Les courtiers en assurance aux entreprises ont de la difficulté à trouver preneur pour placer des risques liés à la foresterie, et ce, tant au Québec qu’au Canada. Cela s’explique principalement par le retrait de l’assureur Lumbermen’s du marché canadien, constatent des experts, en entrevue au Journal de l’assurance.« Lumbermen’s a disparu alors qu’il avait plusieurs milliers de dossiers au Canada », dit Sylvain Hamel, vice-président et directeur des ventes chez AON. L’assureur s’est effectivement retiré du marché en raison de difficultés financières causées par une fréquence et une sévérité des sinistres élevées.
« L’entreprise voulait conserver son monopole, mais elle ne tarifait pas correctement et a perdu de l’argent. Elle a causé sa propre perte », estime Robert Pellerin, directeur clientèle chez BFL Canada.
Lorsque l’assureur a disparu, de nombreux courtiers se sont tournés vers d’autres assureurs et grossistes, alors que ces risques sont souvent difficiles à placer. « C’est la classe de risques entière qui est difficile à placer. Le risque l’est encore plus s’il se trouve sur un territoire non protégé par une caserne de pompiers, par exemple », explique Richard Bélanger, vice-président du Québec au sein du Groupe Totten. Ce dernier rappelle que chaque municipalité dispose d’une cote en matière de risque.
« Les courtiers qui souhaitaient placer des risques ont ainsi dû aller chercher des pôles d’assureurs prêts à se les partager », poursuit-il. Ils pouvaient faire affaire avec Lloyd’s, Swiss Re, Zurich, Northbridge, Travelers, Westport, Chartis, mais aussi RSA, Intact et Aviva qui sont encore présents dans le marché.
« Ces compagnies se partagent souvent un même risque, car dans le domaine de la foresterie, presque aucun risque n’est couvert par un seul assureur », précise M. Hamel. Ils se prémunissent ainsi contre les éventuelles pertes, qui sont souvent catastrophiques dans ce secteur. « Avec toutes les opérations, comme l’écorçage, qui nécessite de puissantes machines, il y a rarement de petits sinistres », ajoute M. Pellerin.
Certains grossistes proposent aussi de couvrir un pourcentage du risque. Selon M. Hamel, ils s’intéressent surtout aux petits risques, car les gros risques sont considérés comme problématiques. M. Bélanger indique pour sa part que les grossistes visent souvent les risques liés à la deuxième ou la troisième transformation du bois. Cela comprend, notamment, les fabricants de meubles. « Les grossistes peuvent aussi cibler les risques liés à la première transformation du bois ayant trait aux usines de sciage. Mais ces risques sont plus souvent couverts par les représentants de Lloyd’s ou les programmes nationaux », ajoute-t-il.
Si les risques sont pris en charge par d’autres joueurs, les prix ont grimpé depuis la disparition de Lumbermen’s. « Aujourd’hui, ils sont trois ou quatre fois plus élevés que par le passé », disent MM. Hamel et Pellerin.
Ce phénomène est aussi présent dans le reste du Canada, car Lumbermen’s était en activité dans tout le pays. M. Bélanger souligne la présence de nombreuses usines de sciage en Colombie-Britannique.
Comment éviter les pertes catastrophiques dans ce secteur, qui atteignent souvent plusieurs dizaines de millions de dollars et entrainent parfois des décès ? « Il faut faire preuve de fermeté dans la gestion des risques », fait valoir M. Pellerin. Ce dernier précise qu’il s’agit là une tâche quotidienne.
Au dire de M. Hamel, les difficultés que connait le secteur de la foresterie trouvent leur origine dans d’autres facteurs encore. Parmi eux, la vigueur du dollar canadien : « Notre dollar est fort, ce qui réduit nos marges lorsque l’on traverse la frontière avec les États-Unis », affirme-t-il. Selon lui, ce phénomène est d’autant plus important que le voisin américain est le premier pays d’exportation du Canada. « Les affaires sont aussi plus difficiles du fait de l’économie en berne aux États-Unis. »
Toutefois, ce pays ne connait pas les mêmes difficultés que le Canada dans le domaine de la foresterie. « Là-bas, Lumbermen’s et un autre assureur sont actifs. Le marché reste donc concurrentiel », dit M. Hamel.