Changement de cap majeur à la Chambre de l’assurance de dommages en matière de gouvernance. L’organisme d’autoréglementation demande au gouvernement du Québec de lui permettre de faire siéger des dirigeants non certifiés de l’industrie sur son conseil d’administration. Des administrateurs indépendants de l’industrie viendront compléter le conseil.C’est ce qu’a révélé Maya Raic, PDG de la Chambre, en entrevue au Journal de l’assurance, à la mi-janvier. Le nouveau conseil serait composé de huit administrateurs de l’industrie, qu’ils soient certifiés ou non, et de cinq indépendants. Ces derniers seraient nommés par le ministre. En ce moment, on compte onze administrateurs de l’industrie et deux provenant du public.

« En introduisant la notion de dirigeants non certifiés, nous aurons l’ensemble de l’industrie autour du conseil. Pour déterminer la représentation de chaque groupe, nous établirons un règlement interne. Il est trop tôt pour dire quelle sera la répartition, mais on veut avoir le plus de diversité possible », dit-elle.

Mme Raic croit aussi que ce changement va répondre à un besoin : ancrer la déontologie au sein des pratiques d’affaires de l’industrie. « Si j’ai le dirigeant au conseil et qu’il se sent concerné, j’ai l’adéquation entre pratiques d’affaires et pratiques déontologiques. De plus, des dirigeants nous ont demandé de siéger au conseil. Ce sera une valeur ajoutée de les avoir. Auparavant, je les rencontrais une fois par année. Ce n’est pas suffisant », dit-elle.

N’est-ce pas là un changement de vocation pour la Chambre ? Pas du tout, répond Mme Raic. Son mandat reste la protection du public. « On change la composition du conseil. Ça ne touche pas le mandat. On éveille de façon plus certaine la réalité des certifiés aux non certifiés », dit-elle.

Elle ajoute que les différents modes de distribution sont hermétiques l’un envers l’autre. Les directs connaissent mal la distribution des courtiers et vice-versa. « Ceux qui sont assis au conseil de la Chambre comprennent mieux certaines choses liées au mode de distribution de l’autre. Ça réduit la distance », dit-elle.

La Chambre va aussi s’assurer d’avoir un bon équilibre entre les administrateurs certifiés et les non certifiés. Cette représentativité est encore à l’étape de l’évaluation. « Les courtiers, par l’entremise du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), ont demandé à ce que les dirigeants de cabinets les représentant soient certifiés. On s’attend aussi à ce que les dirigeants de cabinets d’experts en sinistre le soit aussi, car être certifié y est la norme », dit Mme Raic.

La Chambre pressent-elle des guerres de réseaux entre courtiers et directs à son conseil ? Non, affirme Mme Raic. Elle dit d’ailleurs que la présence des cinq administrateurs représentant le public est une assurance de maintenir la défense des intérêts des consommateurs comme priorité sur les querelles de réseaux.

Les administrateurs indépendants devront répondre à trois critères bien précis pour être invités : ne pas avoir oeuvré dans l’industrie depuis au moins trois ans; ne pas avoir de membre de sa famille proche ayant oeuvré dans l’industrie depuis au moins trois ans; et ne pas avoir de relation d’affaires dans l’industrie.

Crédibilité remise en cause

Bien que le modèle actuel de gouvernance fonctionne bien, Mme Raic estime que sa crédibilité pouvait être remise en cause par le public. « Nous avons onze administrateurs de l’industrie qui défendent les intérêts du public. Je ne suis pas sûre que ce soit suffisant. Les cinq administrateurs indépendants vont crédibiliser la mission de la Chambre », dit-elle.

La PDG de la Chambre reconnait que les dirigeants des assureurs directs auront plus d’influence sur les orientations de l’organisme. Elle précise que l’inverse sera aussi vrai. « Les administrateurs indépendants viendront garantir la mission de la Chambre », dit-elle.

Selon Mme Raic, des professionnels, tels des avocats ou des comptables, auraient le profil type pour être administrateur indépendant de l’organisme. « D’autres critères vont faire en sorte que des profils précis seront recherchés. Des systèmes de recrutement pourraient aussi être mis à contribution. Le but demeure d’avoir la meilleure compétence possible à la table du conseil. Ça va permettre à la Chambre d’évoluer. Ça répond aussi aux demandes du gouvernement, de l’Autorité des marchés financiers et d’autres organismes en matière de gouvernance », dit-elle.

Deux types de comités seront chapeautés par le conseil d’administration. Il y aura tout d’abord les comités propres au conseil, tels ceux liés à la gouvernance, à la vérification et à l’éthique. Ces comités seront constitués de membres du conseil. Il y aura aussi ceux liés aux activités de la Chambre, qui ont trait au développement professionnel, à la qualité de la pratique et à la déontologie. La présidence de ces comités sera attribuée à des membres de la Chambre. Ils seront constitués de membres de l’industrie.
La mise en place du nouveau modèle de gouvernance mettra fin à la représentation régionale lors des élections. Les élections demeureront toutefois pour les membres provenant de l’industrie.

D’ici là, deux processus se feront en concomitance. La Chambre et l’Autorité doivent approuver le projet. Des commentaires pourraient être demandés à l’industrie. De plus, pour faire accepter le nouveau mode de gouvernance, il faut un projet de loi. Celui-ci a été déposé l’automne dernier. Il est toutefois mort au feuilleton. Le cheminement du projet de loi sera repris en février.

Distribution par Internet : la Chambre suit le dossier de près
Maya Raic est formel. Son organisme suivra de près le dossier de la distribution par Internet. La Chambre a formé un comité ad hoc sur cette question et attend de voir ce que l’Autorité des marchés financiers va proposer à l’industrie avant de définir sa position.
« La Loi sur la distribution des produits et services financiers n’a pas été bâtie pour de la distribution par Internet. Elle traite seulement de produits accessoires. Ce n’est pas de la vente d’assurance », dit la PDG de la Chambre.
L’organisme d’autorèglementation a néanmoins amorcée sa réflexion sur ce sujet. « On dit depuis 2000 qu’il faudra se pencher sur ce sujet. On avait aussi envoyé une lettre à l’Autorité en 2008 sur cette question spécifique pour lever un drapeau. On voit maintenant une volonté du régulateur de prendre le dossier à deux mains. On croit que c’est salutaire », dit Mme Raic.
Le comité ad hoc mis sur pied par la Chambre compte trois personnes : l’avocate Julie-Martine Loranger, du cabinet Gowlings Lafleur Henderson, le courtier Jean Boissonneault, président de CourtierWeb, et Michel Talbot, directeur, assurance des entreprises, à La Capitale assurances générales. D’autres s’y grefferont dans le futur, dit Mme Raic.
« Ce comité a pour mandat de voir quel est le rôle du représentant quand il y a distribution par Internet. Quel est son devoir envers le code de déontologie de la Chambre ? Il évaluera aussi comment le produit devrait être présenté au consommateur. En ce moment, on sait que les polices sont vérifiées par des représentants chez BélairDirect. Est-ce le cas partout ? On veut aussi voir quelles sont les questions posées au client », dit la PDG de la Chambre.

Passation des pouvoirs à l’automne

Quant à la passation des pouvoirs entre le conseil actuel et le nouveau conseil, il ne se fera pas avant l’automne. Mme Raic dit s’attendre à ce que le conseil actuel siège jusqu’à ce moment. Elle se dit aussi fière des administrateurs de son conseil actuel, qui ont mis l’intérêt de la Chambre avant les leurs pour mener à bien cette réforme de la gouvernance. « Il est clair que certains ne se qualifieront pas pour siéger sur le nouveau conseil. En plus, le nombre de postes attribué à l’industrie diminue. Malgré tout, il y avait unanimité autour de la table pour ce projet », dit-elle.

Elle ajoute aussi que le modèle est bien accueilli dans l’industrie. « Pour les professionnels, il est rassurant parce que leurs patrons vont comprendre leur réalité. Ça va nous donner un nouveau ton en tant qu’organisme d’autoréglementation », dit-elle.

La Chambre a travaillé un autre dossier majeur en 2010 : la formation en conformité. Depuis l’automne, elle offre huit séances différentes sur ce sujet.

Pourquoi la Chambre s’est-elle immiscé sur le terrain de l’industrie de la formation ? Pour deux raisons, explique Mme Raic. Tout d’abord, parce que les membres de la Chambre l’ont demandé. Un sondage réalisé en mars 2009 a révélé que 88 % des répondants voulaient que celle-ci démarre son service de formation en conformité.

Deuxième raison : l’offre sur le marché était jugée insuffisante. Ce sont 37 séances en conformité qui sont offertes en ce moment, ce qui comprend les huit offertes par la Chambre. C’est trop peu, estime Mme Raic, qui rappelle que son organisme accrédite près de 1 000 séances par cycle de deux ans de formation continue obligatoire.

« Nous avons senti une baisse d’inscriptions quand nous avons changé le règlement sur la formation continue. Notre but n’est pas de faire compétition à l’industrie de formation, mais bien de combler un manque, qu’on trouvait d’ailleurs plus criant en région. Ça n’empêche pas l’industrie de la formation de créer des formations en conformité. Ce n’est toutefois pas la tendance en ce moment », dit Mme Raic.
La Chambre dit aussi avoir une bonne réponse à son offre de formation. Seul le cours sur la jurisprudence semble moins bien fonctionner. À titre d’exemple, un cours sur la déontologie des courtiers a attiré environ 150 personnes. Plusieurs assureurs directs ont aussi commandé des formations. Les cours peuvent être offerts en entreprise ou lors de séances publiques. D’autres formations suivront à l’hiver, a souligné Mme Raic.

Hausse de la cotisation

Autre dossier chaud à la Chambre : la hausse de la cotisation des membres. L’organisme veut qu’elle passe de 240 $ à 275 $, soit une hausse de 35 $. Par la suite, elle augmenterait à chaque année selon l’indexation de l’indice général des prix à la consommation pour le Canada, tel que déterminé par Statistique Canada.

Pourquoi cette hausse ? Parce que le membership de la Chambre a atteint un plateau en 2006. Auparavant, la hausse du nombre de membres suffisait à combler ses besoins financiers. Depuis trois ans, elle se retrouve avec un déficit annuel moyen de 250 000 $ par an. Elle enregistrera d’ailleurs un tel déficit en 2011. Pour le moment, la Chambre comble ces déficits grâce à son surplus accumulé. « Les besoins sont plus grands qu’avant. Les inspections demandent plus d’outils », ajoute Mme Raic.

La Chambre a un budget total de 4,19 millions de dollars (M$). Près de 70 % du budget va à la prévention, qui comprend les inspections, la formation continue et les communications. « C’est important pour nous. Il n’y aura pas de diminution. Selon le conseil d’administration, plus on fait de prévention, moins on fait de coercition », souligne la PDG de l’organisme. La coercition représente quant à elle 31,6 % de son budget et englobe les activités du syndic et du comité de discipline. « La cotisation n’a jamais augmenté depuis la création de la Chambre en 2009. Maintenant que nous avons atteint un plateau, on ne peut plus ignorer le problème », dit Mme Raic.

La hausse de la cotisation doit maintenant être approuvée par les membres de la Chambre. Le vote se fera lors de l’assemblée générale annuelle de l’organisme, qui aura lieu le 6 avril prochain, à Boucherville.
Que se passera-t-il si les membres refusent la hausse ? « On laisse tomber! », répond Mme Raic. Cette dernière serait toutefois surprise que les membres rejettent la hausse. Elle affirme que ces derniers sont conscients que la Chambre n’a jamais augmenté le prix de son adhésion.

Forum de l’assurance de dommages

La Chambre tiendra son premier Forum de l’assurance de dommages le 6 avril prochain à Boucherville. L’organisme veut ainsi réunir toute personne préoccupée par la protection du public en assurance de dommages. Des séances de formation seront aussi offertes tout au long de la journée, ponctuées d’un lunch avec un invité de marque.
Le Forum se clôturera par l’assemblée générale, où la question de la hausse de la cotisation sera discutée et passée au vote. La Chambre fera aussi le bilan de la dernière année. Le tout se conclura par un cocktail de fermeture. « Le Forum est un moyen pour nous de faire rayonner la profession », souligne Mme Raic.