La nouvelle mouture du Programme de qualification du permis en assurance vie (PQPAV), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2016, n’exigera plus une formation collégiale obligatoire pour accéder à la profession. Par ailleurs, ce même programme abandonne la formation spécifique à l’assurance et aux rentes collectives.Avec cette refonte, les exigences québécoises en matière de formation en assurance de personnes s’harmoniseront à celles qui ont cours ailleurs au Canada. C’est d’ailleurs l’Autorité des marchés financiers qui a piloté ce dossier à l’échelle canadienne. Près de quatre millions de dollars auront été investis par les régulateurs canadiens pour réaliser cette harmonisation.

3_pineault_maryseL’Autorité aura ainsi le mandat d’accréditer les programmes qui mèneront à la carrière en assurance de personnes, a expliqué Maryse Pineault, sa directrice principale des opérations d’encadrement de la distribution, au Journal de l’assurance. « La formation donnera un certificat au candidat à la carrière qui attestera qu’il est prêt à passer les examens pour accéder à la carrière », précise-t-elle.

La nouvelle mouture du PQAPV marquera la fin de l’obligation de détenir uje certification collégiale pour devenir un représentant en assurance de personnes. L’Autorité ne voit toutefois pas le tout comme un abandon du collégial, mais plutôt comme une modification aux exigences de formation. Les candidats qui le souhaitent pourront suivre une formation collégiale dans les établissements qui donneront accès à une attestation d’études collégiales (AEC).

Auparavant, le PQPAV offrait deux avenues distinctes, une propre à l’assurance de personnes et l’autre propre à l’assurance collective. Une formation générale en assurance de personnes qui aborde les produits d’assurance collective remplacera le tout. Il n’y aura plus de manuels ou examens spécifiques pour la discipline en assurance collective dans les exigences minimales du PQPAV. Les candidats qui désirent se spécialiser en assurance collective devront plutôt réussir une période probatoire en entreprise.

Lot d’inquiétudes

Mme Pineault ne cache pas que tout changement apporte son lot d’inquiétudes. C’est le cas pour les modifications au PQPAV. « Ce n’est pas un nivellement par le bas. On tente de répondre à toutes les questions des acteurs de l’industrie, notamment ceux du monde la formation. Plusieurs nous ont fait valoir qu’ils auraient préféré que l’on garde une certification spécifique en assurance collective. On travaille à des solutions avec eux », dit-elle.

Les changements au PQPAV suivent aussi les efforts du gouvernement fédéral d’harmoniser la mobilité de la main-d’œuvre entre les provinces. Mme Pineault souligne que dans certaines juridictions, près de 50 % des représentants sont originaires d’une autre province que celle où ils travaillent.

« Ce n’est pas le cas au Québec. On voit toutefois beaucoup de représentants du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario œuvrer au Québec. L’inverse est aussi vrai », dit-elle.

Pour certains organismes et établissements de formation dédiés à l’assurance collective, on regrette de perdre la spécificité de la formation qu’on retrouvait auparavant. Divers intervenants interrogés par le Journal de l’assurance se demandent pourquoi revenir sur une décision prise il y a dix ans et revenir à ce qui se faisait avant.

Lacorpo, un organisme regroupant environ 1 500 conseillers en assurance collective, a mené un sondage auprès de ses membres pour connaitre leur opinion sur les changements faits au PQPAV. Ce sont 179 personnes qui y ont répondu. Près de 90 % d’entre elles ont dit vouloir tenter de protéger les acquis québécois en matière de certification en assurance collective.

« On aurait préféré que le PQPAV parle de requis pour exercer en assurance collective et non de formation minimale. Ça ne nous rassure pas », dit Michel Ferland, secrétaire de Lacorpo. M. Ferland est aussi l’auteur du manuel de formation Théorie et pratique de l’assurance collective au Québec, reconnue par plusieurs établissements de formation comme l’ouvrage de référence en la matière au Québec.

M. Ferland affirme toutefois que ces changements accroissent l’importance d’un organisme comme Lacorpo. L’organisme profitera ainsi de ces modifications pour faire reconnaitre un audit de compétence en assurance collective, qui serait accompagnée par la réalisation d’une étude de cas, ce qui ne se fait pas actuellement.

«Pas un simple produit»

« On ne veut pas que l’assurance collective soit vue comme un simple produit, comme c’était le cas à l’époque. Les changements qui avaient été faits en 1997 visaient à protéger le public. C’est un recul selon nous et on craint que ça devienne une gaffe monumentale », dit-il.

À l’Autorité des marchés financiers, on affirme au contraire que les nouvelles règles renforceront la protection du public. « On vérifiera la probité des gens lors de leur formation. La protection du public ne sera pas en danger », assure Maryse Pineault.

M. Ferland se dit toutefois satisfait du maintien de la période probatoire pour exercer en assurance collective. Lacorpo préférerait toutefois que les termes « stage probatoire » soient utilisés au lieu de « période probatoire ». « Le stage un bon moment pour vérifier l’acquisition des connaissances du candidat à la profession. On croit toutefois que l’ajout d’un audit de compétences accompagné d’une étude de cas serait un plus », dit-il.

Spécialité complexe

Roger Brissette, président du Groupe Formation Expert, indique pour sa part que la discipline de l’assurance collective est une spécialité complexe. Il craint des conséquences désastreuses si le programme est mal calibré ou mal conçu. « Si un contrat d’assurance invalidité est bâclé dans un régime collectif, les impacts peuvent être majeurs pour le client », dit-il. M. Brissette est aussi président du cabinet en collectif Groupe ASO.

M. Brissette craint aussi une chute du nombre de conseillers spécialisés en assurance collective. « Sur 100 étudiants au début d’un programme, une vingtaine laisse tomber en cours de route étant donné la difficulté des contenus. L’assurance collective n’exerce pas le même attrait que l’assurance vie. Ce n’est pas une machine à saucisses », dit-il.

Le président du Groupe Formation Expert s’inquiète aussi des compétences qu’auront acquises les futurs représentants en assurance collective. « Avec une formation uniforme pour tous, je ne vois pas comment le programme pourra de façon raisonnable rassembler les compétences requises pour travailler en assurance collective. Ce n’est pas en reculant de dix ans en arrière dans la formation qu’on va favoriser la distribution des produits financiers », dit-il.

Heures réduites

L’attestation d’études collégiales (AEC) offerte en Conseils et services financiers nécessitait 450 heures de cours, sans compter les heures requises pour exécuter les travaux liés à ces cours. Le nouveau programme consistera quant à lui en quatre modules de 45 heures, correspondant à quatre compétences, disponibles sur le Web. Les cégeps qui offrent l’AEC spécifique à l’assurance vie se demandent comment ils pourront maintenir leurs programmes étendus face à un autre qui offre une voie plus rapide et moins couteuse.

Jacky Boucher, directeur adjoint des études au Collège O’Sullivan, craint que le nouveau programme soit moins rigoureux que l’ancien. « On passe en mode autodidacte. Que fera l’étudiant s’il veut parler à un professeur? Avant, il y avait cette rigueur. Fait-on passer la rapidité de l’accréditation avant la rigueur de la formation? L’étudiant n’aura plus qu’à réaliser les modules, réserver sa date pour son examen, obtenir son certificat pour passer l’examen de l’Autorité et ensuite pratiquer. On ne critique pas la qualité de la formation offerte par le nouveau programme, mais on ne doit pas s’attendre à ce que le niveau soit aussi élevé que dans une formation collégiale », dit-il.

Fin des AEC?

M. Boucher fait aussi remarquer qu’il y a dix ans, lors de l’entrée en vigueur de l’obligation de suivre un cours au collégial pour pratiquer en assurance vie, le Collège O’Sullivan démarrait 8 groupes par année. Il ne forme plus que deux cohortes par année en ce moment, chacune ayant de 15 à 20 étudiants.

« Le nouveau programme sonnera probablement la fin de notre AEC. La prochaine cohorte que nous démarrerons risque d’être la dernière », dit-il. M. Boucher n’exclut toutefois pas que le Collège O’Sullivan offre un programme accéléré, établi selon les exigences minimales du PQPAV. Outre le Collège O’Sullivan, le Cégep de Sainte-Foy est l’autre institution formant le plus de représentants en assurance de personnes. Là aussi, l’avènement de la nouvelle mouture du PQPAV forcera une réflexion quant à la formation offerte.

« Nous allons le modifier en fonction des nouvelles exigences, affirme Lise Marquis, conseillère pédagogique en assurance et services financiers au Cégep de Sainte-Foy. Ce collège formait de 60 à 70 étudiants par année.

Mme Marquis se questionne elle aussi sur la qualité de la formation qui sera offerte, avec seulement quatre compétences abordées, mais souligne qu’elle prêche pour sa paroisse en affirmant cela. « Si l’industrie est à l’aise d’avoir des gens qui ont mois d’heures de formation, il faut respecter cela. Les compagnies d’assurance ont certainement fait des analyses de marché en ce sens. Si ça leur convient, ce n’est pas à nous de leur dire que ce n’est pas suffisant. Nous avons notre point de vue, mais on doit respecter celui de l’industrie », dit-elle.