de la voie ou des solutions pour réduire le cout des médicaments.

Une autre classe de médicaments qui n’est pas encore exploitée à sa pleine capacité pourrait réduire la facture, ce sont les produits biosimilaires. Ce sont des molécules plus grosses et complexes que les médicaments obtenus par synthèse chimique. Les biosimilaires font leur entrée sur le marché à l’expiration du brevet et de la protection du médicament biologique de référence. Ils sont indiqués dans le traitement de diverses affections chroniques, dont la spondylarthrite ankylosante, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn, la colite ulcéreuse, le diabète de type 1 ou 2, le déficit en hormone de croissance et des cancers de stade avancé.

Le biosimilaire est vu comme une option plus économique que le médicament biologique de référence, mais leur adoption repose sur plusieurs facteurs, notamment l’acceptation des patients et des fournisseurs de soins de santé, leur cout, la couverture et les directives d’utilisation des payeurs ainsi que les politiques de substitution des médicaments.


Jean-Guy Goulet

Jean-Guy Goulet | Photo : Denis Méthot


D’autres facteurs de réduction de couts

D’autres facteurs de réduction ont été évoqués par les participants à la conférence. D’abord, la responsabilité des patients eux-mêmes et leur adhésion au traitement. Un médicament qui n’est pas pris selon la posologie ou qui est abandonné n’aura pas l’effet thérapeutique souhaité et va représenter un gaspillage de ressources et d’argent. Pharmaciens, médecins et système de santé ont un rôle à jouer pour assurer l’usage optimal des médicaments.

Autre aspect, la liberté des médecins de choisir les médicaments et traitements de leur choix, sans trop d’égard à son cout. Quand ils prescrivent des médicaments d’exception, ils doivent le justifier à la RAMQ. Certains acteurs souhaiteraient que les médecins soient plus rigoureux quand ils choisissent un médicament. Ils le rappellent sur diverses tribunes, de vieux médicaments s’avèrent encore très efficaces et la nouvelle molécule récente plus couteuse n’a pas toujours une grande valeur clinique ajoutée.

Alors, faudrait-il plus encadrer la liberté de prescription des médecins ? C’est une avenue dans laquelle n’a pas voulu s’enfoncer le président de l’AQPP…