La diminution de l’offre des garanties de retraits à vie a un effet marqué chez les agents généraux, ce qui a entrainé une baisse des ventes.
« Nous avons constaté une grande diminution des ventes de garanties de retrait à vie, depuis les récents changements », dit Robert Frances, président et chef de la direction de Groupe financier PEAK. Il reconnait toutefois que PEAK n’en vendait déjà pas « tant que ça ». Alertés par les récentes hausses des frais de cette garantie, ses conseillers se sont mis à douter de la viabilité du produit à long terme. « Nos ventes de garanties de retrait à vie ont diminué de plus de 50 %, depuis les deux dernières années », ajoute-t-il.
Les clients qui détiennent des produits avec garanties de 5 % auront en outre intérêt à les conserver, croit-il. Un point de vue que partage Bruce Hammond, PDG de l’agent général ontarien Performins Canada. « L’offre de garanties de retrait à vie s’amenuise parce que c’est un bon produit pour le client, mais pas un bon produit pour les compagnies d’assurance », dit-il. Ses ventes ont exposé les compagnies au risque des taux d’intérêt et de marché, rappelle-t-il. L’agent général ne sera pas surpris de le voir disparaitre ou devenir moins généreux.
Pression accentuée sur les fournisseurs
Les ventes redirigées vers les deux produits qui résistent au changement accentueront inévitablement la pression sur leurs fournisseurs. « La pression sur ce genre de produits est très grande, en raison des réserves actuarielles qui doivent être détenues par les assureurs. Nous pouvons prédire qu’il y aura d’autres changements à venir, étant donné les faibles taux d’intérêt », dit Normand Caty, président du Groupe CMA.
Au Groupe Cloutier, les ventes souffrent des changements entrepris plus tôt cette année par les assureurs. C’était la cohue des ventes de garanties de retrait à vie, l’automne dernier, au Groupe Cloutier, avant que l’éventail des fournisseurs ne se réduise comme peau de chagrin.
Automne moins achalandé
« Je passais les trois quarts de mon temps à faire des projections de revenu pour ce produit, se rappelle Luc Déziel, directeur des investissements au siège social du Groupe Cloutier, à Trois-Rivières. Je ne crois pas que cet automne sera aussi achalandé. Mes conseillers avec double permis se sont d’ailleurs mis à vendre plus de fonds communs de série T, des fonds corporatifs dont la fiscalité est favorable, car ils permettent le report des gains en capitaux. »
M. Déziel se rappelle avoir vendu « énormément » du produit de SSQ Vie, avant que celui-ci ne passe à la version 2.1. Aujourd’hui, ses conseillers équilibrent leur offre aux clients entre les fonds communs et les produits à 5 % d’Empire Vie ou de Canada-Vie.
Le directeur, investissement et retraite du Groupe BBA, René Belzile, dit vendre beaucoup du produit Catégorie Plus d’Empire Vie. « Les conseillers sentent que la garantie de 5 % achève », a-t-il ajouté. Empire Vie est arrivée en dernier dans le marché des garanties de retraits à vie, dit-il.
« Le produit a été moins vulnérable aux problèmes qu’ont connus les précurseurs, du fait d’avoir moins de ventes au début. Maintenant, ils en vendent tellement qu’ils devront probablement revoir les échéances prévues pour les prochains changements. »
Autre facteur de succès pour le produit d’Empire Vie : l’assureur a maintenu ses frais de garanties bas. « Ce produit est un peu l’équivalent de la première version de RevenuPlus de la Financière Manuvie. Catégorie Plus d’Empire Vie est souvent accessible à des frais qui oscillent entre 2,5 % et 3 % », observe M. Belzile.
Pour sa part, le directeur général d’Investissements Excel, Normand Morin, ne donne que quelques mois à vivre à la garantie de 5 %. « Chez Empire Vie et Canada-Vie, le 5 % n’en a pas pour longtemps, jusqu’à la fin de l’année ou au début de 2013, dit M. Morin. J’ai entendu dire que lorsque l’actif des garanties de retraits à vie est rendu à un point X pour tel ou tel assureur, celui-ci fermerait ou modifierait son produit, le montant X étant établi en fonction des réserves requises. »
Le directeur investissement et retraite au Groupe AFL, Dominique Rochette, a entendu un son de cloche similaire. « Ils retireront leur garantie de 5 %, à moins que les taux d’intérêt à long terme n’augmentent, et je ne vois pas comment ils le feraient à court terme », a-t-il dit. Après les récentes modifications, il constate maintenant que le produit coute cher et que les caractéristiques sont moins attrayantes.
« L’Industrielle Alliance a changé son produit deux fois avant de le retirer complètement. Depuis que SSQ a modifié le sien, ses ventes ont beaucoup ralenti. Sun Life et Standard Life se sont aussi retirées cette année. Desjardins Sécurité financière l’avait déjà fait, l’an passé. Trois joueurs (Canada-Vie, Great-West et Empire Vie) ont conservé leur format original, mais pour combien de temps? », dit M. Rochette.
Comme Robert Frances, M. Morin remarque une diminution des ventes du produit de garanties de retrait à vie, qui remonte à plus loin que la dernière vague de changements survenue cet été. « Nous en vendons beaucoup moins qu’il y a quelques années. Lorsque le produit était nouveau, les conseillers ont regardé lesquels de leurs clients pourraient en tirer avantage. Après que ceux-ci aient été identifiés, les ventes se sont stabilisées », remarque M. Morin. Il a toutefois observé une résurgence des ventes, depuis quelques semaines. « Les clients veulent profiter de la garantie de 5 % pendant qu’il est encore temps. »
Le produit survivra
Les agents généraux relativisent toutefois l’impact des récentes diminutions de garanties. « À quoi vous attendiez-vous dans un environnement de bas taux d’intérêt? Je ne perçois pas ce passage de 5 % à 4 % comme un gros changement dans un tel environnement », dit M. Hammond.
Normand Caty, de CMA, croit que le produit survivra. « Même à un taux plus faible, un produit de garanties de retrait à vie est toujours intéressant, d’autant plus qu’il offre encore une bonification annuelle de 5%. C’est beaucoup plus intéressant que les rendements offerts par les certificats de placements garantis. »